Samian : Photographe d'instinct
Arts visuels

Samian : Photographe d’instinct

Après le rap et le cinéma, Samian change de médium et présente sa toute première expo Enfant de la terre, qui regroupe une quarantaine de photos prises durant ses derniers voyages.

«Il y a des métiers qu’on choisit, et d’autres qui nous choisissent», relate l’artiste originaire de Pikogan (Abitibi-Témiscamingue), en début d’entretien.

Parcourant les scènes du monde avec son rap engagé depuis 2007, année où son premier album Face à soi-même est paru, le rappeur algonquin a trouvé, avec la photographie, un refuge artistique qui lui permet de «reprendre son souffle».

«Ça fait presque 10 ans que je voyage avec mon équipe et que je fais des shows. C’est vraiment cool, mais ça me demande énormément d’énergie», explique Samian. «Avec la photo, tout est plus simple. Je pars le matin avec mon appareil, mon sac à dos et une bouteille d’eau, et je récolte des sourires partout sur la planète. C’est une façon de passer plus de temps avec moi-même.»

C’est au Nicaragua en 2012 que tout a commencé pour l’artiste. «Je venais de m’acheter un appareil et je suis parti seul en vacances là-bas», raconte-t-il. «Quand je suis arrivé, je suis tombé sur une vieille chapelle. En bas, il y avait un puits où les gens allaient prier et faire un vœu. J’y suis allé et j’ai laissé ça entre les mains de Dieu. Quelques jours après, j’ai pris la photo d’un petit enfant de dos. À partir de là, j’ai tout de suite su que j’allais faire de la photo humaine et que le titre de mon premier projet serait Enfant de la terre

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Crédit : Samian

L’appel du World Press

Dès lors, le globetrotteur a enchainé les voyages : en Égypte, au Maroc, au Costa Rica et en Nouvelle-Calédonie, notamment. «J’ai pris un paquet de portraits là-bas. En revenant à Montréal, je voulais exposer mes photos, mais je savais pas comment ça se passait. Encore une fois, j’ai prié et j’ai remis ça entre les mains de Dieu», relate le croyant. «Le lendemain, j’avais un appel de la Place des arts qui me demandait si je pensais faire une expo… J’avais jamais parlé de ça à personne!»

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Crédit : Samian

Discret à propos de sa nouvelle passion, Samian avait toutefois mis en ligne quelques-uns de ses clichés sur son compte Instagram. C’est d’ailleurs en surfant sur celui-ci que l’un des organisateurs du prestigieux World Press Photo à Montréal est tombé sur les photos de l’artiste et lui a demandé d’être le porte-parole de l’événement l’an dernier.

«Quand je me suis fait proposer ça, j’étais un peu gêné…Je savais pas c’était quoi, le World Press!» admet l’artiste, on ne peut plus humble. «J’ai découvert que ça faisait 60 ans que ça existait et que j’étais pas mal en retard. Je me suis aussi rendu compte que je connaissais pas mal de photographes qui y avaient déjà exposé. Ça a été une révélation pour moi, tout ça. D’instinct, les photos que j’aime faire s’inscrivaient dans le genre du photojournalisme.»

L’humain avant tout

De plus en plus confiant quant à son talent de photographe, Samian a alors établi un angle plus précis pour son exposition – qui sera d’ailleurs jumelée à des ateliers et à un concert pour adolescents, dans le cadre d’une série d’activités organisée par la Fondation de la Place des Arts.

En une journée de triage particulièrement difficile, l’artiste est passé de 400 à 35 photos. «On a décidé d’y aller avec la thématique du portrait. On a donc enlevé les scènes de vie, même si j’y étais profondément attaché», explique-t-il. «On a axé ça sur les portraits d’enfants et d’ainés. J’aime beaucoup les opposés et les contrastes. Les enfants ont de quoi dans les yeux que les gens de ma génération n’ont plus, tandis que les ainés ont quelque chose qu’on n’a pas encore. La photo, c’est une façon de capter l’âme de quelqu’un. En ce sens, je pense que les meilleures photos sont celles qui montrent l’humain à son état le plus brut.»

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Crédit : Samian

Ainsi, même si Enfant de la terre regroupe des portraits figés, elle met aussi l’accent sur des photos d’humains à des moments plus spontanés. «C’est le genre de technique qui causent des frictions, surtout au Moyen-Orient. Dans les quartiers plus chauds, je me faisais souvent demander pour qui je travaillais et ce que je faisais là», confie l’artiste.

«Moi, c’est justement ce que j’aime, aller dans les endroits où on me dit de ne pas aller. Les zones touristiques, c’est plate, y a juste des touristes. C’est pas là qu’on peut photographier les gens dans leurs cultures et leurs traditions. D’une manière générale, je reste courtois et je demande la permission. Des fois, je leur donne de l’argent ou je leur paie un lunch.»

Au-delà des portraits qu’il propose, Samian poursuit, avec la photo, sa réflexion sur les injustices mondiales. Défenseur emblématique des droits des Premières Nations dans ses chansons, il désire montrer à travers son expo que «nos différences sont une force et qu’on a beaucoup plus en commun qu’on le croit».

Ses prochaines destinations photo : le Japon, l’Italie et l’axe spirituel Jérusalem – Bethléem -Nazareth.

«J’étudie la Bible tous les matins, donc cette région-là m’intéresse beaucoup», dit-il. «Je veux voir de mes yeux ce qui s’est passé là il y a plus de 2000 ans.»

Enfant de la terre

Salle d’exposition de la Place des Arts

Du 15 avril au 22 mai 2016 (de 9h à 23h tous les jours)

Vernissage 15 avril à 17h

samian.ca