Encore cette année, Hydro-Québec augmente son tarif d’électricité, ce qui n’est pas sans susciter la grogne de la population. Au-delà du chialage et des jérémiades qui caractérisent si bien les Québécois se cache un problème de fond : la fin de la croissance de la demande et du modèle économique qui lui est attaché.
En effet, cela fait une dizaine d’années que la demande d’électricité au Québec est à peu près constante. De sorte que l’on se retrouve avec des surplus énormes, de l’ordre de 30 TWh soit environ 15 % de la consommation. En temps normal, la présence de surplus serait une bonne chose, car on pourrait aller chercher des revenus avec les ventes sur les marchés extérieurs. En pratique cependant, si les surplus s’accumulent, c’est parce que l’on continue à construire de nouvelles unités de production dont on n’a pas besoin pour répondre au besoin du Québec (La Romaine, éoliennes, minicentrales, biomasse, etc.). Or, les couts de production de ces nouvelles unités sont supérieurs à celles des installations existantes (ainsi que celui sur les marchés d’exportation). Typiquement, on produit à plus de 7 ¢/kWh pour vendre à 3 ¢/kWh (bien que les prix à l’exportation se sont améliorés depuis 2 ans). Cela a pour effet de pousser le coût moyen de l’électricité à la hausse, ce qui se traduit par une augmentation de la facture pour le consommateur.
Il n’y a aucune logique économique pour Hydro-Québec d’agir de la sorte. Ce sont des impératifs politiques qui en sont la cause. En effet, les gouvernements du Québec successifs se sont servis d’Hydro-Québec à la fois comme vache à lait et comme outil de développement régional. C’est dans cette logique que l’on donne des tarifs préférentiels aux alumineries et que l’on continue à construire des barrages et des éoliennes pour créer des emplois qui coûtent plus de 100 000 $/an en subvention indirecte, tout en exigeant des redevances toujours plus élevées.
Il s’agit bien évidemment d’une politique économique perdante à long terme dont on ne peut malheureusement pas se débarrasser en raison du poids politique et culturel que cela représenterait. En effet, Hydro-Québec est l’un des succès des Québécois. Les gouvernements s’y accolent pour s’approprier un peu de cette gloire par osmose. Le fantasme de devenir les Arabes de l’électricité est très présent dans la population et le gouvernement fait tout pour entretenir ce mythe. Mais, ce n’est qu’un mythe. En effet, même avec des revenus d’exportation de 814 M$ en 2014, c’est minime comparé aux 9 G$ de redevances pétrolières reçues par l’Alberta en 2013.
La conclusion de la Commission des Enjeux Énergétiques du Québec était que l’on devait abandonner la logique de l’offre pour la remplacer par une logique de la maîtrise de l’énergie. C’est-à-dire faire des choix en termes de politique énergétique visant à maximiser le retour économique pour le Québec. Si cela était de la simple logique, c’est politiquement invendable, car il y a trop d’acteurs économiques qui sont dépendants du modèle actuel. Ce n’est pas pour rien, l’expression est de Normand Mousseau (coprésident de la commission), que le rapport a été tabletté plus vite que la vitesse de la lumière, et ce par deux gouvernements successifs ce qui est probablement un record.
Si votre prochaine facture d’électricité vous fait râler, dites-vous que c’est le prix à payer pour continuer à nourrir le rêve économique québécois.
Vous n’avez pas tort, au contraire. Mais je souligne que la hausse d’Hydro survient cette année encore alors qu’Hydro a affiché des PROFITS. Et des profits RECORDS.
Elle ne sert donc pas à éponger les mauvaises décisions et la mauvaise gestion (j’en ai une petite liste à ajouter, comme les compteurs énergivores et les primes et bonus aberrants que se versent les dirigeants (exemptés explicitement de tout « effort » d’austérité par Couillard en décembre dernier)), mais bel et bien à accroître les « dividendes » versés au gouvernement (eux aussi records).
Un sacré ménage est nécessaire dans Hydro et se spolitiques. Et il faudrait aussi arrêter de l’utiliser comme agence de perception de taxes cachées.
Il faut faire attention à distinguer ce qui vient de HQ et ce qui lui est imposé par le gouvernement. Hydro-Québec a des profits normaux pour une entreprise similaires. Elle n’est pas nécessairement mal gérée. Mais, quand on vous impose des choix coûteux, cela a des conséquences. Une des conséquences est l’achat de fournitures à l’étranger (compteurs et pylônes) pour réduire les coûts.
Vrai, mais il est parfois difficile de distinguer qui impose quoi à qui.
C’est vrai que la direction d’Hydro s’est fait imposé les éoliennes privées et qu’elle utilise ce prétexte pour justifier ses continuelles demandes de hausses et cherche visiblement à s’en débarrasser à ameutant l’opinion publique.
Mais d’un autre côté, les compteurs énergivores avec contrats de construction, d’installation, d’entretien et de gestion des données entièrement sous-traités à l’étranger me semble être un dossier purement « Hydro » et les gouvernements ne semble avoir bien peu d’informations et de contrôle sur lui, Hydro refusant de communiquer, même au ministre de l’énergie, les études, prévisions et données factuelles concernant ces compteurs.
Comme à l’époque, la centrale au gaz naturel de Bécancour (1,3 milliard dépensé pour que, finalement, elle ne produise pas et on continue de payer pour la maintenir fermée) semble avoir été un projet des gestionnaires provenant de Gaz Métro (André Caillé, Thierry Vandal, etc.). Bien que dans ce dossier, le gouvernement Bouchard semble avoir été très favorable.
Difficile de démêler les collusions entre hauts gestionnaires d’Hydro et le gouvernement. Et on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression que souvent Hydro est un État dans l’État.
Pourtant, dans le cas des compteurs Hydro-Québec a remis plusieurs rapport à la Régie de l’Énergie. La justification économique est assez claire. En fait, j’ai des bonnes raisons de croire que les chiffres que HQ donnent à la Régie sous-estiment les gains d’efficacité de façon importantes.
Rock on Yvan!
Merci Patrick! Oublies pas de m’inviter à ta soutenance!
C’est la règle de l’offre et de la demande qui fixe les prix. Une reprise économique fragile a succédé à une récession qui a touché les économies des pays développés au cours des 10 dernières années. Pensons aux États-Unis, à l’Europe et au Japon : des ralentissements économiques partout. L’hydroélectricité entre aussi en compétition avec d’autres sources d’énergie : pétrole, charbon, gaz naturel. Les grandes industries ont le choix.
Nous vivons dans une démocratie et le gouvernement du Québec doit tenir compte de la nouvelle génération qui croit dur comme fer à l’écologie. Ces électeurs finissent par avoir un effet sur le développement des installations d’Hydro-Québec. Je ne vois pas comment on pourrait changer cela. Rêvons à un boom économique : nos problèmes de surplus se régleront d’eux-mêmes.
La grande consommation industrielles (papetières et alumineries) s’est effondrée. Si elle reprend, elle va exiger de l’électricité à moins de 3 $/kWh, ce qui ne règlera pas le problème de l’écart des prix de production et de vente.