Un coup plutôt fumant que ce nouvel album de Mastodon. Plus accessible pour certain, il faut comprendre que le groupe continue son évolution sans pourtant tourner le dos à son passé. Avec Once More ‘Round the Sun, nous sommes en présence d’une série de chansons qui se concentrent bien souvent sur une portion minimale de riffs de guitare plutôt qu’à un amoncellement de portions gargantuesques exécutées sur les six cordes. Lors de mon séjour au Rockfest, je devais réaliser une entrevue avec le groupe mais les impondérables qui surviennent lors des festivals ont fait que je me suis ramassé avec une période libre étant donné que le groupe prenait du retard face à son arrivée. De plus, Mastodon quittait immédiatement après le concert, ce qui fait que j’ai pu avoir un entretien téléphonique avec Troy Sanders, bassiste et chanteur du groupe, quelques jours plus tard !
Votre nouvel album Once More ‘Round the Sun est maintenant disponible. On peut dire que c’est un album qui suit bien l’évolution entamée avec The Hunter. C’est encore du métal à tendance progressive mais on se rend compte que vous avez des chansons beaucoup plus accrocheuses et mélodieuses sur ce disque. Que peux-tu nous dire face à l’écriture de cet album ?
Le tout s’est fait de façon naturelle et très authentique. Nous essayons toujours d’évoluer, autant en tant que musiciens, partenaires de travail ou en en tant qu’hommes. Il y a une chose importante au sujet de Mastodon, c’est que nous ne discutons jamais de la direction musicale que devrait avoir notre prochain album. Rien n’est prédéterminé face à la direction musicale ou face à la sonorité que nous devrions adopter. J’aime l’authenticité qui se développe lorsque nous composons de la musique et comment nous finissons par modeler un nouvel album. Quand un des membres du groupe a un riff ou une idée, nous travaillons là-dessus pour ainsi en tirer le maximum. C’est vraiment quand tous les membres demeurent accrochés sur une idée particulière que nous réussissons à créer des chansons. Bien souvent, nous laissons le tout flotter, nous ajustons des choses ici et là. Le tout se fait de façon naturelle, sans véritable pression. Nous travaillons sans nous donner d’objectifs précis face à une date de remise face à une sortie d’un nouvel album étant donné que nous voulons garder le tout le plus naturel possible. De plus, nous ne parlons jamais de la durée des chansons. Il n’est jamais arrivé que nous nous disions que nous avions besoin de tant de chansons plus courtes ou d’une chanson plus longue. Nos pièces se développent comme elles se doivent de l’être. Nous ne nous disons pas qu’il faut avoir une pièce épique, très longue avec de nombreuses couches de sonorités bizarres ou une plus rapide, très métal. Nous y allons plutôt avec l’inspiration du moment. Bill (Kelliher) et Brent (Hinds), les guitaristes du groupe, ont commencé à amasser des riffs tout au long de la tournée pour l’album précédent, The Hunter. Peu importe où nous étions sur la planète, ils écrivaient et pratiquaient des riffs et autres idées pour le prochain album. Lorsque nous sommes revenus de tournée en mars 2013, nous nous sommes réunis au Thunderbox, notre local de répétition. Nous avons passé du temps à écouter les idées accumulées par Bill et Brent, nous avons fait un certain tri et commencé le processus d’écriture qui a donné ce nouvel album. Tout ça vient directement du cœur, passe par les doigts pour se déposer sur les instruments et termine sa route par les amplificateurs. Un processus vraiment naturel !
Parlant de processus naturel, Bill Kelliher a dit en entrevue que d’une façon tout à fait naturelle, il n’y aurait plus de chants plutôt « gorgées » ou de portions « criées » sur le nouvel album. Il a même dit que certains membres du groupe, dont toi, aviez pris des cours de chant. Le chant est vraiment plus clair sur cet album et une chanson comme The Motherload en est la preuve. Qui chante sur cette chanson ? On dirait vraiment que c’est Ozzy !
Hahha ! C’est Brann (Dailor, le batteur) qui chante toutes les parties principales sur cette chanson. Il est de plus en plus confortable avec le fait de faire les tâches en double. Il est un athlète car chanter tout en jouant de la batterie, ce n’est pas donné à tous les batteurs. Il a une voix particulière, il peut atteindre des parties très hautes et sa voix sonne bien. Nous l’encourageons énormément à ce qu’il puisse chanter encore plus. Il avait cette idée de mélodie pour The Motherload, nous l’avons essayée et le tout a fonctionné.
Et que peux-tu nous dire au sujet des cours de chant ?
Nous avons tous suivi l’équivalent de deux cours. C’était plutôt de la théorie sur comment travailler notre voix en tant qu’instrument à part entière, comment bien la sauvegarder et la réchauffer avec de bonnes techniques. C’est aussi simple que ça ! Si tu prends par exemple ma basse, j’en prends soin, je la range dans son étui. Je change ses cordes, je lui donne un coup de chiffon et je l’accorde. Pour notre voix, il faut avoir la même vigilance. Par la passé, ça ne nous passait pas par la tête. En étant de plus en plus sur la route, tu te rends compte qu’il y a de nombreux facteurs qui peuvent entrer en jeu face à ta voix. Ce que tu manges, ce que tu bois, la température et le manque de sommeil. Nous avons donc bien compris la discipline face à notre instrument qu’est la voix. Il est important d’être sur la bonne note aussi. Nous avons donc appris que du bout de tes lèvres, en passant par ta langue, ta gorge et jusqu’à ton abdomen, c’est un véritable instrument qui demande certains soins. Personne dans le groupe ne veut perdre la voix en tournée ou en studio. Nous devons donc être consciencieux face à notre santé. C’était vraiment au sujet du « Quoi faire et quoi ne pas faire ? » face à notre voix.
Scott Kelly de Neurosis est, comme d’habitude, un invité sur l’album. Il chante sur la chanson Diamond in the Witch House. Vous devez l’avoir sur chacun de vos disques mais je crois que sa session d’enregistrement a été plutôt particulière. Le tout s’est déroulé dans un grenier, c’est ça ?
Hahaha ! Nous aimons vraiment Scott. Dans un premier temps comme un ami mais aussi parce qu’il est dans Neurosis, un groupe que nous aimons tous. À chaque fois que nous écrivons une chanson qui pourrait avoir le potentiel d’avoir la voix de Scott, nous lui demandons de participer. Il dit toujours oui ! Nous apprécions vraiment chaque collaboration avec lui. Quand nous enregistrions l’album en janvier dernier, Scott était en Europe pour faire une tournée solo de type acoustique. Nous lui avons fait parvenir la chanson et le claviériste de Neurosis, Noah Landis, était avec lui en tant que technicien pour sa tournée. Noah est capable d’enregistrer et il est capable de bien manipuler le ProTool (NDLR : Protool est un type de logiciel d’enregistrement) ce qui fait que le tout a été possible à faire à distance. Ils ont trouvé une petite place en Suisse, en haut d’un club ou d’un restaurant. C’est à cet endroit qu’ils ont enregistré les pistes de voix de Scott. Pour nous, c’était fantastique que Scott et Noah puissent faire ça là-bas. Ils ont été capables de nous faire parvenir le tout à temps. Nous aimons avoir Scott pour faire quoi que ce soit… peu importe la chose, avec nous !
Pour continuer avec les collaborations sur l’album, il y a la formation The Coathangers qui fournit une série de chants de type « cheerleaders » sur la chanson Aunt Lisa. Étant donné que vous avez joué dans leur vidéoclip pour la chanson Follow Me, et de plus, vous y étiez habillés en femmes, était-ce une partie d’un marché ? Du genre, nous allons nous habiller en femmes dans votre clip mais en échange, venez chanter sur notre album !
Hahhaha ! On pourrait dire que oui ! Mais c’était surtout une belle occasion pour nous de nous habiller en femmes avant tout ! Le clip était bien amusant à faire. Par la suite, lorsque nous étions en train d’enregistrer l’album, nous trouvions qu’une partie vocale avec des filles pouvait être appropriée sur la chanson Aunt Lisa. Brent (Hinds, guitariste) est bien ami avec elles, c’est donc lui qui est entré en contact avec elles pour proposer l’idée, en disant : « Hey, aimeriez-vous nous faire la faveur de venir chanter sur notre album maintenant ? » Elles sont venues au studio et elles ont enregistré leurs pistes. C’est du travail d’équipe !
Pour ce qui est des illustrations, vous êtes allés avec un truc très psychédélique comparativement au côté plus sobre de The Hunter. L’artiste derrière l’œuvre se nomme Skinner. C’est un gars relativement peu connu, il a fait quelques t-shirts de Black Cobra mais rien de majeur jusqu’à ce qu’il travaille avec vous. Donc, pourquoi avoir choisi Skinner ?
C’est un artiste que Brann (Dailor, batteur) a découvert. Il tombait régulièrement sur des designs réalisés par Skinner. C’est un artiste d’Oakland, en Californie. Lors d’un arrêt en tournée là-bas, Brann est allé le visiter. L’amitié s’est rapidement installée, les gars ont échangé des idées, Brann a parlé de concept et le tout a cliqué assez rapidement. Tout au long de l’évolution que prenait l’album, autant pour les chansons que pour les paroles, nous restions en contact avec lui. Brann communiquait avec lui à chaque semaine environ, question de faire des mises à jour au niveau des développements de l’album. Skinner, de son côté, avait pris des notes. Il s’ajustait avec tout ce que nous avions parlé et il a débuté cette peinture aux proportions épiques. Encore une fois, c’est du travail d’équipe dans les sens le plus pur du terme. Nous voulions travailler avec quelqu’un de différent pour cet album. Nous aimons les nombreuses facettes de l’art. Pour l’album précédent, c’était la photographie d’une sculpture tandis que pour celui-ci, c’est un retour vers un truc plus classique. Il y a tant d’artistes que nous respectons. Avec Skinner, nous avons été très satisfaits car il a mis de nombreuses couleurs qui ressortent bien, c’est vivant et ça détonne. Nous sommes très heureux d’y être allés avec quelque chose qui nous remémore un cauchemar plutôt psychédélique. Rafraichissant, beau et différent… c’est comme ça que le tout est sorti !
Que peux-tu nous dire au sujet d’enregistrer au Tennessee, au studio de Nick Raskulinecz ? C’était au fin fond de la forêt, dans le fond d’un champ près des chevaux ?
C’est environ ça. Son studio se nomme Rock Falcon. C’est perdu, dans le milieu de la nature. Il y a beaucoup d’arbres, des longues étendues d’herbes et des chevaux qui galopent dans les champs tout en s’abreuvant dans les cours d’eau. C’est très beau. C’était très beau à voir et tout est entré dans l’ordre avec notre horaire de travail. C’est à Franklin, au Tennessee, juste en dehors de Nashville.
Donc, vous n’avez que travaillé étant donné qu’il n’y avait pas de distractions autour du studio comme des bars, des salles de spectacles ou des bars d’effeuilleuses ?
Hahhahha ! Oui, en plein ça. J’imagine que ce facteur a aidé à la production plutôt rapide de l’album ! Il n’y avait rien mais vraiment rien dans les alentours.
Mastodon est le premier groupe métal qui accepte le paiement en Bitcoins, cette monnaie virtuelle. Il y a vous et 50 Cent. Le fanatique du groupe pouvait précommander le nouvel album en payant par Bitcoins. Étant donné que ce concept demeure très nouveau, avez-vous peur que la compagnie qui gère les Bitcoins décide de plier bagage et se sauve avec tout votre argent ?
Je n’ai aucune idée comment les Bitcoins fonctionnent, pour être bien honnête avec toi. Je fais confiance, énormément confiance même, à notre compagnie de gérance et à notre compagnie de disque. Ce n’est qu’une autre façon de payer pour les gens. Je ne sais pas combien de gens ont fait un achat avec ce type de paiement, je n’ai pas les chiffres en tant que tel. Lorsque vient le temps d’un achat de disque, personnellement, je suis un homme des cavernes. Je me rends chez mon disquaire et j’achète le format physique.
En plus d’avoir ce nouvel album avec Mastodon, tu es aussi membre du groupe Killer be Killed. Ton implication dans ce groupe est arrivée de façon plutôt surprenante. Que peux-tu nous dire sur ce groupe et comment en es-tu venu à te joindre à ce groupe qui était le projet de Max Cavalera de Soulfly et de Greg Puciato de Dillinger Escape Plan ?
Mastodon était en tournée avec Dillinger Escape Plan il y a trois ans et Greg me parlait qu’il avait un projet avec Max Cavalera de Soulfly. Il me disait que des chansons étaient prêtes et que des démos étaient prêts. Autrement dit, le groupe était vivant de façon artificielle mais pas dans la réalité car il manquait quelque chose! Mais je sentais que ce projet était plutôt sérieux, juste à la façon à laquelle il en parlait. Des fois, des musiciens nous disent qu’ils ont des projets avec tel ou tel artiste mais ça n’aboutit jamais. Greg me racontait qu’il travaillait avec Max Cavalera et leur batteur était Dave Elitch, l’ancien de Mars Volta. Tout fonctionnait mais ils avaient besoin d’un bassiste qui pouvait faire aussi des voix. C’est là que je lui ai dit : « Aie, c’est ce que je fais avec Mastodon. Basse et voix ! C’est mon travail ! » J’aime Greg en tant que personne à la base. Je lui ai confirmé que je voulais être membre de ce groupe à part entière. Et il m’a dit, tout bonnement : « Ah oui ? Ok… Cool, je te prends ! » La boucle a donc été bouclé d’une façon plutôt humoristique. Nous avons été capables par la suite de trouver du temps pour enregistrer l’album. Les sessions d ‘enregistrement se déroulaient dans la bonne humeur. Le but de l’exercice était plutôt simple : Se rencontrer, faire des chansons qui nous plaisent et le faire dans la joie. Nous sommes très fiers que le tout soit sorti maintenant. Nous avons eu 7 jours pour ficeler les chansons, pour les travailler pour qu’elles soient cohérentes pour ensuite prendre 21 jours pour enregistrer le matériel. Tout a été fait en septembre 2013. Aucun stress, que du plaisir ! J’ai aimé chaque seconde de l’expérience !
Et tu as rencontré Max Cavalera d’une façon particulière, n’est-ce pas ?
C’est vrai. Après avoir accepté l’offre de Greg, j’étais officiellement dans le groupe, qui n’avait pas encore de nom jusque-là. J’étais en Europe, Mastodon jouait sur un festival où le groupe Soulfly jouait aussi. J’ai vu Max Cavalera qui passait et je suis allé le voir en me présentant. Je lui ai dit un truc du genre : « Salut, je me présente. Je suis Troy Sanders de Mastodon. Nous jouons dans un groupe ensemble avec Greg Puciato. Je suis votre bassiste ! » Aussi simple que cela !
Pratiquement impossible de voir le groupe en concert ?
Nous espérons. Encore une fois, le tout est en relation avec nos horaires personnels. Avec un nouvel album de Mastodon, il y a généralement plusieurs mois de tournées qui viennent après. Ce sera difficile mais on y pense.
Et dernière question ! Nous t’avons vu souvent porter des t-shirts de MonstrO, l’ancien groupe de ton frère Kyle Sanders. Question de les encourager et de les faire connaitre, tu portais leur t-shirt en guise de support. Maintenant, est-ce que nous allons te voir sur scène avec un t-shirt de Hellyeah ?
Je l’espère bien. C’est le nouveau groupe de mon frère et je l’aime à mort ! Sans lui, je ne serais pas ici !
Mastodon sera au Metropolis de Montréal le mercredi 29 octobre avec Gojira et Kvelertak. Tu te dois de cliquer ICI pour l’achat de billets !
www.mastodonrocks.com
Belle entrevue!
Eh bien merci!