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Les Bourgeois et Les Races

Quand j’était petite, je rêvais d’être riche. Plus je vieillis, moins ça me tente. Je dis ça, parce que j’en vois justement une – une grosse Adrienne – qui s’emmerde, là. Étalée sur une chaise longue, devant le musée d’Art Contemporain. Le désespoir et l’ennui perce la nonchalance des phrases qu’elle ponctue d’une étincelle. (Le dos de son Iphone est couvert de strass, elle bouge, ça brille.) C’est clinquant, c’est vulgaire, c’est bourgeois. À Montréal, en Australie, dans l’avion, on les reconnaît, on les entends, on les sent.

Ils vont vous dire que je suis jalouse. Que ni. Au fond, je les plains; ils n’auront jamais la chance d’apprendre à la dure. La grosse Adrienne placote, le ton léger, savamment détaché. C’est par exprès. C’est pas senti une seconde; elle prendrait ce ton sur scène et on lui lancerait des tomates! Isn’t amaaaaazing? Pff.

Je me demandes ça ressemble à quoi ses pires moments. Je me demandes si le bonheur l’enivre, lorsqu’elle tangue sur ses Louboutin. Son Vuitton coincé sous le coude, elle a le regard caché derrière ses montures Chanel. Qu’est-ce qu’on devient quand tout est facile? Quand un faux-plis provoque une crise de larmes? Naître gâté-pourri, ça prépare mal pour affronter la vie. Malgré tout, j’imagine qu’on est toujours le bourgeois de quelqu’un quelque part.

En tout cas, hier, j’ai été une race pour quelqu’un quelque part.

Depuis le début du voyage, je vous enchante avec le récit de mes passe-droits. L’accent québécois est charmant, je suis une jeune fille; appellons-ça de la discrimination positive. Hier, j’ai déchanté. Y a un monsieur qui m’a crié : « I HATE YOU JEWISH! MOUHAHA! » Au début, j’ai pas compris. Puis, c’est arrivée comme une illumination divine: on vient de me détester. Gratuitement. Même pas besoin d’être juive pour avoir l’envie de lui mettre quatre baffes. Si je l’assommes, je lui attaches les pieds. Comme ça, il pourra pas se sauver quand je l’obligerais à m’expliquer. Je veux pas qu’il s’excuse, rien à foutre. Je veux comprendre.

La colombienne qui était avec moi a été bien sage sur ce coup-là. J’ai été déçue de la race humaine pendant une demi-heure. J’en revenais pas, j’avais ce goût amer, cette révolte qui me travaillais l’estomac comme un ulcère. Le pire, c’est que je pouvais rien faire. Qu’est-ce qu’on peut faire? La colombienne m’a dit qu’on est tous raciste, forcément. PARDON. On est tous raciste? Alors là, je m’apprêtais à lui sortir une riposte de la mort, les arguments se bousculaient dans ma bouche, et la voilà qui m’enterre, sans se soucier le moins du monde de mon babillage: « T’as une équipe de sport préférée? C’est du racisme. Tu t’entends mieux avec les asiatiques qu’avec les américains? C’est du raciste. Tous le monde est raciste, à sa façon. Pourquoi fais-tu confiance à celle-çi plutôt qu’à celle-là? C’est du racisme.»

J’étais stupéfaite. Surtout que Romain Gary en rajoute une couche en ce sens dans Les Cerfs-Volants, il raconte candidement que les nazis sont humain, dans leur inhumanité. (Quelque chose comme ça, j’ai perdu la page)

Et la grosse Adrienne, au top de la pyramide, si je la juge pour son attitude et son look, c’est du racisme?