Papier16: Le grand rassemblement
Arts visuels

Papier16: Le grand rassemblement

Photo, dessin, croquis, sculpture, collage… Le papier sera déployé sous toutes ses formes lors de la neuvième édition de la foire d’art contemporain Papier au Hangar 16. À mille lieues des ruptures intestines de l’an dernier, l’événement se veut plus que jamais rassembleur.

«Il y a un intérêt grandissant pour la foire», remarque Émilie Grandmont-Bérubé, directrice de la Galerie Trois Points, qui participe à la foire depuis ses tout débuts en 2007 au Westmount Square. «Peu importe où l’on se trouve, les gens nous suivent.»

Les inquiétudes à ce sujet étaient pourtant grandes l’an dernier. En désaccord avec l’idée de déplacer l’événement nomade dans le complexe de Gaspé en plein cœur du Mile-End, alors qu’il avait toujours eu lieu au centre-ville, là où l’on retrouve la grande majorité des galeries d’art à Montréal, un noyau dur de galeristes avait décidé de faire bande à part en créant la foire Art contemporain pour tous (ACPT) en même temps que Papier15.

«Il n’y a pas de dissidents cette année», assure Christine Blais, directrice de l’Association des galeristes d’art contemporain (AGAC), responsable de l’événement. «Ç’a pris une ampleur délibérée l’an dernier, mais là, on fait l’unanimité en revenant dans le coin du centre-ville.»

Ainsi, 38 galeristes (dont certains ex-«dissidents» comme Robert Poulin et Éric Devlin) viendront présenter les œuvres de leurs nombreux artistes durant ce neuvième ralliement d’envergure – l’un des plus gros en fait d’art contemporain au Canada.

«On voulait un endroit edgy qui puisse représenter une foire aussi contemporaine et variée que Papier», précise Christine Blais à propos du Hangar 16, un «site industriel» avec des murs en métal et un plancher en asphalte. «On veut montrer que notre événement, c’est un happening festif et accessible.»

Philippe Caron Lefebvre, Dreaming of Electric Palm Trees (2015) Galerie Nicolas Robert
Philippe Caron Lefebvre, Dreaming of Electric Palm Trees (2015) Galerie Nicolas Robert

L’étincelle qui met le feu aux poudres

C’est d’ailleurs cette dimension de Papier qui a séduit Karine Vanasse à la base. L’actrice québécoise reprend son rôle de porte-parole de la foire pour une troisième année consécutive. «Au départ, j’étais intimidée par le monde de l’art contemporain, admet-elle. C’est vraiment quand je suis entrée à Papier, un peu par hasard il y a cinq ans, que j’ai eu mon premier coup de cœur pour une œuvre. L’année d’après, je voulais juste y retourner!»

Des histoires de la sorte, Émilie Grandmont-Bérubé en a entendu plusieurs. Selon elle, Papier contribue grandement à démocratiser l’art contemporain, ne serait-ce que par son côté abordable, en grande partie relié au coût relativement bas de son matériau de base, et par sa proximité entre les visiteurs et les exposants, que présuppose l’idée même d’une foire.

«En général, les gens sont intimidés d’aller en galerie. Ils ne connaissent pas ça et pensent qu’ils vont se faire sauter dessus, blague la directrice. À Papier, ces appréhensions-là ne sont plus là. Les visiteurs se sentent à l’aise de poser des questions, et les galeristes, eux, sont contents de partager leur passion.»

Et les points d’ancrage sont nombreux à Papier. L’intérêt pour la photo de l’un ou la curiosité pour le dessin de l’autre peut, au détour d’un autre exposant, le mener à éveiller son intérêt pour la sculpture de gypse ou le collage numérique, par exemple. «En général, les gens s’étonnent de voir que leurs goûts sont plus développés que ce qu’ils pensaient au préalable», observe Karine Vanasse.

Pour Émilie Grandmont-Bérubé, cette déambulation permet justement aux visiteurs de s’initier à différentes formes d’arts visuels auxquelles ils ne sont pas forcément exposés dans leur quotidien, du moins au même titre que la musique ou le cinéma par exemple.

«L’art contemporain, ce n’est pas quelque chose de fortement imprimé dans nos habitudes culturelles. On a souvent l’impression que c’est loin et que ça ne nous concerne pas, alors qu’au fond, l’artiste parle de notre réalité à travers son œuvre», explique-t-elle, citant au passage quelques artistes comme Anne-Renée Hotte et Nicolas Fleming qui seront exposés à Papier16. «C’est à ce moment-là que les galeristes sont pertinents. Ce sont eux qui font le lien entre l’artiste et le client.»

Photo | Jean Michaels Seminaro
Photo | Jean Michaels Seminaro14

Stimuler le marché de l’art contemporain

Au-delà de l’engouement suscité durant son annuelle fin de semaine, à laquelle se greffent également des conférences, des tournées de galeries et plusieurs autres événements connexes, cet événement de l’AGAC a comme objectif d’attirer de nouveaux collectionneurs.

La tâche est loin d’être facile, de l’avis de Christine Blais: «Au Canada, y a juste 6% de gens qui collectionnent les œuvres d’art. Ce n’est vraiment pas beaucoup… Mais les foires aident beaucoup à stimuler le marché, vu que les gens n’ont pas le réflexe d’aller dans les galeries.»

La directrice de la Galerie Trois Points admet également que le marché de l’art contemporain canadien ne connaît pas actuellement ses années les plus fastes. Selon elle, c’est sa fausse image élitiste qui en serait la principale cause. «À l’époque, le côté élitiste était pratiquement recherché dans les galeries. Ça donnait une plus-value à l’expérience client de lui donner l’impression qu’il faisait partie d’un cercle restreint de collectionneurs, explique Christine Blais. Ça fait au moins 10 ans qu’on a réalisé que ça ne fonctionnait plus comme ça. Les galeries sont maintenant beaucoup plus accueillantes.»

Avec des ventes de plus en plus impressionnantes, qui ont dépassé les 900 000 dollars l’an dernier, Papier a évidemment contribué à changer cette mentalité rétrograde au Québec. Des œuvres en vente à quelques centaines de dollars ont d’ailleurs permis à plusieurs néophytes de se familiariser avec un microcosme autrefois hermétique.

Du lot, Karine Vanasse a vu sa curiosité pour l’art contemporain se changer tranquillement en passion, depuis son tout premier passage à la foire. «J’essaie de me contrôler parce que c’est rendu un peu une drogue ces temps-ci, admet-elle, en riant. L’année dernière, je me suis laissée charmer à beaucoup de reprises par plein d’œuvres, mais là, je veux me contrôler. Le but, ce n’est pas de les accumuler ou de les revendre, mais bien de vivre avec et de pouvoir les relier à un moment précis de ma vie. Les œuvres prennent plus de sens comme ça pour moi.»

Et c’est justement ce rapport bien personnel à l’art contemporain que Papier cherche à développer chez ses visiteurs.

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