Restos / Bars

Polémique au resto du Casino : Robuchon et les millions

Les réactions outrées fusent dans le milieu de la restauration depuis qu’on sait que le nouveau resto du Casino de Montréal, financé par les deniers publics, a coûté 11 millions de dollars. Et surtout, il ne s’agit pas d’un chef québécois…

(Mis à jour le 23-02-17)

Le choix du Français Joël Robuchon plutôt qu’un Québécois dans un resto financé par le gouvernement provincial alimente les réactions. Les chefs David McMillan (Joe Beef), Normand Laprise (Toqué!) ou encore la critique gastronomique de Montreal Gazette Lesley Chesterman se sont fendus de tweets courroucés, tandis que d’autres, moins subtils, font carrément allusion à la colonisation.

Le porte-parole de Loto-Québec, qui gère toutes les opérations des casinos, restaurants compris, a assuré en réponse que L’Atelier de Montréal mettait bien en valeur la province, le menu étant composé à 70% de produits du terroir local, et que l’équipe en cuisine était totalement québécoise – on remarquera cependant que, Joël Robuchon étant très peu présent à Montréal, c’est un Français d’origine, Eric Gonzalez, qui dirige les cuisines.

Si L’Atelier est censé attirer des touristes gourmands à Montréal, le chef multimillionnaire aux 26 étoiles Michelin prépare également l’ouverture d’un nouveau resto franchisé à New York, métropole presque voisine. Bref, la polémique enfle – le mot-dièse #casinorestogate a même été lancé pour que chacun y aille de son avis.

Robuchon, « la diversité et l’ouverture »

« Le débat autour de L’Atelier fait rage depuis longtemps dans le milieu de la restauration, mais le ministre Leitão ne semblait pas au courant avant la semaine dernière… », indique le porte-parole du Parti québécois en matière d’agriculture et d’alimentation, André Villeneuve. Jeudi dernier, en pleine séance à l’Assemblée nationale, il interpellait en effet le ministre des Finances Carlos Leitão au sujet du nouveau restaurant financé par la province.

« Loto-Québec a le droit d’agir sans faire d’appel d’offres, c’est vrai, mais je ne suis pas d’accord avec ce fonctionnement, déplore le député Villeneuve. C’est une somme importante qui échappe à la concurrence. Nous avons ici des chefs de calibre international qui auraient pu et auraient dû pouvoir proposer un projet de restaurant. »

Lors de la séance à l’Assemblée, le ministre des Finances avait répondu qu’un accord avec ce chef à la renommée internationale, l’un des meilleurs au monde, était une façon très efficace d’attirer les touristes, et notamment de gros joueurs, au casino de Montréal.  Robuchon représente « la diversité et l’ouverture », a également justifié Leitão.

« Ce n’est pas que la question était très bonne mais la réponse était en cas très mauvaise… poursuit vivement André Villeneuve. Le ministre n’a pas ressenti le besoin de s’excuser. Selon M. Leitão, un chef étranger serait plus attractif qu’un Québécois ! Les touristes viennent au contraire chez nous pour découvrir notre belle culture… C’est inacceptable de ne pas permettre à nos chefs locaux de déposer des propositions. J’avais l’impression de revenir trente ans en arrière, quand le Québec devait s’imposer dans tous les domaines !»

« Obtenir plus de transparence sur l’utilisation des fonds publics »

Mais l’autre information qui alimente encore plus la discorde, c’est la somme de 11 millions de dollars que le gouvernement provincial aurait déboursée pour l’ouverture du restaurant en décembre dernier. « Pour mettre le scandale Robuchon/Casino en perspective, le Toqué! a dépensé 30 000$ pour ouvrir son premier restaurant, et Joe Beef 60 000$ », indique Lesley Chesterman dans un tweet.

C’est de la critique que provient d’ailleurs ce chiffre de 11 millions, cité par le ministre de l’Agriculture à l’Assemblée nationale. Si la somme n’a pas réfutée par M. Leitão, elle n’a pas été confirmée par Loto-Québec.

Son porte-parole a indiqué au National Post que l’organisme ne divulguerait pas les détails de son contrat avec Robuchon, mais assure par ailleurs que les investissements dans le restaurant représentent moins de 11 millions. Le Montreal Eater parle notamment de publicités onéreuses pour le restaurant et de 80 000 dollars dépensés en porcelaine et couverts de marque importés de France.

« On n’a pas les détails sur la somme et son utilisation, mais je veux obtenir plus de transparence sur l’utilisation des fonds publics, a affirmé André Villeneuve, qui ne lâche pas l’affaire. En tout cas, cette polémique aurait au moins permis à M. Leitão de se rattraper cette semaine sur ses connaissances sur les compétences gastronomiques du Québec… »

Mise à jour (23-02-17) : Tourisme Montréal a tenu à donner sa position sur le sujet : « L’Atelier de Joël Robuchon au Casino de Montréal est un atout important pour positionner Montréal comme destination gastronomique de premier choix en Amérique du Nord.

Selon l’Organisation mondiale du tourisme, le tourisme gourmand est l’un des segments les plus dynamiques et créatifs de l’industrie touristique. La gastronomie est devenue une composante essentielle de l’expérience de découverte culturelle à Montréal et constitue une motivation de voyage de plus en plus importante. C’est pourquoi le tourisme gourmand est considéré comme une priorité par Tourisme Montréal depuis quelques années.

Dans cette perspective, L’Atelier de Joël Robuchon, comme l’ensemble des grands chefs montréalais, permet à Montréal d’être propulsée au rang des plus grandes villes d’Amérique du Nord reconnue pour son excellente gastronomie. L’Atelier de Joël Robuchon est donc un ajout important et apporte une offre unique à la grande gastronomie montréalaise.

Par ailleurs, Tourisme Montréal tient à souligner l’initiative de l’Atelier à utiliser les talents québécois, soit le chef montréalais Eric Gonzalez, figure montante de la gastronomie. À la tête de toute une brigade originaire du Québec, M. Gonzalez utilise son savoir-faire pour magnifier les produits locaux. Il travaille déjà à intégrer et à mettre en valeur les produits québécois.

Permettons à Montréal de rayonner positivement grâce à sa gastronomie et d’offrir une variété répondant à tous les goûts. »