Se remettre de la mort d’une personne peut être un processus excessivement long et très ardu. Lorsque tu partages une passion commune avec un membre de ta famille et que le tout devienne ton métier, un sentiment de sécurité se dégage. Tu affrontes les hauts et les bas, tout en sachant qu’il y aura toujours cette personne de ton entourage pour t’offrir du support. Ce qui est arrivé à Vogg (dernier sur la photo), guitariste de la formation polonaise Decapitated, n’est pas une aventure banale. Il vivait sa passion musicale avec son frère lorsqu’un accident impliquant le groupe est survenu. Deux albums plus tard, le tout demeure encore très frais dans l’esprit de ce jeune homme qui a décidé de continuer sa carrière avec le groupe. Entrevue avec Waclaw « Vogg » Kieltyka.
Et puis Vogg, comment ça va ?
Très bien, merci ! Nous arrivons de faire quelques dates sur des festivals en Europe. Aujourd’hui, je fais des entrevues téléphoniques.
Ma première question est en relation avec le nouvel album, Blood Mantra. Étant donné que le précédent, Carnival is Forever se voulait un album « retour » après la tragédie qui a pratiquement mené à la fin du groupe. (NDLR : Decapitated a été impliqué dans un accident de la route. Covan, le chanteur du groupe est maintenant lourdement handicapé tandis que le batteur, Vitek, est malheureusement décédé suite à cet incident. Il était le frère de Vogg) Quelle est donc la différence majeure entre les deux albums ?
D’un point de vue musical, je te dirais que c’est plutôt au niveau du type de guitares que j’utilise. Maintenant, j’utilise des guitares à 7 cordes. Avant, c’était avec une guitare 6 cordes. Avec ce type de guitare, je peux créer des rythmiques vraiment lourdes. Pour ce qui est de l’ambiance en tant que tel, il est certain que Carnival is Forever était plus émotif car c’était le retour du groupe avec de nouveaux musiciens. Blood Mantra est la preuve que Decapitated évolue malgré les mauvais côtés de la vie.
Toutes vos chansons comportent des titres plutôt courts. Ce sont des titres qui n’ont qu’un seul mot ou deux, à l’exception de Blasphemous Psalms to the Dummy God Creation. Vous semblez vous reprendre sur ce titre. Est-ce un hasard ?
Hahha ! Belle observation ! Oui, ce n’est qu’un hasard. Je te dirais que plus j’y pense, plus il me semble que le titre Blasphemous Psalms to the Dummy God Creation semble être un titre de chanson pour Deicide !
Est-ce toi qui se retrouve sur la pochette du disque, tout imbibé de sang ?
Non. J’imagine que tu me dis ça car le gars porte la barbe ?
Oui, et les cheveux semblent longs et châtains comme les tiens.
Non, ce n’est pas moi mais c’est vrai qu’il me ressemble. C’est un véritable mannequin polonais, quelqu’un qui fait ce métier. Il a passé de nombreuses heures à se faire maquiller et photographier. Je ne serais pas capable de faire ce genre de choses.
Blood Mantra est un bon disque de métal moderne. Il y a l’influence death métal encore présente mais vous poussez un peu plus loin. Il y une chanson sur l’album du nom de Blindness. Elle possède une cadence plus répétitive.
J’avais Meshuggah en tête lorsque j’ai écrit cette chanson. Le riff est hypnotique. Il reste dans ta tête pendant longtemps. C’est une longue chanson.
Elle a aussi des percussions plutôt tribales.
Oui. Le jeu sur les tambours permet à la chanson de prendre son envol. C’est la chanson la plus longue du disque, une des plus complexes aussi.
La chanson Red Sun se démarque vraiment des autres car elle est vraiment d’un autre registre. C’est une pièce atmosphérique. Que peux-tu nous dire à son sujet ?
C’est étrange car sur la série d’entrevues pour l’album, on me parle souvent de cette chanson. On me parle souvent des pièces plus étranges sur nos albums. Je peux le comprendre, on vous brasse les oreilles pendant une quarantaine de minutes et ensuite, on vous envoie une pièce vraiment différente face aux autres. Le but avec celle-ci était de terminer l’album en dirigeant l’auditeur ailleurs. C’est un morceau qui bourdonne, qui te donne pratiquement l’effet que tu es dans l’espace.
Maintenant, tu es le seul membre original du groupe. Tu te retrouves avec de nouveaux musiciens. Que peux-tu dire face à la formation 2014 de Decapitated ? Sens-tu que c’est la bonne version, avec tous les changements qui sont survenus ?
Oui, c’est parfait. L’ambiance est géniale dans le groupe. Comme je te disais, nous revenons de quelques dates sur des festivals et avec les autres gars, il y a un bon sentiment de camaraderie qui règne.
Vous serez en tournée en Amérique du Nord avec Gwar. Tout comme vous, ils ont perdu un membre très important en Oderus Urungus, leur chanteur. Sentez-vous que le fait que vous vous retrouverez en tournée avec eux fait que vous démontrez, justement, que malgré la tristesse face à la mort, qu’il faut tout de même continuer et persévérer ?
Je suis tout à fait d’accord avec toi. J’ai perdu mon frère alors qu’il était encore tout jeune. Cet accident a été terrible. J’ai monté ce groupe avec mon frère alors que nous n’étions que des adolescents. Je faisais tout avec lui et d’être avec lui alors que nous étions très jeunes m’a aidé énormément. Lors de notre première tournée en Amérique, c’était très difficile. Notre anglais était plutôt faible, c’était très difficile pour nous de pouvoir communiquer avec les autres groupes, les gérants, le personnel des salles où nous avons joué ou tout simplement pour demander des informations de base. Au moins, j’étais avec mon frère. Il n’y a pas un soir où je ne regarde pas la batterie pendant que je suis sur scène en me disant que c’est mon frère qui y était avant. Et c’est la même chose pour Covan car il était lui aussi, comme un frère. Decapitated et Gwar ont vécu le décès d’un membre important de leur groupe et il est certain que nous nous rejoignons sur ce sujet. En continuant d’avancer, nous ne faisons que compléter ce qui doit être fait.
Que penses-tu de la personne et du musicien que tu es devenu suite aux évènements inattendus que la vie t’a mis sur ton chemin?
J’ai appris que je suis quelqu’un de fort et qui persévère. Je fonce. Il y a des bouts où ce n’était pas facile. Il y a eu du découragement, je ne peux le nier. Je me suis fixé de nouveaux objectifs avec le groupe tout en respectant le passé de Decapitated.
Tu es maintenant père aussi ?
Oui. C’est la plus belle chose qui me soit arrivée. C’est un bonheur extrême de pouvoir être parent. La naissance de mon enfant a été quelque chose de bénéfique dans ma vie. Je suis comblé à ce niveau.
Quand Decapitated a lancé son premier album, vous n’étiez que des adolescents. Il y a deux groupes qui nous ont visités cet été à Montréal, Babymetal et Unlocking the Truth. Ce sont des adolescents qui font partie des deux groupes. Toi, de ton point de vue, tu dois bien comprendre ce qu’ils vivent étant donné que tu es passé par là?
Oui. Étant donné que tu es très jeune, il y a une certaine quantité de personnes qui ne te prennent pas au sérieux, le tout étant en relation avec ton jeune âge. Tu te fais avoir sur certaines closes contractuelles car tu es inexpérimenté. Tu dois ajouter à tout ça la barrière linguistique. Si je n’ai qu’un seul conseil à donner aux deux groupes, c’est le suivant : Soyez prudents car on va tenter de vous flouer !
Lors de la tournée avec Gwar, vous ne serez pas présents lors de l’arrêt à Montréal. Peut-on s’attendre à une visite de votre part en 2015 alors ?
Nous sommes en pourparlers pour une autre série de dates en Amérique. Ce serait environ en mars 2015 pour Montréal.
Et avec quels autres groupes ?
Ça, je ne peux pas vous en parler par contre !
Vogg, je te remercie beaucoup de ton temps !
Merci beaucoup Yanick !
Le nouvel album de Decapitated « Blood Mantra » est maintenant disponible !