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Le cancer, une malchance?

Le cancer ne serait que le fruit de la malchance. C’est ce que titraient plusieurs médias faisant écho à une publication dans la revue Science. Et, dans bien des milieux, la conclusion logique qui était d’envoyer promener les conseils de la santé publique et de réécrire sa liste de résolution du Nouvel An. Il s’agit toutefois d’une réaction un peu hâtive compte tenu de la véritable nature des résultats scientifiques présentés. C’est aussi un avertissement sur les limites de la communication scientifique.

En effet, l’article produit par deux chercheurs de l’Université John Hopkins, Cristian Tomasetti et Bert Vogelstein, s’intitulait « Variation in cancer risk among tissues can be explained by the number of stem cell divisions ». Ces deux chercheurs ont eu la brillante idée de comparer les taux de cancers observés avec le nombre total de divisions cellulaires dans les tissus touchés au cours de la vie. L’idée étant que les erreurs de transcription qui se produisent lors de la division cellulaire sont une cause potentielle de cancer. De sorte, que le nombre de cas de cancer devrait être proportionnel au nombre de ces divisions cellulaires.

F1.largeTiré de J Couzin-Frankel Science 2015;347:12

Et, c’est exactement ce qu’ils ont observé (voir graphique). Le nombre de divisions cellulaires et le taux de cancer sont liés avec un coefficient de corrélation R=0,81. Cela se traduit par un coefficient de détermination de R2=0,65. Il s’agit certainement d’un résultat remarquable du point de vue de la compréhension théorique du cancer. De plus, ce résultat est compatible avec l’observation de l’augmentation exponentielle du taux de cancer avec l’âge. Un phénomène qui explique à lui seul la croissance du nombre de cas de cancer dans les pays développés.  Et, qui n’a rien à voir avec la croissance de la pollution comme le prétendent certains.

Le problème est que cet article ne dit pas que les deux tiers de cancer sont dus à des mutations spontanées comme cela a été rapporté par Science et repris dans la presse. En effet, un coefficient de détermination de 0,65 n’équivaut pas à un taux de cancer spontané de 65 %. D’une part, tous les effets systématiques sont absorbés dans le calcul de corrélation. D’autre part, il faut considérer que le calcul est fait sur une échelle logarithmique, ce qui se traduit par une incertitude considérable, quand on travaille avec des chiffres absolus.

Ainsi, seules des études épidémiologiques peuvent isoler proprement l’impact de l’environnement et des comportements sur le cancer. Or, selon l’OMS, environ 30 % des cancers seraient évitables, c’est-à-dire dus à l’environnement, aux comportements (tabac, alcool, alimentation) ou à des maladies virales (VPH, hépatite). La similarité numérique des deux chiffres est probablement une pure coïncidence.

Autrement dit, ces résultats ne changent rien à ce que l’on savait déjà. Une bonne hygiène de vie réduit très significativement les risques de cancer, même s’il est impossible d’éliminer tous les risques.