La comparaison avec Banksy surgit d’emblée. Wartin Pantois, qui préfère cacher son visage, crée des œuvres engagées qui secouent l’establishment local. On le découvre en juin en 2015 et dans la foulée de la cavalière démolition de l’œuvre de Jean-Pierre Raynaud : Dialogue avec l’histoire. Dès lors, il réplique avec une série de pochoirs à l’effigie de l’installation tant haïe de l’élite municipale. « Ça a été spontané. Eux, ils l’ont détruite et moi je me suis dit que j’allais la reproduire, la faire ressurgir un peu partout dans la ville. »
Ses interventions dans l’espace publique prennent de l’ampleur 13 mois plus tard avec sa série de corps tracés sur l’asphalte, le macadam des rues de la Basse-Ville. Des silhouettes Haringesque comme autant de décès sur la chaussée du centre-ville de Québec. « La ville est mal organisée pour les piétons. Tu attends cinq minutes sur le bord de la rue avant de traverser après le passage de presque deux cycles de voitures. […] Ce n’est pas pensé pour les piétons, ce n’est pas pensé intelligemment, ce qui fait en sorte que ça pousse les piétons à prendre des risques. » Dans les semaines qui suivent et avant les premiers flocons, il s’empresse de livrer un collage dénonçant la gentrification de St-Roch et un autre représentant un sans-abri. Son nom est fait.
N’empêche, c’est une autre réalisation de son cru qui marque le millésime 2016. « Ce qui a été décisif pour moi l’an dernier, c’est quelque chose qui n’a pas été médiatisé. […] C’était un projet qui était plus de l’ordre du land art, c’est-à-dire que j’ai fait une sculpture à l’Îlot Fleurie. J’ai appelé ça L’inhibition du monolithe et je l’ai amenée de chez moi, sur mon dos, comme dans une procession silencieuse. C’était un acte symbolique pour moi comme d’autres brûlent des photos.»
Sur le terrain jadis si vivant, centre névralgique d’une certaine avant-garde artistique, il érige son monument recouvert d’une bâche de polythène. Une réflexion, révèle-t-il, sur son processus créatif et un legs pour les femmes et les hommes démunis qui campent dans le secteur.
« En 2004 ou en 2005, j’ai fait des collages à l’Îlot Fleurie. En fait, je faisais beaucoup de photo à l’époque et je n’avais pas de lieu de diffusion. J’avais décidé de faire une expo sur les piliers de l’autoroute! C’est comme ça que j’ai commencé. »
Plus farfouilleur que portraitiste ou croqueur d’images, Pantois construit dorénavant de nouvelles formes autour des archives d’autrui. C’est du moins ce qu’il signe au Cercle avec Horizon, une installation en quatre parties. « Je ne voulais prendre les photos moi-même avec des comédiens qui jouent. Je voulais quelque chose d’authentique. »
Fixés à l’aide de colle à tapisserie et enjolivés de fragments de feuilles d’or, ses personnages en noir et blanc évoquent l’histoire d’une vie. Un récit en filigramme puisé à même les quatre thématiques cycliques du Cercle : le féminin, les premières nations, la nordicité, l’inquiétante étrangeté. « Le premier tableau, c’est la naissance et la dépendance à l’autre. Il faut prendre le tout à l’envers parce que le dernier tableau représente le regard vers le passé… On peut s’imaginer que la petite fille dans les bras de sa mère est aussi la vieille dame. »
« Je l’appelle Les combats intérieurs et sociaux. C’est un peu la vie adulte, la post-adolescence…. Il y a des images des années 1950, des images actuelles… Ça représente les possibilités pour une femme autochtone aujourd’hui. »
Le polyptyque meublera les murs du sous-sol du Cercle jusqu’à nouvel ordre, pour une durée indéterminée ou en attendant qu’elles soient recouvertes de tags disgracieux un soir de fête bien arrosé.
Vernissage jeudi le 2 mars entre 17h et 20h
Sous-sol du Cercle