Comme cette année n’avait pas déjà trop durée, elle se prolongera d’une seconde. En effet, le 31 décembre 2016, il faudra retarder les montres d’une petite seconde. Très exceptionnellement, la minute entre 11 h 59 min et minuit durera une seconde de plus que la normale. Le temps s’écoulera donc ainsi 23 h 59 min 59 s, 23 h 59 min 60 s et 0 h le 1er janvier. N’oubliez donc pas d’ajouter un zéro dans votre décompte de fin d’année. Dans l’échelle de temps internationale « UTC », cette seconde supplémentaire, ou « intercalaire » comme on la désigne, interviendra le 31 décembre 2016 juste avant minuit.
L’échelle du temps universel coordonné UTC (parfois appelé à tort GMT) est la base de temps de toutes les activités dans le monde. C’est une échelle de temps ultrastable délivrée par des horloges atomiques, le Temps Atomique International, TAI. Le Temps Atomique International TAI est établi par le Bureau International des Poids et Mesures (BIPM), au Pavillon Breteuil à Sèvres, à partir d’un parc de plusieurs centaines d’horloges atomiques réparties dans le monde. Le temps des horloges atomiques repose sur le rayonnement électromagnétique lié à une modification interne aux atomes de Césium. Ces horloges ont été développées à partir de 1955 et le TAI a remplacé la rotation de la Terre comme base du temps international à partir de 1972.
Le mouvement de la rotation terrestre est perturbé par de nombreux effets, dont les plus importants sont dus aux variations du régime des vents, à des variations de courants à l’intérieur du noyau de la Terre et à l’action de la Lune et du Soleil. Ainsi, un tour de la Terre sur elle-même en août est plus court d’une à deux millisecondes qu’un tour en février ; la durée moyenne du jour terrestre en 1996 est plus longue d’une milliseconde que sa valeur en 1986 et plus courte d’une milliseconde que sa valeur en 1972. L’échelle de temps déduite de la rotation de la Terre, le temps universel (UT1) présente donc des irrégularités qui sont un million de fois plus grandes que celle du Temps Atomique International, d’où la préférence donnée à ce dernier pour assurer du temps utilisé universellement, UTC.
On a défini l’origine du TAI de telle sorte qu’il était égal à UT1 le 1er janvier 1958. En adoptant le TAI, on a décidé que l’unité de temps de l’échelle UTC serait la seconde de TAI ; mais on a voulu éviter que l’UTC s’éloigne indéfiniment du temps de la rotation de la Terre. On a donc aussi décidé que l’UTC, tout en se déroulant selon la seconde TAI, serait décalé d’une seconde chaque fois que nécessaire, de façon à éviter que sa différence avec UT1 n’excède pas 0,9 seconde.
Ce décalage progressif résulte du fait que la seconde de temps TAI a été initialement calée sur la durée du jour solaire moyen de 1820, inférieur à sa valeur actuelle d’environ 2,5 ms, à cause du ralentissement séculaire de la rotation de la Terre causé par l’effet de friction des marrées océaniques. Si ce n’était que ce phénomène cela ne serait pas si mal, sauf que la seconde de temps universel n’augmente pas régulièrement. Il arrive que l’accélération décanale de la rotation de la Terre ait tendance à compenser la dérive de UT1 par rapport au TAI. C’est pourquoi l’ajout d’une seconde à UTC demeure assez aléatoire.
Depuis l’instauration de ce système, on a dû ajouter 36 secondes à UTC. Les sauts de seconde de l’UTC sont programmés soit pour un 1er janvier, soit pour un 1er juillet à 0 heure. La décision d’effectuer un tel saut appartient au Bureau Central du Service International de la Rotation Terrestre (International Earth Rotation Service, IERS), dont le siège est à l’Observatoire de Paris. Cette décision est annoncée plusieurs mois à l’avance et mise en œuvre par les autorités nationales responsables de la diffusion du temps.
La nature aléatoire de cette correction cause de sérieux maux de tête aux gestionnaires de réseau de télécommunication qui doivent coordonner cet ajustement de façon manuelle. La difficulté est suffisante pour que plusieurs organisations internationales, dont l’Union Internationale des Télécommunications (ITU) recommande la suppression de cette seconde intercalaire. Il faut dire que le problème a été en partie amplifié par l’absence de seconde intercalaire entre décembre 1998 et décembre 2005, une époque où l’usage de l’internet et du GPS a littéralement explosé alors que l’on avait presque oublié son existence.
En 2012, il semblait que les jours de la seconde intercalaire étaient comptés. Sauf qu’une volte-face de l’ITU a reporté toute décision en 2023. La seconde intercalaire est pour le moment sauve. Il faut dire que son remplacement par une minute intercalaire ou une heure intercalaire posait aussi son lot de risque.
La mesure permanente de la rotation de la Terre requiert l’utilisation coordonnée des techniques d’interférométrie à très longue base et satellitaires. L’interférométrie fournit des références primaires pour la détermination du temps universel de la précession et de la nutation. L’interférométrie mesure la différence de temps d’arrivée entre deux stations de signaux radio d’un quasar. Elle est la seule technique capable de mesurer toutes les composantes de l’orientation terrestre d’une manière journalière et exacte. Actuellement, les déterminations interférométriques de la position du pôle sont précises à ± 6 mm !
Les techniques satellitaires permettent l’interpolation journalière et la prédiction à court terme de temps universel entre les valeurs de référence obtenues par interférométrie. Elles donnent aussi des valeurs journalières du mouvement du pôle.
Un réseau mondial de 30 stations de réception des satellites GPS est utilisé en permanence pour mesurer l’orientation de la Terre et le cadre de référence terrestre. Le mouvement des pôles est déterminé quotidiennement, avec une précision de ±6 mm ! Les variations du temps universel sont déterminées avec une précision de ± 60 ms. Il est à noter que l’échelle de temps donnée par les satellites GPS est celle du Temps Atomique International. Elle diffère donc de 22 secondes avec le Temps Universel Coordonné, ce qui pose aussi son lot de problèmes.
En plus du système GPS, la télémétrie laser est aussi utilisée. Cette technique est fondée sur la mesure du temps de vol d’une impulsion émise par la station terrestre renvoyée par les réflecteurs dont est muni un satellite et détecté en retour par la station émettrice. La distance entre le satellite et le site d’observation est approximativement égale à la moitié du temps de vol multiplié par la vitesse de la lumière. Les satellites les plus communément utilisés sont des satellites très denses recouverts de réflecteur tels que LAGEOS 1 (lancé en 1976) et LAGEOS 2 (lancé en 1992) et LARES (lancé en 2012). La télémétrie laser mise en œuvre depuis ces satellites fournit des estimations quotidiennes du mouvement du pôle, avec une précision d’à peu près 1 mm.
Fait à noter, le ralentissement séculaire de la rotation de la Terre due aux forces de marée n’est pas mesurable avec ces techniques, car les perturbations à court terme sont de beaucoup supérieures. En fait, ce dernier est calculé directement des observations de l’éloignement de la Lune de 3,8 cm/an grâce aux retroréflecteurs laser laissés sur la Lune par les Américains et les Russes. La précision de ces mesures est telle qu’elles sont utilisées pour tester la relativité générale. Pour isoler le ralentissement séculaire de la rotation des fluctuations à court terme, seule l’analyse d’observations astronomiques historiques est utilisable. En effet, ce dernier a pour effet que les phénomènes astronomiques ne se produisent pas à la même heure et au même endroit qu’en son absence.
Pour la période depuis l’invention du télescope, c’est l’observation d’occultation lunaire qui sert de référence. Avant cette date, c’est l’observation d’éclipse de la Lune ou du Soleil qui sont la principale référence. En fouillant dans des récits astronomiques des chroniqueurs du Moyen-Âge, des Arabes, des Chinois, des anciens Grecs, et des Babyloniens, il est possible de remonter jusqu’en l’an 720 avant notre ère.
Ainsi à Babylone, on connait l’heure des éclipses de Lune mesurée avec une clepsydre ou par comparaison au moment de culmination de certaines étoiles. En Chine, l’heure est calculée en fraction de jour ou en fraction de nuit. La précision allant d’un quart à une demi-heure. Les Arabes étaient plus précis en utilisant des astrolabes et atteignaient une précision de l’ordre de 4 minutes. Les éclipses de Soleil sont aussi utilisées. Même si dans bien des cas, on n’a pas d’heure précise, la simple connaissance du lieu et de la date où elles ont été observées pose une contrainte sévère sur le moment où a eu lieu le phénomène. Après l’invention du télescope, ce sont des occultations d’étoiles par la Lune qui servent de référence.
Ces observations indiquent que le ralentissement séculaire de la rotation de la Terre n’est que de 1,78 ms/siècle, alors que l’effet dû aux marées seules devrait être de 2,3 ms/siècle.
La différence peut être en grande partie expliquée par le rebond postglaciaire. Elles indiquent aussi l’existence d’une oscillation quasipériodique de 3 ms avec une période de 1500 ans. S’il est réel, il s’agit certainement du phénomène naturel le plus lent jamais observé directement.
Si vous trouviez que la Terre ne tourne pas rond cette année, vous saurez maintenant pourquoi !
Bonne année !