Cette question qui peut sembler futile a pourtant fait l’objet d’un symposium lors du congrès de l’American Association for the Advancement of Science le 8 février dernier. Intitulé « Active SETI: Is It Time To Start Transmitting To The Cosmos? », ce symposium avait pour but de débattre de la pertinence du SETI actif, c’est-à-dire l’activité de transmission de signal en direction de civilisations extraterrestres potentielles.
En effet, jusqu’ici le SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence), s’est essentiellement contenté d’écouter le plus attentivement possible l’espace afin de détecter des signaux d’éventuelles civilisations extra-terrestres. Or, depuis quelques années, il y a eu aussi plusieurs «expériences de transmission de signaux». Ces activités sont qualifiées de SETI actif (ASETI), CETI (Communication with Extraterrestrial Intelligence) ou METI (Messaging Extraterrestrial Intelligence).
Pour être honnête, j’ai probablement lancé le bal en 1999 avec ma participation au projet Cosmic Call. Dès cette époque, j’avais présenté les questions éthiques soulevées par ce genre de projet.
La première de ces questions est à savoir si ce type d’activités peut-être dangereuses. En effet, s’il est fait sérieusement, ce genre de transmission radio dépasse largement les émissions radio ordinaires de la Terre (typiquement les radars), ce qui la rend beaucoup plus facile à détecter par d’éventuelles civilisations extra-terrestres. Évidemment, c’est le but de la manœuvre, mais aussi s’il y a des civilisations hostiles, cela pourrait être une mauvaise idée d’attirer l’attention sur nous.
En effet, selon une logique implacable, une civilisation le moindrement expansionniste pourrait occuper l’ensemble des planètes de la Galaxie en quelques millions d’années. C’est d’ailleurs la base du paradoxe de Fermi. Dans ces conditions, toutes les civilisations émergentes vont entrer rapidement en conflit avec les civilisations existantes. (Cette logique implacable est décrire dans le classique de la science-fiction Starship Troopers de Robert A. Heinlein). Il serait donc tout à fait logique pour une civilisation avancée d’éliminer toute compétition pour les ressources en tuant dès leur détection des civilisations émergeantes.
Bien qu’il soit plausible que nous soyons comestibles pour des extraterrestres parce que nos acides aminés semblent universels, les invasions massives pour s’approprier les ressources ont peu de sens. En effet, il faut énormément de ressources pour voyager dans l’espace, de sorte que le bilan serait probablement négatif. De plus, la partie la plus dangereuse d’un vaisseau spatial est son moteur. Dans ces conditions des bombardements hypervéloces à partir de l’espace peuvent très facilement éliminer une civilisation émergente sans même que les visiteurs extra-terrestres aient à se poser sur le sol.
Alternativement, on pourrait attaquer une civilisation avec du savoir toxique. Si l’attaque par un virus informatique proposé par Richard Carrigan semble peu plausible, on peut imaginer des virus sociologiques. En effet, j’ai moi-même proposé qu’une civilisation extraterrestre mal intentionnée puisse intoxiquer une autre civilisation avec des idées scientifiques fausses ou dangereuses afin de lui faire gaspiller des ressources et manquer sa fenêtre d’opportunité pour coloniser la Galaxie.
Par exemple, on pourrait envoyer un message affirmant que le théorème de Fermat est faux pour faire travailler les mathématiciens de cette civilisation dans le vide pendant quelques siècles. Alternativement, on pourrait faire la promotion de l’utilisation industrielle de composés organobromés, qui en s’attaquant à la couche d’ozone de façon très agressive nuiraient considérablement au développement d’une civilisation. Nous avons nous-mêmes évité cette catastrophe de peu parce que, dans les années 50, un comité interne chez Dupont a conclu que les organochlorés étaient un peu moins chers que les organobromés! Ce choix fortuit nous a permis de détecter la destruction de la couche d’ozone suffisamment tôt pour éviter des dommages trop importants, ce qui n’aurait pas été possible avec les organobromés!
En résumé donc, du point du point de vue théorique, l’émission de message à l’intention des extra-terrestres présente un risque existentiel non nul (mais potentiellement très faible) pour l’humanité. On peut cependant argumenter qu’une civilisation extra-terrestre possédant un minimum de technologie pourrait avoir détecté la présence de vie sur Terre depuis longtemps et même avoir détecté la présence d’une civilisation technologique simplement en observant la variation de la concentration de CO2 dans notre atmosphère ainsi que la présence de polluant comme les CFC. Dans ces conditions, émettre vers l’espace ne présenterait pas de risque supplémentaire.
Il est à noter que d’autres questions éthiques sont soulevées par cette activité. La première étant qui a le droit de parler pour la Terre, et son corollaire, quel doit-être le contenu d’un tel message. Ces considérations sont en collision directe avec le concept de liberté d’expression. Personnellement, je trouve ces questions très importantes, mais elles semblent ne pas être une préoccupation pour les principaux acteurs de ce débat. En effet, un message mal conçu pourrait mal représenter l’humanité. Pire encore, il pourrait carrément emmerder les extra-terrestres en leur faisant perdre leur temps pour décoder un message fondamentalement incompréhensible.
Ce qui est le plus étonnant dans cette histoire, c’est l’évolution du débat. Quand j’ai commencé dans ce milieu, la position de tout le monde était clairement contre. D’ailleurs, c’était aussi ma position et ma motivation principale pour la participation à de tels projets était de limiter les dégâts. Mais, depuis, une partie de la communauté est devenue largement favorable, ce qui a amené le débat sur la place publique.
Du coté des contres, il y a l’astronome et auteur de science-fiction David Brin qui ne cesse de monter des débats publics. De l’autre Douglas Vakoch et Seth Shostak du SETI Institute qui sont pour. Derrière toute cette histoire, il semble se cacher une volonté sous-jacente de nature pécuniaire.
En effet, la beauté du SETI actif est que vous pouvez demander à des gens du public d’envoyer leur bout de message en échange d’une petite cotisation. C’est d’ailleurs comme cela que se sont payées toutes les expériences récentes. Pour le SETI Institute qui vit effectivement de dons, cela peut-être un marché à conquérir. De même, il y a une certaine perception dans la communauté que David Brin se sert de ce débat pour mousser ses ventes de livres.
Or, ce type de message composé d’un collage de petits messages disparate est fondamentalement indécodable. Sauf que si vous être un extraterrestre, vous ne le savez pas a priori et vous allez perdre votre temps à essayer de le décoder. De plus, si on considère que l’on doit parler pour l’humanité, il faut faire un effort important afin de minimiser les biais culturels, ce qui est loin d’être une option avec les activités commerciales.
Cet aspect du problème n’est jamais mentionné, car malheureusement, les considérations éthiques ne font pas les manchettes.
Si des extra-terrestres sont effectivement déjà à l’écoute, ils se tapent possiblement en ce moment le chapelet en famille (à la radio) avec le cardinal Léger, ou encore une radinerie de Séraphin à la télé. Et plein d’autres émissions dont les ondes parcourent l’espace depuis des décennies.
Aucun besoin de chercher à envoyer des messages ciblés. D’autant plus que personne ici ne sait probablement de quel côté vraiment cibler parmi les étoiles.
Enfin, serait-ce dangereux d’établir un contact avec ET? Impossible de répondre à ça. Par contre, si l’on considère la grande pagaille qui sévit – et va même en empirant rapidement – sur notre petite planète bleue, il se pourrait bien que le président américain Ronald Reagan ait eu raison lorsqu’il a un jour laissé entendre que ce qui pourrait enfin calmer et rapprocher tout le monde sur Terre serait d’être subitement confronté à ET en personne. Du coup, nous nous serrerions tous les coudes et serions enfin solidaires les uns des autres.
Mais… les extra-terrestres ne sont-ils pas en fait venus nous visiter et revisiter depuis des millénaires…?
Il y a toute une littérature sur la visite de ET. Le problème, c’est que les témoignages, cela ne vaut pas grand chose sans preuve physique qui sont malheureusement absente.
« En effet, j’ai moi-même proposé qu’une civilisation extraterrestre mal intentionnée puisse intoxiquer une autre civilisation avec des idées scientifiques fausses ou dangereuses afin de lui faire gaspiller des ressources »
Pas besoin des extra-terrestres pour cela. Il me semble que l’idéologie néo-libérale réussit très bien dans ce rôle.
A moins que ce sont les ET qui ont introduit cette idée pour pousser la civilisation occidentale à d’auto-détruire en entraînant le reste du monde à sa suite ?
Un beau scénario pour un futur « X-Files ».
😉
Ce n’est pas la base du complot mondial des reptiliens?
http://fr.wikipedia.org/wiki/Reptile_humano%C3%AFde
L’affaires de Ummites serait un bon exemple aussi de cette approche, mais du coté communiste:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ummo
Admettons que des civilisations beaucoup plus avancées que nous existent. Peut être qu’elles évitent simplement de nous « perturber » ou encore que nous ne les intéressons pas du tout.
Il est probable que ces civilisations auront abandonné la forme de fragiles créatures organiques pour celles de machines intelligentes. A priori ces créatures n’auraient pas besoin de se nourrir de molécules organiques. Toute forme d’énergie conviendrait.
Aussi, l’idée de conquête est une idée passablement primitive. Pour une civilisation de robots intelligents capable de se déplacer dans l’espace (mais dans quel intérêt?) les ressources sont abondantes dans l’univers. Il est bien plus intéressant d’arnacher l’énergie d’une étoile ou de maîtriser la gravité ou éventuellement la matière noire / l’énergie sombre (qui sait?) que de s’emparer avec violence de quelques molécules organiques sur l’insignifiante planète Terre.
Aussi, peut-être sommes-nous très peu intéressants, voir insignifiants pour une civilisation avancée?
Plus la science progresse, plus nous nous rendons compte de la banalité de notre condition. L’Homme est parti du centre du Monde, une créature divine, à une espèce moyennement intelligente (on a qu’à constater comment nous détruisons notre environnement vital) résultat d’une évolution par sélection naturelle qui vit sur une planète somme toute moyenne, la Terre (on sait qu’il y a des milliards de Terre rien que dans notre galaxie) qui gravite autour d’une étoile moyenne, notre Soleil, dans la banlieue une galaxie moyenne, La Voie Lactée. Tout cela peut-être même dans un univers-bulle (cela reste à prouver) qui ne serait qu’une infime partie d’un multivers gigantesque.
Imaginons simplement ce que nous pourrions représenter pour des civilisations beaucoup plus avancées et intelligentes que nous. Nous sommes d’insignifiantes créatures!
Pour conclure, on constate que plus une civilisation avance moins elle est violente. Comme l’illustre un article récent de Steven Pinker e Andrew Mack.
http://www.slate.com/articles/news_and_politics/foreigners/2014/12/the_world_is_not_falling_apart_the_trend_lines_reveal_an_increasingly_peaceful.single.html
Effectivement, il n’y a pas grand intérêt à faire des guerres de conquête. Cependant, éliminer la compétition peut-être une option logique.
D’autre part, si la violence diminue depuis quelques siècles, il n’en demeure pas moins que nous somme qu’à 3 repas de l’anarchie.
D.un autre côté, il vaut visualiser les dimensions de notre galaxie (je ne parle même pas de l’univers). Pensons que la lumière de l’étoile la plus proche prend 4,3 ans pour nous atteindre et que l’étoile « peuplée » la plus proche est peut-être à des dizaines, voire des centaines d’années-lumière, on peut se dire qu’il peut s’écouler du temps avant qu’un signal envoyé de la Terre soit capté ailleurs, puis nous revienne (s’ils répondent immédiatement, sans prendre trop le temps d’analyser le message). Et encore plus avant qu’une expédition soit montée et arrive.
Et l’intérêt peut être faible pour une telle expédition si un aller-retour prend plus d’une génération (évidemment, cela dépend de l’espérance de vie des membres d’une éventuelle civilisation extra-terrestre). Surtout si on ignore ce qu’on va trouver au bout. Si même l’envoyeur du message (nous) existera encore à l’arrivée. Quant à une occupation et une exploitation, …
Disons que si l’Amérique se trouvait à 50 ans de voile de l’Europe (nonobstant tut problème de ravitaillement), les grandes puissances de l’époque aurait probablement mis de côté l’idée de la colonisation, voire même de l’exploration.
Ce n’est pas pour rien que les auteurs de science-fiction délaisse de plus en plus les idées de « conquête des étoiles » pour se concentrer sur des sujets plus « proches » (même s’il y a aussi d’autres raisons sociologiques).
Dans Star Trek, la « Première directive » (Prime Directive) interdit tout contact avec une civilisation avant qu’elle ne soit capable de réaliser des voyages interstellaire afin de minimiser l’impact sur son développement culturel.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Directive_Première
Pas sûr que si nous découvrions en 2015 une peuplade d’aborigènes sur une petite île isolée nous ne décidions d’éviter tout contact pour les préserver.
En astrobiologie, on appelle cela l’hypothèse du zoo pour expliquer le paradoxe de Fermi.
J’ai approuvé ce commentaire, même si c’est à la limite de la pub YD.
Vous pouvez lire le petit bouquin de SF au lien suivant (c’est gratuit), je pense qu’il arrivera ceci à l’humanité dans quelque temps:
http://www.atramenta.net/lire/les-dits-de-la-bouteille/46395
Il est basé sur la phrase: « La création d’une existence ne sert que ceux qui existent déjà, quand il ne maitrise pas cette création, ni le chemin que suivra cette existence, le créateur est un animal, un idiot, ou un sadique. Je demande le droit de naitre et vivre avec un corps sain et un esprit sain, dans un milieu sain. Pouvez-vous m’assurer ce droit minimum ? Maintenant que vous avez créé un être souffrant, défaites la souffrance, le pouvez-vous ? »
Si j’étais une extraterrestre et que j’avais les moyens de visiter d’autres mondes. Je dirais à mes semblables de ne pas venir sur terre et d’éviter ce lieu sous peine de mort ou pire encore. Et si, en plus, j’avais les moyens d’écouter ou de visualiser ce qui se passe sur la terre, cela ne ferait que me conforter dans ma décision.