Cela faisait un bout de temps que je n’avais pas fait de science politique. En particulier, cela faisait une bonne dizaine d’années que je n’avais pas examiné la question de la représentation féminine à l’Assemblée nationale du Québec.
Quand j’ai commencé à étudier cette question en 2002, j’avais découvert que la croissance de la présence féminine au parlement québécois était la deuxième plus rapide au monde après l’Espagne. C’était aussi l’endroit dans le monde utilisant le mode de scrutin majoritaire avec la plus grande représentation féminine. Difficile dans ces conditions de proposer des mesures supplémentaires pour mousser la présence féminine à l’Assemblée nationale. En passant, il est temps de défaire un mythe féministe : il est faux de croire que les femmes sont envoyées dans des comtés perdus d’avance. En effet, les statistiques montrent qu’il n’y a pas de différence notable entre le taux de succès des femmes et des hommes aux élections pour les 3 grands partis (PLQ, PQ, ADQ). En fait, cela n’a jamais été le cas, mais les mythes ont la vie dure.
Historiquement, entre 1973 et 2007, le taux de croissance du nombre de femmes à l’Assemblée nationale tenait une moyenne de 0,9 %/an. Quand j’ai examiné cette question en 2002, c’était le deuxième plus rapide au monde derrière l’Espagne et pratiquement deux fois plus rapide que celui des pays scandinaves. Si nous avions soutenu ce rythme, il y aurait aujourd’hui 40 % de femmes à l’Assemblée nationale du Québec, ce qui nous mettrait dans le cadre porte de la parité pratique et dans le peloton de tête mondial. Cependant, cette croissance rapide s’est arrêtée, il y a une dizaine d’années. Si bien qu’il n’y a présentement que 28,8 % de femmes au parlement québécois.
Il y a plusieurs possibilités qui pourraient expliquer cette situation. La première étant qu’il y aurait naturellement moins de femmes que d’hommes intéressés par la politique. Cela serait très surprenant, car ce phénomène de saturation n’a pas été observé ailleurs dans le monde. De plus, les cyniques feront remarquer que, contrairement à bien des professions, être politicien ne demande aucune compétence particulière qui pourrait motiver une dichotomie sexuelle.
L’autre explication naturelle est la montée de la droite. En effet, les partis de droite sont généralement moins attirants pour les femmes, car ces dernières ont souvent des revenus plus faibles, payent donc moins d’impôts, reçoivent plus de services de l’état et forment la majorité des employés de l’état. Ainsi, en 2007, l’ADQ avait fait bonne figure et la représentation féminine est passée de 32 % à 25,6 % d’un seul coup. Cette simple observation expliquerait alors facilement la moitié du retard sur la tendance historique. Sauf, que la situation est plus complexe.
En effet, après l’élection de 2007, la croissance de la représentation féminine est repartie de plus belle avec un taux de croissance de 1,3 %/an. De sorte qu’à l’élection de 2008, la représentation féminine avait remonté à 29,6 %. Si cette tendance s’était maintenue jusqu’à aujourd’hui, la représentation féminine attendrait environ 38 %. Il est à noter que l’élection du PQ en 2012 était en droite ligne avec cette trajectoire. On doit donc conclure que l’effet de la montée de la droite, s’il est réel, est relativement limité.
En fait, le gros du retard accumulé face à la tendance historique a été causé par une baisse de la représentation féminine de 2009 à 2015, au rythme d’environ 0,5 %/an ! De toute évidence, seule une force sociale énorme peut ainsi renverser une tendance historique observée sur une trentaine d’années. Et la candidate la plus plausible est l’odeur de corruption qui a flotté sur le Québec pendant des années et qui a affecté particulièrement le parti libéral, qui a été au pouvoir pendant presque toute cette période.
Il s’agit certainement d’une explication raisonnable. D’une part, il y a une coïncidence temporelle avec la période historique où la corruption faisait l’objet de reportage quasi quotidien (de 2009 année des premiers reportages, à 2015 lorsque la commission Charbonneau s’est terminée). D’autre part, le parti libéral a été particulièrement affecté. En effet, ce n’est pas tout de suivre le nombre d’élues, ce qui est plus évocateur c’est de suivre la proportion de nouvelles élues lors des élections générales. Or, si la proportion de nouvelles élues augmente d’élection en élection depuis 2007 au PQ et à la ADQ/CAQ, elle a très fortement diminué au PLQ en passant de 55 % à un pathétique 13 % ! Selon toute vraisemblance, le PLQ a eu du mal à recruter des femmes durant cette période, il a donc dû se rabattre sur les militants de longue date (statistiquement beaucoup plus des hommes), ainsi que certains transfuges de l’ADQ/CAQ.
La bonne nouvelle est que cette tendance à la baisse est terminée depuis 2015. La représentation féminine remonte depuis à un taux de 1,3 %/an. Ainsi, la moitié des 12 dernières élections partielles ont été remportées par des femmes. Et, les libéraux semblent pressés de reprendre leur retard, car ils y ont présenté 58 % de candidates.
Dans ces conditions, qui a besoin de mesures supplémentaires pour encourager la présence féminine?