L’année 2014 a été une des plus chaudes de l’histoire, voire la plus chaude selon à qui l’on se fie. Ainsi, c’est la plus chaude pour l’Agence de Météorologie Japonaise, la NASA, la NOAA et le groupe Berkeley Earth. Cependant, les climatosceptiques feront remarquer que c’est seulement la troisième ou la sixième plus chaude si on utilise les mesures radiométriques des satellites (calculé par UAH et RSS respectivement).
Les résultats finaux diffèrent d’une source à l’autre en raison de la nature des données et des algorithmes différents utilisés pour les homogénéiser et le traitement des régions qui ne sont pas couvertes par des mesures. Pour ceux que cela intéresseraient d’en connaitre plus à ce sujet, je suggère la lecture de l’article des chercheurs canadiens Kevin Cowtan & Robert G. Way, qui discutent en détail de ces différences subtiles. Dans le cas des satellites, ce sont les algorithmes de traitement légèrement différents qui influencent les résultats.
On aura beau battre des records cette année, les climatosceptiques continuent de maintenir que la température n’a pas augmenté de 19XX, alors que la concentration de gaz à effet de serre continue d’augmenter, ce qui est une preuve incontestable que la théorie du réchauffement global est fausse. En effet, pour la plupart des sources de donnée, il faut remonter au moins jusqu’à 1996 avant que le signal des changements climatiques ressorte du bruit à un niveau de confiance de 5 %. Mais, dans le cas des satellites, il faut remonter à 1994 pour UAH et même 1989 pour que ce soit le cas pour le RSS. Vous pouvez juger de vous-même la qualité de cet argument en utilisant cette application.
Cependant, il y a un point sémantique important à noter : ne pas détecter un signal avec un niveau de confiance élevé ne veut pas dire la même chose que l’absence de ce signal. En effet, selon la définition de pause adoptée par les climatosceptiques, s’il y a une petite probabilité (>5 %) que la croissance de la température soit nulle, cela signifie que la température n’a pas augmenté, ce qui est une définition abusive.
En effet, la température globale fluctue autour de sa valeur moyenne en raison de perturbation diverse. La principale étant le phénomène El Niño-La Niña qui a un impact important sur les taux de transfert de chaleur entre l’air et l’océan. Ainsi, pendant des épisodes de la Nina, la température globale baisse légèrement, car il y a plus de chaleur entrainée dans l’océan Pacifique alors que c’est le contraire pour El Niño. De même, les éruptions volcaniques et les variations du flux solaire, ainsi que d’autres modes d’oscillations des océans affectent la température. Tous ces effets se superposent au climat « moyen », ce qui fait qu’il faut un certain temps avant de pouvoir distinguer l’effet des changements climatiques du bruit. C’est pourquoi les climatologues utilisent des périodes de 30 ans pour définir le climat moyen. Il est aussi à noter que les satellites ne mesurent pas la température au sol, mais en altitude. Cela les rend plus sensibles aux fluctuations naturelles, ce qui explique pourquoi il faut plus de temps avant que le signal des changements climatiques devienne détectable. En fait, 2014 est non seulement l’année la plus chaude, mais l’année la plus chaude sans El Niño, comme l’illustre le graphique suivant.
De plus, l’astrophysicien américain Grant Foster (connu blogueur sous l’alias Tamino) et le climatologue allemand Stefan Rahmstorf ont montré en 2011 qu’il était possible de corriger les données pour les principales sources de fluctuations pour obtenir une courbe de température beaucoup moins bruitée. En fait, la croissance de la température est remarquablement constante.
Si on cherche vraiment à montrer l’existence d’une pause, rigoureusement, la question qui devrait être posée est de savoir si on détecte un changement du taux de croissance de la température. Ayant étudié une question similaire pour ma thèse, je peux vous confirmer que c’est une tâche qui demande beaucoup plus de mesure que la simple mesure d’une pente. Le résultat de cette analyse a été présenté récemment sur le blogue Realclimate. Il indique clairement qu’il n’y a pas de changement détectable de la croissance de la température globale depuis 1970.
De plus, il est à noter que le climatologue de McGill, Shawn Lovejoy, avec qui je partage l’insigne honneur d’être un ennemi de Friends of Science (Voir mon billet précédent afin de savoir pourquoi), est arrivé aux mêmes conclusions en utilisant des outils statistiques complètement différents. Effet secondaire de ce calcul, Lovejoy montre aussi que l’hypothèse que la croissance de la température depuis l’ère industrielle soit due à une cause naturelle doit être rejetée avec une certitude statistique de 99.9 %.
En conclusion, si le record de température de 2014 n’est pas important en soi, il se situe dans une tendance lourde au réchauffement qui ne montre aucun signe de ralentissement.
Ajout du 20 janvier 2015
Grant Foster (alias Tamino) vient de produire sur son blogue, ce graphique qui illustre que la température suit la même courbe ascendante qu’avant l’an 2000.