Non, on n'a pas trouvé de civilisation extraterrestre (prise II)!
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Non, on n’a pas trouvé de civilisation extraterrestre (prise II)!

Petit émoi dans le monde des chercheurs d’extraterrestres : une équipe de chercheurs russes auraient détecté un signal artificiel en provenance de l’espace. Bon du moins, c’est ce qui est sorti dans les médias.

La réalité est moins excitante. L’an dernier (le 15 mai 2015, à 18:01:15.65 heure sidérale), l’équipe de Alexander Panov aurait détecté un signal suspect  à une longueur d’onde 2,7 cm (11 GHz). L’intensité du signal est de 750 mJy. Pour ceux que ne parlent pas le langage des radioastronomes, c’est 7,5×10–27 W⋅m–2⋅Hz –1. Même si le chiffre est petit, c’est un gros signal dans ce domaine.

Possible signal en provenance de HD164595

L’instrument utilisé le RATAN-600 est un design original imaginé par les chercheurs soviétique dans les années 60 et semblable à l’ancien observatoire de l’Université de l’Ohio ou au radiotélescope de Nançay en France. C’est essentiellement un anneau de 577 m de diamètre, composé de 895 panneaux cylindriques orientés sur 3 axes de 2 m par 7,4 m,  qui réfléchit les ondes radio vers le centre. C’est le plus grand télescope réflecteur du monde, même si sa surface réflectrice est beaucoup moins grande que le nouveau radiotélescope chinois FAST. La forme de son faisceau d’antenne est elliptique (20ʹʹ par 2ʹ). En plus, il était utilisé dans le mode de transit, de sorte qu’il ne suivait pas sa cible pendant les observations, ce qui limitait le temps de pose à 2 s.

Radiotélescope RATAN-600
Radiotélescope RATAN-600

Dans la direction du signal, il y a l’étoile HD164595. Il s’agit d’une étoile jumelle du Soleil, avec une masse de 0,99 fois celle du Soleil, la même quantité de métaux et un âge de 4,5 milliards d’années. Elle se trouve à 94,5 années-lumière de la Terre. On connait une planète dans ce système. HD 164 595 b qui a approximativement la masse de Neptune, mais qui orbite autour de cette étoile en 40 jours. Elle est donc plus près de son étoile que la planète Mercure. Elle est donc extrêmement chaude. Ceci dit, il n’est pas exclu qu’il y a ait des planètes habitables non détectées dans ce système.

Image de l'étoile HD164595
Image de l’étoile HD164595

Ce n’est pas un hasard si elle a été observée, car elle faisait partie d’un programme de recherche SETI initié par les Russes. Ceci, elle est sur la liste principale d’observation d’à peu près tout le monde en raison de sa proximité et de sa ressemblance au Soleil. En tout, les Russes ont observé 31 cibles dont 2 amas globulaires.

Les lecteurs possédant une intelligence subtile auront noté que si les Russes ont attendu un an pour présenter leur résultat au monde, c’est que ce n’était pas si important que cela. En fait, la communauté scientifique n’a été mise au courant de cette découverte que par le biais de l’agenda de la prochaine réunion du Comité permanent sur la recherche d’intelligence extraterrestre de l’Académie Internationale d’Astronautique qui aura lieu à la fin septembre!

Disons-le bêtement, cette observation n’a rien d’extraordinaire. Il s’agit d’un signal d’une durée de 2 s (en fait c’est plus ~1,7 s, ce qui indique un signal interrompu ou une source mobile), qui n’a jamais été réobservé lors des 38 autres observations de cette étoile. Le principal argument qui situerait son origine dans l’espace serait le fait qu’aucun autre signal similaire n’aurait été observé pendant les 1690,5 h d’observation de tous les programmes de recherche du RATAN-600 en 2015 dans cette bande de fréquence. Ce qui se traduit par une probabilité a priori que ce soit dû au hasard à 1/6000.

De plus, il faut savoir que le signal a été observé en bande large (~1 GHz), ce qui est complètement inhabituel dans le contexte du SETI où l’on cherche traditionnellement des signaux à bande étroite (<100 Hz). La raison étant que les signaux à bande étroite sont inexistants dans la nature, ce qui est une forte indication de leur nature artificielle. Cependant, en se basant sur la théorie de l’information, il est facile de montrer que si l’on est limité par l’énergie disponible, le meilleur mode de communication est l’utilisation de spectre le plus large possible. Cette technique d’étalement spectral est d’ailleurs utilisée dans les émetteurs de faible puissance (Wi-Fi, Bluetooth, GPS).

Le petit problème avec cette approche est que plus on est efficace, plus il est difficile de distinguer le signal du bruit, si l’on ne connait pas le code. Si c’est utile en télécommunication, c’est vraiment embêtant dans le domaine du SETI parce que c’est là que se trouve toute la difficulté du problème. À la limite, on se retrouve avec un rayonnement de corps noir, qui est l’émission naturelle de tous les corps chauds et est donc indiscernable des objets astronomiques usuels! Malgré tout, cela a été proposé comme approche de communication dans le domaine du SETI, il y a quelques années.

Pour continuer la discussion, acceptons un moment que le signal soit d’origine artificielle et qu’il provienne de HD164595. On peut facilement calculer la puissance de l’émetteur à l’origine du signal. En supposant, un émetteur isotropique on obtient la valeur de 7,5 × 1021 W, soit 1/50 000 de la puissance du Soleil. C’est au bas mot, 75 000 000 de fois plus puissant que l’émetteur d’Arecibo et ce se serait la caractéristique d’une civilisation de niveau II de Kardachev, c’est-à-dire qui contrôle une partie significative de la puissance de son étoile. Évidemment, si l’on a affaire à des extra-terrestres économes, ils ne vont pas envoyer le signal dans toutes les directions, mais viser des cibles précises. Dans ces conditions, la puissance nécessaire diminue énormément. Si on se fie aux chiffres présentés par les chercheurs, on peut ramener la puissance de l’émetteur à 50 MW, si le faisceau est suffisamment étroit. Ce n’est pas écrit dans la présentation, mais cela est possible avec une antenne de 160 km de diamètre, ce qui est le genre de technologie que l’on pourrait avoir dans quelques siècles.

À supposer que ce soit vraiment un signal extraterrestre, ces derniers auraient dû détecter la présence de technologie vers 1830 et décider d’attirer notre attention à ce moment-là, ce qui semble peu probable. L’autre possibilité c’est qu’ils envoient systématiquement un signal radio à toutes les planètes supportant de la vie l’une à la suite des autres en espérant une réponse. La liste des candidates potentielles pouvant être énorme (des millions, voir des milliards de cibles), ils peuvent consacrer qu’une petite fraction du temps à chaque cible, ce qui impose des émissions très courtes.

Découverte ou pas, cette étoile a été réobservée par le SETI Institute et d’autres organisations semblables. Aux dernières nouvelles, rien n’a été trouvé. Ce qui n’a rien d’étonnant, si vous voulez mon avis. Beaucoup de bruit pour rien donc.

Mise à jour du 31 août 2016.

La direction du RATAN-600 indique que leur analyse montre que c’est un signal de source terrestre. En entrevue à l’agence TASS, les chercheurs précisent qu’ils pensent que c’est un satellite militaire secret.

De son coté, l’université Berkeley n’a rien trouvé non plus, mais explique aussi que cela ne peut pas être un phénomène naturel.

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