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Star Wars, Le réveil de la force : Une impression de déjà vu!

Je viens d’aller voir le dernier Star Wars avec la famille élargie. Comme toujours, la facture visuelle est très léchée et en IMAX 3-D l’effet était encore plus saisissant. Les exoplanètes sont magnifiques et les vaisseaux spatiaux majestueux. On retrouve de nombreuses races extraterrestres plus ou moins anthropomorphes, des technologies exotiques et un menu de bar varié. Il y a bien des incohérences du point de vue de l’astropolitique qui a suivi la chute de l’Empire, que même mon fils de 11 ans a noté. (À ce sujet, une excellente analyse de l’impact économique de la destruction des étoiles de la mort est disponible ici.) Cependant, le point le plus décevant du film est son scénario.

En effet, ce dernier n’est à peu de choses près que du copier-coller d’idées des films précédents. Si cela réjouit les fans finis, cela n’enrichit pas non plus l’univers imaginaire de Star Wars. Au moins, on n’entend pas parler des midichloriens, ni de Jar Jar Binks, ce qui est une nette amélioration par rapport à la deuxième trilogie. Il semble donc que cette fois, les services du marketing ont fait un choix plus judicieux dans leur intervention sur le scénario.

Malgré le déplaisant aspect de déjà vu, il s’agit d’un excellent divertissement à partager avec ses enfants.

Comme il s’agit d’un blogue scientifique, je suis censé discuter de la science en relation avec Star Wars. Le problème est que Star wars est de la science-fiction très molle dans le style space opera, alors il n’y a pas beaucoup de science à discuter. Ceci dit, il y a deux trois trucs qui ont attiré mon attention.

Pour commencer, le ciel étoilé est erroné. En effet, dans le film, le ciel n’est qu’une distribution aléatoire d’étoiles en position et en luminosité. Or, dans le monde réel, il y a très peu d’étoiles très brillantes et beaucoup d’étoiles de faibles luminosités. On doit à l’astronome grec Hipparque, le premier catalogue à peu près complet d’étoiles. Publié vers -136, il contenait 1025 étoiles et fut la base du catalogue de Ptolémée publié dans l’Almalgeste, vers 150 de notre ère, qui fera autorité jusque vers 1600. Autrement dit, ce n’est pas d’hier que l’on sait qu’il y a beaucoup plus d’étoiles faibles que d’étoiles brillantes.

Ciel étoilé

Il est à noter que le catalogue d’Hipparque n’est pas le premier catalogue d’étoiles. En effet, Hipparque a comparé son catalogue à celui de Timocharis d’Alexandrie publié 150 ans plus tôt. Il nota alors que la position de Spica (l’épi), l’étoile la plus brillante de la constellation de la Vierge avait bougé de 2° par rapport à l’équinoxe d’automne et conclu que le pôle céleste devait bouger d’au moins un degré par siècle. On sait aujourd’hui que ce déplacement est d’un degré tous les 72 ans.

Évidemment, vous me direz que l’aventure de Star Wars se passe dans une galaxie lointaine et par conséquent, on ne peut pas supposer a priori que la distribution de luminosité des étoiles est la même que dans notre propre galaxie. Or, rien n’est plus faux. En effet, la distribution de luminosité est essentiellement due à la fonction de masse initiale des étoiles, qui est elle-même causée par la fragmentation des nuages protostellaires. Or, les astronomes ont cherché pendant des décennies à trouver des différences dans cette fonction de masse initiale et ce n’est que tout récemment qu’ils ont réussi à mettre en évidence des différences, et ce uniquement dans le cas des galaxies elliptiques. Or, pour ce que l’on en sait, la Galaxie de Star Wars est une galaxie spirale (de type Sa à Sc selon les cartes, notre propre galaxie était une SBbc). La distribution de la luminosité des étoiles devrait donc être essentiellement la même.

Vue d’artiste de notre galaxie : La Voie Lactée

Un autre élément astronomique incorrect qui m’a choqué est la vision d’un anneau planétaire fait de gros astéroïdes. On avait fait exactement la même erreur dans le cas du champ d’astéroïdes de l’épisode V. Dans les deux cas, ils sont beaucoup trop denses. Dans la nature, des tels objets se condenseraient en plusieurs petits objets ou se désagrégeraient en de fines particules de sorte qu’ils soient composés essentiellement de vide. Cela a pour conséquence, que l’on peut passer à travers sans même s’en apercevoir.

Anneaux de Saturne
Anneaux de Saturne

Le dernier point qui est le plus embêtant est la vitesse du Faucon Millenium qui est beaucoup trop élevée. Le problème n’est pas tant qu’il s’agisse, selon la chronologie officielle, d’un vaisseau de 94 ans (après tout, les bombardiers B-52 resteront en opération pendant quasiment 80 ans), mais qu’il va trop vite pour faire une histoire cohérente.

Le problème se présente ainsi. En science-fiction, les auteurs font face au problème de l’horizon. L’horizon représente la frontière de l’espace exploré au-delà duquel se trouve l’inconnu. Le problème qui se pose est le suivant. L’espace étant essentiellement vide, les vaisseaux doivent se déplacer rapidement pour couvrir les distances séparant les étoiles, mais s’ils sont trop rapides, il ne reste plus d’espace inexploré.

Par exemple, notre galaxie fait 100 000 années-lumière de diamètre. Pour maintenir une partie de l’espace caché, il faut que celui-ci ne soit pas atteignable en un temps raisonnable (minimum plusieurs mois, voire plusieurs années). Cela impose une vitesse maximale d’exploration de l’ordre de 10 000 fois la vitesse de la lumière. Dans ces conditions, le temps de transit entre les étoiles proches se compte en heures et en jours. Il est à noter que c’est quasiment aussi une vitesse minimale pour avoir une action rapide, sinon le gros du temps se passe en transit. À moins de vouloir faire du transit le sujet de l’action, les auteurs de science-fiction contournent généralement ce problème en plaçant leur personnage en sommeil pendant la durée du voyage.

Or, dans Star Wars on sait que le Faucon Millenium va beaucoup plus vite que cette limite. En se basant sur le temps de transit entre Tatooine à Alderaan dans l’épisode IV et la distance donnée dans la carte officielle on arrive à une vitesse d’environ 1000 années-lumière/heure, soit approximativement 8 millions de fois la vitesse de la lumière! À cette vitesse, il ne faut que quelques jours pour explorer toute la Galaxie, il ne devrait rester donc aucune région inconnue ou inexplorée.

En parlant de vitesse, faire «la route de Kessel en 12 parsecs » ne fait pas de sens du point de vue physique. En effet, un parsec est une unité de distance valant 3,26 années-lumière. Une des explications officielles est que la route de Kessel est longue normalement de 18 parsecs en raison de la présence de trous noirs. Han Solo se vante alors d’avoir pris un chemin plus rapide, mais beaucoup plus risqué. Sauf que cela voudrait dire qu’il a pris des risques énormes pour sauver à peu près une minute de temps de transit, ce qui ne fait guère de sens.

Je propose donc une explication alternative et originale. En effet, quand on étudie la relativité on utilise souvent une transformation du système d’unités de mesure où les vitesses sont normalisées à la vitesse de la lumière et par conséquent n’ont pas d’unité. Ainsi, un 30 000 km/s, un dixième de la vitesse de la lumière, s’écrit 0,1. Cela a pour conséquence que l’unité de temps est le mètre et l’unité de distance la seconde. Si l’on utilise cette convention, utiliser une unité de distance pour parler de temps. Évidemment, il faut ajouter un autre élément parce que le parsec est une unité beaucoup trop grosse. Le plus logique serait que l’unité utilisée serait le microparsec. Le Faucon millénium aurait alors fait 18 parsecs (distance) et 12 microparsecs (temps), ce qui revient à dire qu’il serait allé à 666 000 fois la vitesse de la lumière. Une vitesse exceptionnelle dans un endroit plein d’écueils. Le préfixe micro serait simplement disparu au cours du temps, subissant une aphérèse. Il s’agit d’une évolution linguistique rare en français, mais qui pourrait s’expliquer par la présence de nombreuses langues extra-terrestres.

Ces dernières soulèvent d’ailleurs une question intéressante : comment peut-on parler une langue extra-terrestre si l’on ne possède pas les organes de phonation compatibles?