Jellyfish : bel écrin pour menu original
Vous aimez le contraste, la dualité et l’audace dans l’assiette? Ouvert il y a quelques mois, ce resto au nom étrange vous attend…
Francis Rodrigue avait un œil sur ce local depuis longtemps. Lové dans le cœur du Vieux-Montréal et doté d’immenses fenêtres qui donnent sur le square des Frères-Charon, l’endroit est en effet idéal pour un resto. Dès que l’occasion s’est présentée, le gérant du Magia et du bistro Madame Thaï, à Longueuil, a quitté la Rive Sud pour lancer dans les murs du feu Aziatik son Jellyfish Crudo+Charbon.
Jellyfish? «Ça veut dire méduse en français; une méduse n’a pas de forme ni de couleur précise. Comme ici: on s’amuse, on n’a pas d’étiquette», explique Francis. En effet, ici on est entre bar et resto, la cuisine voyage entre l’Italie et l’Asie… «C’est un resto de 70 places, mais qu’on gère comme un petit resto.» Et avec la terrasse sur le coin de la rue Marguerite-D’Youville, 20 nouveaux couverts vont s’ajouter.
À l’intérieur, c’est grand(iose): aux plafonds hauts de 16 pieds pendent de superbes lustres, la déco est un peu vintage, avec quelques touches plus modernes qui rappellent Philippe Starck, mais l’ensemble, tout en bois et lumière, reste d’une élégance sobre – et ça fait du bien. Avec ses tons blancs et gris et son design épuré, le Jellyfish a des petits airs de club privé british. C’est espacé, aéré, on respire…
Le grand bar central rappelle le monde de la nuit, dont est issu Francis (on lui doit notamment le Hambar et le Vauvert). On regrette cependant l’ambiance bruyante un peu cantine, due au volume sous les plafonds. Mais ici, entre le Vieux Port et Quartier des Affaires, la clientèle est surtout composée de professionnels qui soupent rarement tard, et il suffit le soir d’attendre un peu pour être plus tranquilles et au calme.
Un casting solide
Pour cette nouvelle aventure, Francis Rodrigue s’est bien entouré. «Un resto, c’est comme une équipe de hockey, c’est un travail collectif. Il ne suffit pas juste d’avoir un bon gardien…», indique le gérant. On retrouve à ses côtés Roberto Pesut (du Globe et Buonanotte), Brynley Leach aux cocktails (le récipiendaire de plusieurs prix en mixologie a été un des collaborateurs de Made With Love) et Simon Duval au cellier (un ancien de L’eau à la bouche, à Sainte-Adèle, et de l’Auberge Saint-Gabriel).
Aux fourneaux, c’est Mathieu Masson-Duceppe qui tient les rênes. Ce jeune chef – il n’a que 25 ans – est passé par Moishes, mais aussi par différents restos d’hôtel dans les Caraïbes; on en retrouve d’ailleurs les influences dans ses plats. Il s’est aussi fait remarquer en remportant la saison 2 de l’émission télévisée Chopped Canada. Francis est allé le chercher dans les cuisines du Magia, où il devait commencer à s’ennuyer au milieu des pâtes et pizzas, pour lui confier celles du Jellyfish. Et en effet, on peut dire qu’il s’y est amusé…
Cette carte autour de la dualité du cru et du grill est plutôt créative. Elle se découpe en quatre parties: crudo, chaud, froid, charbon et à-côtés. On y pioche selon les faims et les envies plusieurs tapas élaborés à partager. Dans cette cuisine fusion, on retrouve notamment des influences asiatiques et exotiques, avec les tatakis, chimichurris, carpaccios et autres curries. Presque tout est fait maison. Le chef utilise un tombeau à charbon pour la partie grillée du menu – et réfléchit à installer peut-être un barbecue extérieur cet été.
Cru versus grillé pour tapas élaborés
On commence le repas avec tataki de canard à la sauce aux arachides et chocolat noir – un plat joyeusement baptisé «Reese’s Pieces». Si on salue l’audace et la créativité, dommage que la sauce masque trop le goût du canard, par ailleurs excellent. S’ensuit une assiette de carottes Heirloom au charbon, ricotta battue au miel et croûtons: la cuisson au charbon donne un goût intéressant en laissant une texture très croquante. La morue miso blanc, accompagnée d’edamame et de raifort, si trop salée, est cuite à la perfection mais peu surprenante.
Le palme du mélange des saveurs revient aux dattes farcies au bacon, avec un espuma de fromage. Un dessert juste pour la gourmandise, car les quatre petits plats partagés, si on n’était pas sûrs au début, nous ont bien rassasiés. Les assiettes sont tout en couleurs et jouent sur les contrastes de textures, mais le résultat est dans l’ensemble plus surprenant dans les idées et le visuel que dans les goûts. Si on a parfois l’impression que le chef essaie un peu trop, il est en tout cas sur la bonne voie et on va le suivre de près…
Côté service, c’est agréable et convivial tout en étant très attentionné, voire presque un peu trop – les assiettes sont parfois ramassées alors qu’on n’a pas tout à fait terminé. On saluera en tout cas les connaissances en sommellerie des serveurs; si on a eu la malchance de ne pas croiser Simon Duval, en congés ce jour-là, on a reçu en son absence de très justes conseils d’accords mets-vins. De bons verres dégustés dans l’écrin de verre de ce beau resto lumineux.
Jellyfish Crudo+Charbon
626, rue Marguerite d’Youville
Montréal