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Fin de Bande à part : un peu plus de détails

Comme plusieurs d’entre vous, j’ai été particulièrement déçu d’apprendre que la pause estivale de Bande à part sera «fatale» alors que le contenu web et la mission du projet seront intégrés à Espace.mu. Désirant aller au-delà du communiqué laconique livré par la SRC, j’ai envoyé quelques courriels et passé plusieurs coups de fil (aux gens de la Grande Tour concernés : je m’excuse à nouveau d’avoir bombardé vos boîtes vocales). En fin de journée, Marie-Philippe Bouchard, directrice générale par intérim d’Espace Musique et Espace.mu, a répondu à l’appel et à bien voulu me parler quelques minutes de la situation. 

Alors que je m’attelle à la rédaction d’une chronique revenant sur l’affaire, voici la transcription de l’entretien. J’ai pensé que ça pourrait peut-être vous intéresser.

Oh, et pardonnez-moi l’aspect peu un peu «coq à l’âne» de la jasette. Je manquais un brin de préparation.

Moi: Vous mentionnez dans votre communiqué que «le son et l’esprit de Bande à part» se retrouveront désormais sur Espace.mu. J’imagine que c’est aussi le cas pour une partie du personnel?

Marie-Philippe Bouchard : Oui. Il y a une partie de l’équipe qui va contribuer directement à Espace.mu. Malheureusement, on doit aussi procéder à certaine mise à pied, car il y a des gens qui sont davantage associés au produit radio et on doit couper des postes par manque de financement. Mais une partie de l’équipe demeure et nous sommes confiants que l’esprit et l’expertise de Bande à part demeureront bien vivants, tout comme l’approche et la vision qui se poursuivront à l’intérieur d’Espace.mu.

Il y a une autre chose qu’on veut faire et c’est les gens les mieux placés pour nous aider à y arriver : récupérer les actifs de bandeapart.fm. Les meilleurs moments et les contenus les plus pertinents qui ont été produits au fil des années. Certains là-dedans ne sont pas en ligne en ce moment et on évalue des solutions pour les ramener.

N. B. : Plus tard, le collègue Philippe Papineau glissera sur les réseaux sociaux qu’on lui a confirmé que cinq postes ont été abolis. Nombre confirmé par la SRC. 

Qu’est-ce que Bande à part représente pour vous, en fait?

Ça a été une expérience de longue durée très importante pour Radio-Canada… et je ne veux pas dire au sens «expérimental» du terme. D’où la récupération des archives. On ne veut pas laisser ça à l’abandon.

Pour revenir aux coupures, dois-je en conclure que les personnalités radio de l’émission ne se retrouveront pas à Espace.mu?

Je ne veux pas spéculer sur les individus en question. Ils sont présentement en rencontre avec la direction à ce sujet. Je vais me garder une petite gêne pour tout de suite…

Bien sûr. Peut-on toutefois savoir si ces gens-là seront réaffectés sur d’autres projets au sein de Radio-Canada? 

Ça dépend de leur statut contractuel. Il y en a qui sont dans différentes unités d’accréditations, car on a plusieurs syndicats qui, eux, ont plusieurs règles de conduite lors de situations d’abolition de postes.

Donc, certains là-dedans ont certains droits selon leur convention collective et d’autres non. Chaque cas est actuellement examiné et traité en fonction des obligations de l’employeur en fonction des conventions collectives.

Pour le reste, pour les talents, vous comprendrez que c’est un choix qu’on ne fait pas de gaieté de coeur et s’il y a moyen de raccrocher ces talents-là d’une façon  ou d’une autre, nous demeurons ouverts.

Dans votre communiqué, on note que le «maintien d’un véhicule parallèle ne peut être justifié dans le contexte économique exigeant dans lequel Radio-Canada évolue aujourd’hui». Ça peut expliquer la migration du site web vers Espace.mu, mais pourquoi mettre un terme à l’émission de radio du même coup?

Il y a deux cas de figure. Le premier dépend de Sirius. Depuis très longtemps, Bande à part était aussi une chaîne Sirius et celle-ci nous ramenait des revenus.

En fusionnant avec XM et avec son renouvellement de licence, Sirius a vu ses conditions se modifier. Radio-Canada fournissait quatre chaînes francophones à Sirius alors que la CBC en fournissait deux anglophones. Le CRTC, dans sa grande sagesse, a jugé qu’il était important que, dans le portfolio de Sirius XM, on retrouve davantage de contenu canadien anglophone.

Le CRTC a évalué qu’on était en déficit de contenu canadien anglophone et CBC fourni du contenu 100 % canadien, ce qui est très intéressant pour un titulaire de licence comme Sirius. Le conseil a donc donné comme condition de licence à Sirius d’ajouter une chaîne anglophone et Sirius a jugé que ça devait se répartir dans le portfolio de Radio-Canada. On a donc «perdu» une chaîne et la CBC en a «gagné» une… et l’argent a, bien évidemment, suivi, car nous sommes en position de fourniture de services. On perdait donc la diffusion de Bande à part sur Sirius et le règlement financier qui vient avec.

Par ailleurs, la Première Chaîne de Radio-Canada, comme tous nos services et programmes, est dans un exercice de réexamen budgétaire. Ça, ce n’est pas nouveau. C’est que la suite du programme de réduction du déficit fédéral qui nous touche depuis l’année dernière et qui va nous toucher encore pour deux ans. Les budgets de la Première Chaîne ont donc été affectés, tout comme ceux de la plupart des composantes de Radio-Canada.

La Première Chaîne a donc pris une décision compte tenu de la fréquentation de celle-ci qui est – vous vous en doutez bien – surtout le matin, l’après-midi et en soirée, mais après 21 h, l’écoute de la radio en générale est faible. La Première Chaîne a donc décidé de réduire ses investissements en programmation originale après 21 h. Ça touchait Bande à part ainsi que d’autres produits. Ce qui faisait en sorte que la Première Chaine, qui finançait une partie de l’émission à même ses fonds de grille aidait Espace Musique à financer l’équipe et en cessant la production originale de Bande à part pour la Première Chaîne, on se retrouvait sans Sirius, ni Première Chaîne. Ce qui devenait bien lourd pour une production radio qui, pour Espace Musique, était disponible que le vendredi à minuit et auprès d’un auditoire relativement restreint.

Nous on diffusait cette émission, car elle rencontrait cet auditoire-là qui est niché et parce qu’on avait trois chaînes pour se répartir cette charge-là. On se retrouvait donc seul à la porter et on a jugé que nous n’étions pas capables. On a donc mis fin à l’émission sur la Première Chaîne et, ce faisant, ça avait aussi un impact sur le manque à gagner sur l’ensemble de l’enveloppe budgétaire.

Ça affecte aussi les ressources, car, dans l’équipe de Bande à part, il y a des gens qui ont des majeurs en radio et d’autres en Web. On a dû considérer les ressources dont on avait besoin pour continuer le travail en numérique, à continuer à faire des sessions, à continuer à couvrir des événements et nourrir Espace.mu. Ce qui nous mène aux décisions d’aujourd’hui.

Donc, au-delà des archives de Bande à part, vous considérez produire du nouveau contenu à l’image du projet au sein d’Espace.mu?

C’est tout à fait notre intention et non seulement dans l’émergence, mais aussi dans d’autres genres. Autrement dit, on amène l’approche Bande à part à Espace.mu sans la confiner au territoire émergent.

Oh. Ça, c’est intéressant…

Oui, mais donnez-nous le temps d’adapter la plateforme et de permettre à tous ces gens-là de prendre leur poste, mais oui; c’est la vision qu’on a pour Espace.mu.

Finalement, en plus de couvrir des événements, Bande à part est devenu un «mécène» pour certains événements. On peut notamment attribuer une partie du succès des Francouvertes à la filiation à Bande à part. Est-ce que ce genre de partenariats sera toujours pratiques courantes? 

Nous allons faire le tour des partenaires potentiels et évaluer les projets au mérite et également selon la philosophie qu’on a de servir de phare, de guide et de lien entre l’auditoire et les artistes afin que tout ce monde-là connecte ensemble. Cette mission-là se poursuit et la scène émergente va continuer de faire partie activement de nos projets.

Photo : Mathieu Lavoie/CBC 3