Après une longue pause, me voici de retour. La campagne électorale canadienne est un parfait sujet de conversation.
Une question qui turlupine tout le monde et qui est au cœur des slogans politiques est de savoir quel parti politique a la meilleure politique économique. On peut toujours argumenter sans fin, mais essayons plutôt de regarder la chose objectivement en se basant sur les données historiques.
Afin de simplifier la discussion, l’unité de mesure de la performance économique que j’ai choisie est le taux de croissance économique corrigé par la parité au pouvoir d’achat et par personne tel qu’obtenu à partir des tables de l’OCDE pour la période 1971 à 2013 (voir graphique). J’ai divisé cet intervalle de temps en quatre périodes correspondant approximativement au règne des partis politiques : libéraux (1971-1984), conservateur (1985-1993), libéraux (1994-2005) et conservateur (2006-2013).
La première analyse, la plus simple possible, consiste à calculer simplement la moyenne des taux de croissance pour chaque période. Ce qui donne : libéraux 2,29±0,61%, conservateur 0,89±0,77%, libéraux 2,35±0,39% et conservateur 0,50±0,67%. L’incertitude correspond à l’écart-type divisé par la racine carrée du nombre d’années, sans correction pour la corrélation. À première vue, les libéraux font significativement mieux que les conservateurs. Il faut cependant éviter de sauter aux conclusions. En effet, l’économie fluctue de façon indépendante de la volonté des gouvernements. De plus, il y a un ralentissement séculaire de l’économique (0,44 %/décennie) qui fait que le dernier gouvernement tend à faire moins bien que les précédents. Il est à noter qui si cette tendance se maintient, la croissance économique sera négative en moyenne après 2030, ce qui ne semble préoccuper personne.
La façon la plus simple de corriger pour les booms et les crises économiques est de se comparer à un autre pays : les États-Unis. C’est un choix naturel : nos deux économies sont les plus corrélées de l’OCDE (R2=65,4 %). Il suffit alors de produire un simple modèle de régression entre la croissance américaine et la nôtre pour gommer le gros des fluctuations économiques exogènes à l’économie canadienne. Ici, on compare les résidus du modèle et la croissance réelle afin de savoir comment le Canada se compare aux É.-U.. On obtient alors pour chaque période : libéraux 0,35±0,38 %, conservateur -0,88±0,45 %, libéraux 0,27±0,26 %, conservateur -0,03±0,25 %. Encore une fois, les libéraux font un peu mieux que les conservateurs, mais ce n’est pas statistiquement significatif. De plus, aucun parti ne se démarque des fluctuations aléatoires de l’économie, bien que les conservateurs de Brian Mulroney s’approchent d’une performance négative statistiquement significative.
Il est possible de faire encore mieux en utilisant un modèle statistique construit à partir de l’ensemble des économies de l’OCDE. Cette approche permet de modéliser une partie des différences entre l’économie américaine et l’économie canadienne. Ce modèle statistique est encore plus fortement corrélé avec l’économie canadienne que l’économie américaine (R2=82,2 %). Avec ce modèle plus raffiné, on obtient comme résidus : libéraux 0,00±0,22 %, conservateur 0,37±0,31 %, libéraux -0,02±0,32 % et conservateur -0,41±0,40 %. Ici encore, il n’y a aucune différence significative entre les partis de quelque façon dont on regarde les données.
Bref, selon toute vraisemblance, il n’y a aucun gouvernement canadien qui arrive à se distinguer significativement des tendances de l’économie mondiale. Il y a quelques années, j’avais observé exactement la même chose dans le cas de l’économie du Québec. En effet, les moyens étatiques restent limités et au final, les solutions de chaque gouvernement finissent par se ressembler en raison de contraintes diverses. De sorte, que si les gouvernements arrivent à stimuler certains secteurs de l’économie, cela se fait au détriment d’autres secteurs, avec pour conséquence, qu’au final l’effet est essentiellement neutre sur l’économie.
Ceci explique cela. Merci d’avoir fait l’exercice. Vous avez mis en chiffres ce que je pensais.
J’ai l’impression que, depuis la fin de la vague de richesse de l’Occident, en 1971, la « croissance » économique est artificielle. À défaut d’appliquer des modèles favorisant une réelle richesse, on est fasciné par les crashs boursiers comme motivation passive-agressive suivis d’ajustements anémiques comme les coupures de postes, de salaire, des conditions de travail. Le symbole de ce symptôme est le désir du statu quo par les dirigeants et aussi, disons-le, la population.
Autre chose s’est passé au tournant 70, la banque du peuple canadien est devenue privée/centrale. En moyenne nous envoyons plus de 100 millions par jour dans la dette lourde pour la simple création monétaire. Autrement dit on paye plus de 196% plus cher qu’il ne le faut pour imprimer nos billets, ajoutez à cela les »compound interests » et on voit mieux comme l’hyper-inflation accélère au moment où les »pays » ont perdu le cotnrole de leur planche monétaire au profit d’un cartel globaliste/propagandiste. Le docu: Oh Canada! Our bought and Sold Land prend d’ailleurs le PM Martin de l’époque à s’échapper sur le fait que c’est le cas et ridicule, mais c’est la vie! Signez la pétition pour que l’on se réapproprie la banque.du peuple du Canada en lien avec la victoire en cour suprême sur la censure de cette info »capitale ». https://secure.avaaz.org/en/petition/The_Government_of_Canada_Restore_the_use_of_the_Peoples_Bank_of_Canada/?pv=6
La politique monétariste n’a à peu près pas d’impact sur la croissance. De plus, essentiellement tous les pays occidentaux suivent une trajectoire similaire.
Finalement, si la croissance diminue depuis 1970, c’est parce que les données commencent à cette date. On aurait put remonter en 1960 et on aurait vu la même chose.
Bon facile de se comparé à pire. Cependant quand la dette et les intérêts et l’hyper-inflation vole plus de 99% de chaque dollar, je crois qu’a long-terme ceci créé une bulle qui ne pourra pas continuer de grossir indéfiniment, surtout sans éclater. Et je vous mets au défi de trouver les stats pré-70 pour prouver que ce que les bémols que j’avance n’ont aucune incidence sur la croissance/décroissance »économique ».
Les économiste appellent la période entre la fin de la seconde Geurre Mondiale et le premier choc pétroliers «les 30 glorieuses». C’est comme cela dans l’ensemble des pays de l’OCDE. Comme la situation du Canada n’est pas unique, il faut chercher une explication ailleurs.
Pour moi, le rendement décroissant est la cause la plus évidente, mais comme c’est contraire à l’idéologie politique qui nie l’existence de contraintes physiques pour des raisons quasi-théologiques, ce n’est pas acceptable pour la majorité des gens.
La fin de l’accord Bretton Woods qui « libéralisa » la circulation du capital entre les pays au début des années 70 sonna en quelque sort la fin des 30 glorieuses. (Sans compter l’augmentation de la spéculation, des paradis fiscaux, etc…)
Dès 73-74, pour remédié au problème que cela causa, James Tobin proposa une taxe sur les transaction financières transnational… et 40 plus tard, ça discute encore là-dessus.
Comme quoi la finance a beaucoup de pouvoir sur nos démocraties….
Le couplage de la valeur du dollar à celle de l’or est l’équivalent de coupler la valeur du dollar à celle de l’énergie au premier ordre. Ceci dit, si ont regarde les taux de croissance, il est difficile de voir un changement de pente dans les années 70.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Trente_Glorieuses
Donc depuis le pic du pétrole américain, la croissance est en berne. Surprenant, n’est-ce pas? L’énergie aurait-il un impact sur l’économie? Meuh non qu’on arrête pas de m’objecter.
On ne croie plus en Dieu, mais la multiplication des pains, par contre, on veut bien considérer ça comme parfaitement possible. Pourquoi mettre la main à la pâte et changer nos habitudes quand un miracle nous sauvera?
Merci pour ces statistiques très édifiantes.
En fait, la croissance économique ralenti de façon séculaire depuis 1970 parce que je n’ai pas les données avant. Mais, cela fait depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale que l’économie ralentie. La raréfaction des ressources en est une des causes selon moi.
Désolé d’être plus prosaïque et d’avoir une vision anthropologique disons de l’humanité : gagner une guerre c’est piller l’autre pays. Ceci est une constatation empirique; cette affirmation n’implique que moi et je ne suis pas entrain de justifier le pillage encore moins la guerre. L’Occident a vécu dans l’abondance résultant de ce vol jusqu’au réveil de la génération suivante (1970) soit celle ayant vécu le Vietnam. Dans un contexte de guerre froide ou deux superpuissances sont collées l’une sur l’autre avec d’immense capacité militaire de destruction, la richesse s’est déplacée dans d’autres pays.
C’est aussi plus facile d’enrichir des pauvres que des riches, parce que cela demande moins de ressources.
Billet très intéressant, merci!
À propos de la croissance exponentielle illimitée et du point de bascule où nous semblons nous trouver, le blogue de Gail Tverberg (http://ourfiniteworld.com/) est fort à propos, tout comme celui du journaliste Matthieu Auzanneau (http://petrole.blog.lemonde.fr/). Je recommande chaudement la lecture de son livre Or Noir, la grande histoire du pétrole.
Je confirme que ce sont deux excellents blogues.