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L’Arrivée : Conversation avec un extraterrestre.

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Je suis allé voir le dernier film de Denis Villeneuve avec ma charmante épouse qui l’a probablement plus apprécié que moi. En effet, l’Arrivée n’est pas un film de science-fiction ordinaire où les différends entre les extraterrestres et les méchants se résolvent à coup de rayon de la mort ou à défaut à la hache.

Non, ici tout le thème du scénario tourne autour de la difficulté à établir des communications entre des espèces différentes. Dans le cas présent, les extraterrestres en question ont l’air d’un croisement entre une pieuvre et un arbre. Ce qui m’a apparu comme particulièrement étrange, car c’est exactement la forme que j’avais décrite dans une courte histoire de science-fiction que j’avais rédigée au secondaire !

De plus, les extraterrestres utilisent une écriture avec une symétrie radiale de sorte qu’elle puisse être lue sans ambiguïté dans toutes les orientations (idéal en absence de gravité), ce qui est la base du système de codage que j’avais conçu lorsque j’étudiais au collégial. Même le personnage de Jeremy Renner, un astrophysicien théoricien, a une vague ressemblance physique avec moi. Au point où ma femme m’a demandé, si j’avais participé au scénario du film. Disons-le tout de suite : pas du tout ! Denis Villeneuve a toutefois contacté des physiciens et des linguistes et le résultat est assez criant de réalisme. Même le protocole de protection planétaire y est décrit.

Fait original, c’est une linguiste qui est l’héroïne. En effet, on apprend assez vite qui les tentatives des scientifiques d’utiliser les mathématiques pour établir un langage commun échouent, ce qui est un pied de nez aux approches proposées depuis le XIXe siècle. Face à cette situation, il revient à la linguiste de mettre au point une stratégie d’apprentissage pour communiquer avec les extraterrestres. Chose plus facile à dire qu’à faire, car ces derniers utilisent une langue dans laquelle les mots ne possèdent pas d’ordre précis.  Sans compter l’omniprésent problème de l’incommensurabilité, qui pose une barrière parfois insurmontable à la communication tellement les expériences sont différentes. Un exemple classique tiré de la traduction de la Bible en inuktitut de l’expression « agneau de Dieu » qui est devenue « bébé phoque de Dieu » faute de mieux.

Les risques d’incompréhension ne sont donc pas négligeables, le tout dans un contexte mondial d’appréhension et de tension qui ferait passer l’élection de Donald Trump dans la catégorie des faits divers. Les efforts de traduction finiront d’ailleurs par affecter la linguiste qui verra sa structure mentale changer (effet prédit par l’hypothèse de Sapir-Whorf), ce qui prend une grande place dans l’histoire.

Dans la vraie vie, il y a des linguistes qui travaillent justement sur la question de la traduction de message en provenance d’extraterrestres. Le plus connu est John Elliott, un chercheur britannique qui développe des outils mathématiques pour reconstruire les structures des langues à partir des statistiques de la répartition des symboles.

Celles-ci évoluent en fonction de contraintes liées aux canaux de communication de sorte que l’on retrouve une certaine régularité dans la fréquence des mots (loi de Zipf). De plus, certaines corrélations sont causées par la capacité de notre mémoire à court terme. Il n’est donc pas impossible que des extraterrestres puissent produire des phrases dont la complexité dépasserait largement les aptitudes de notre cerveau. L’informatique pourrait alors nous servir à simplifier afin de comprendre le sens du texte.

C’est certainement une approche valable, même si elle ne permet pas vraiment de traduire, elle indique au moins de trouver des pistes de solution. À défaut d’extraterrestre, John Eliott s’entraine avec toutes les langues humaines ainsi qu’avec les langages animaux (mon ami Stéphane Dumas avait fait des travaux semblables).

C’est sur cette trame de fond que Denis Villeneuve a construit son œuvre, qui fait l’objet d’une recherche esthétique soutenue. En effet, les prises de vue sont magnifiques tant les intérieurs que les extérieurs. Il y a aussi un jeu avec la lumière qui est inhabituel en science-fiction où en général, on utilise soit un éclairage cru, soit l’obscurité. Ici, tout est en nuance. Combiné avec l’usage d’une profondeur de champ réduite dans bien des plans, cela donne l’impression que le brouillard du mélange respiratoire des extraterrestres envahit tout. Les extérieurs bénéficient aussi de cet éclairage particulier, effet secondaire d’un tournage fait au Québec. Même Dame Nature a collaboré au film en produisant une brume qui ne se forme que 3 ou 4 fois par an. En conjonction avec la musique et le jeu des acteurs, cela crée une atmosphère enveloppante de tension sourde qui contraste avec le style acéré habituel des films de science-fiction, ce qui en fera certainement un classique du genre.