Necronomicon : Dans les profondeurs du fjord (Entretien avec Rob the Witch)
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Necronomicon : Dans les profondeurs du fjord (Entretien avec Rob the Witch)

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Lorsque deux Saguenéens jasent, le tout prend de nombreux détours. Même en mode entrevue, il se peut que l’on sorte de notre zone de confort, question d’amener la discussion vers d’autres chemins. Mardi après-midi, je me suis entretenu avec Rob the Witch de Necronomicon. À la base, nous devions surtout discuter du nouvel album, Advent of the Human God mais la beauté de la chose fait que l’entretien s’est transformé en véritable hommage à cette région majestueuse qu’est notre berceau, le Saguenay. Ce nouvel album est puissant, coriace et brutal. Le trio nous livre une performance carabinée et il était de mise que nous en parlions aussi. Voici donc l’intégralité de ma discussion avec Rob the Witch, chanteur et guitariste de Necronomicon.

Rob, tu sembles pas mal occupé ?

Ça ne dérougit pas. Des entrevues à faire, je n’arrête pas depuis une semaine!

Et les critiques face au nouvel album, tout est très positif à date ?

Oui, c’est très positif. Les critiques arrivent d’un peu partout dans le monde et tout est très positif. Je n’ai rien vu en bas de 7.5 sur 10. C’est bien intéressant. Il y a eu du travail, ça été intense mais ça fait du bien de voir que c’est apprécié.

L’album a été fait au studio The Grid, c’est bien ça ?

Non, c’est la deuxième fois que j’entends ça. Je ne sais pas pourquoi !

Je vais être bien franc avec toi, je prenais une chance là-dessus ! Peux-tu me parler à quel endroit vous avec enregistré l’album ?

C’est au même studio que pour l’album précédent. C’est au Emery Street Studio, on avait bien aimé l’expérience. Il y avait une belle chimie avec l’ingénieur qui travaille là-bas. L’album est pas mal plus complexe, on a utilisé trois studios en tout. Dans ce studio, nous avons enregistré tout le groupe. Moi, Rick (percussionniste) et Mars (bassiste) dans ce studio, en plus des voix. Pour les orchestrations, nous avons utilisé les Studios Silver Wings. Il fallait le faire ailleurs, parce que c’était trop gros. Pour ce qui est du mix, c’est au JFD Studio, à Dallas. C’est le studio de Jean-François Dagenais de Kataklysm.

Toi, lors des sessions, tu es tout le temps là. Tu portes le chapeau de producteur aussi.

Oui.

Parlant de production, lorsque je regardais le clip de Crown of Thorns, j’ai remarqué que c’est toi qui a produit le clip en plus de le réaliser.

J’ai fait plus que ça. J’ai travaillé sur les costumes, j’ai travaillé sur les maquillages aussi.

Tout à l’heure, tu me parlais d’orchestrations. C’est même toi qui compose tout ce qui concerne les éléments de musique classique qui se retrouvent sur l’album. Vous n’engagez pas un compositeur de musique classique qui va s’inspirer du métal que vous produisez pour y ajouter sa touche personnelle?

C’est moi qui compose tout. Si on prend par exemple l’intro de l’album, qui se nommeThe Descent avec la pièce titre de l’album, qui est Advent of the Human God, eh bien sur les deux pièces, tu retrouves 220 pistes d’orchestration. On a monté l’équivalent d’un orchestre symphonique de calibre majeur. On a incorporé tous les instruments dont on avait besoin. Avec les chorales, ça donne plus que 200 pistes.

As-tu besoin d’un ingénieur sonore avec toi ou bien tu y vas tout seul en menant le bal à ta façon?

Il y a un ingénieur avec moi. Lui, il est là pour assigner et pour transcrire. C’est moi qui compose tout et c’est moi qui décide ce qui va se passer. C’est moi qui sais qu’il y aura huit violons de type alto qui vont faire ça, que les cimbassos vont faire ceci et que les cors français sonneront de cette manière. Moi, je suis assis avec ma guitare et je joue les partitions. Ensuite, je lui dis que les violons vont jouer telle mélodie et je lui joue la partie avec ma guitare. Lui, il monte ça pour que ça fonctionne avec ce que je lui ai dit.

Le fait que tu aimes toucher à tout, que tu aimes essayer des choses et prendre les commandes, ça te vient d’où? Est-ce une passion? C’est ton côté saguenéen je suppose?

Je ne crois pas que ce soit une passion. C’est venu de même je suppose. C’est dur à expliquer. À l’origine, quand j’ai commencé le groupe, ce n’était pas vraiment ma première idée. Tout le monde était impliqué. Ça pris du temps avant que Necronomicon décolle. C’est vraiment avec Return of the Witch que ça commencé à fesser plus fort. Dans les années ’90, même s’il y avait plein de rumeurs qui disaient que c’était moi qui gérais tout dans le groupe, ce n’était même pas vrai. Le groupe était tellement démocratique qu’on se perdait. Je me suis rendu compte avec les années que plus un groupe est démocratique, moins le groupe aura une direction où il doit s’en aller. Au début des années 2000, on a tout enlevé ça. J’ai pris le contrôle du groupe, au complet. À partir de 2005, on a congédié notre gérant. J’ai même pris la gérance du groupe. J’ai quand même de l’expérience, j’ai géré des groupes assez longtemps pour savoir comment ça marche. J’ai produit des albums, j’ai produit des spectacles aussi. En une vingtaine d’années, j’ai pu toucher à tous les aspects du métier. J’étais engagé pour travailler pour du monde, pour faire avancer les choses mais maintenant, je l’applique pour mon propre groupe. Le côté démocratique du groupe fait que les autres membres du groupe voulaient qu’on engage des gens de l’extérieur pour prendre soin de Necronomicon. Je disais que ça allait nous faire perdre de l’argent et qu’on pouvait s’arranger. J’ai pris le contrôle du groupe, littéralement. C’est donc comme ça que je me suis retrouvé à être le gars qui fait tout!

On n’est jamais si bien servi que par soi-même?

Par la force des choses, c’est arrivé comme ça. Ce n’est pas que l’on ne veut pas travailler avec les autres. C’est surtout que tu deviens écœuré de te faire dire : « Ah ben, ça, ça ne sera pas possible les gars! » Le meilleur exemple reste pour le clip de Rise of the Elder Ones. On avait approché des compagnies. On expliquait le concept du clip et ce que l’on voulait. On se faisait tout le temps dire : « Pas possible ça, ça ne se fait pas au Québec! » On s’est dit qu’on allait le faire par nos propres moyens. On a engagé des gens pour faire chaque chose qui devait être en place pour créer un clip. On a vraiment tout fait par nous autres. La construction des décors, l’éclairage, les maquillages… tout! Et ça donné un maudit bon résultat!

Je veux retourner à l’album. On n’a pas le choix de parler de la chanson The Fjord. C’est n’est pas un hommage au fjord norvégien, c’est un hommage au fjord du Saguenay, c’est bien ça?

Tu es très bien placé pour comprendre ça. Je me disais : « Oui, Yanick va probablement regarder et écouter cette chanson en se disant que Necronomicon venait de nous créer un hymne national pour la région! »

Exact!

C’est un peu ça en fait. C’est même très ça. Aucun rapport avec les fjords européens. Il y a même une critique de l’album qui raconte que nous avons voulu toucher au folk métal sur cette chanson, ce n’est pas ça pantoute ! Quand on composait l’album, j’ai senti une force. Quelque chose qui me disait qu’il fallait que je le fasse. Le groupe est composé aux deux tiers de sang saguenéen. Le fjord, c’est une place légendaire. C’est unique au Québec et même en Amérique du Nord. Le paysage est fantastique là-bas. J’habite à Montréal depuis longtemps, depuis 1993. Tu t’aperçois qu’après tout ce nombre d’années, et malgré l’exil, le côté saguenéen ne part pas. Je me fais dire que quand je suis avec mon monde, notre monde du Saguenay, mon accent ressort beaucoup plus. En général, je parle un français qui est un peu plus clean. Un français qui s’est raffiné avec le temps. Depuis que je suis à Montréal, je sais que j’ai encore un accent prononcé sur certains mots. Avec le monde de ma gang du Saguenay, mon accent ressort beaucoup plus. La région du Saguenay, c’est notre mère patrie. Que tu le veuilles ou non, et je l’expliquais récemment dans une autre entrevue, les gens du Saguenay sont vraiment différents. Peu importe le nombre d’années où tu habites ailleurs qu’au Saguenay, tes traits de caractère restent parce qu’ils sont très uniques. Au Saguenay, on est très fort de caractère.

Je confirme.

On est des gens qui ne se laissent pas piler sur les pieds. On est capable de se revirer de bord, de recommencer et de réussir. Et assez vite en plus! Les Saguenéens sont fiers, ils sont forts et nos femmes, au Saguenay, elles sont fortes! Au Saguenay, les filles sont fortes de caractère. Elles tiennent tête aux gars et elles boivent de la grosse bière! Les gens du Saguenay, on s’exprime fort! Quand on marche, les pas sont forts et on n’a pas peur de s’exprimer. Avec cette chanson, c’est ce que je voulais exprimer.

Avec le clip de Crown of Thorns, vous touchez un sujet qui se veut assez particulier et qu’on n’a pas souvent l’occasion de voir et d’entendre parler par les groupes d’ici : l’évangélisation des Amérindiens lors de la période de l’établissement des colons dans ce qui allait devenir le Québec. Comment as-tu approché ce sujet?

C’est venu très, très facilement. Très naturellement, plutôt. Moi, quand mes parents se sont séparés, ma mère s’est remariée avec un shaman amérindien. L’enseignement m’a été passé, ce qui fait que la cause amérindienne a toujours été très proche de moi. J’ai des amis, des connaissances qui demeurent à Kahnawake et Kanasatake. J’ai eu la chance de rencontrer des gens de conseil de bande qui connaissaient le groupe à cause de The Sacred Medecines. La cause amérindienne a toujours été importante pour moi et je voulais la souligner dans le clip. Sauf qu’à la base, le clip devait être plus élaboré. C’était supposé d’être plus vaste, pas juste le peuple amérindien. On a eu des problèmes pendant la production, il a fallu réduire le concept. C’est pour ça que dans le clip, on voit surtout ce qui s’est passé avec les Amérindiens mais on devait présenter ce qui s’est passé aussi avec d’autres peuples lorsque les missionnaires tentaient de convertir les peuples à la religion catholique. On voulait inclure les peuples du Nord de l’Europe, comme les Vikings. Ils ont été assimilés, c’est pour ça qu’ils ont perdu leur culture eux-aussi. Il y a des peuples qui ont été anéantis, au nom d’une religion.  On s’est donc concentré sur la portion amérindienne avec le clip et étrangement, lorsqu’on terminait le clip, c’était pendant qu’aux nouvelles, ils rapportaient ce qui se passait au niveau de la condition autochtone. Avec tout ce qui se passe avec la montée de l’extrémisme religieux, on comprend vite que les religions amènent beaucoup de mal. Si on enlevait les religions, on ne règlerait pas tous les problèmes mais il y en a quelques-uns qui prendraient le bord!  L’être humain a cessé de croire en lui-même? Quand tu repenses à l’héritage amérindien qui a été perdu à cause de tout ça, c’est pathétique. Juste au niveau des plantes médicinales, c’est une vraie perte. Ça commence à être redécouvert comme méthode de guérison. Mais on a eu des problèmes avec le clip. Il y a un organisme, que je ne nommerai pas, qui a été mis au courant de ce que l’on faisait. Ils ne voulaient pas que l’on produise le vidéo parce qu’on allait présenter ce que les Français ont fait subir aux Amérindiens dans le temps.  Ils nous disaient d’aller revisiter notre histoire parce que ça, ce sont les Anglais qui étaient les responsables de la violence envers les Amérindiens. Dans le clip, tu vois que les soldats portent la bannière des Français et ils sont chrétiens. Ils ont participé au massacre des Amérindiens, il n’y a pas que les Anglais. Cette association de francophones, que je ne veux pas nommer, nous a fait des menaces en disant que si on sortait le clip, qu’ils allaient nous poursuivre en cour. La sortie du clip a été retardée, surtout à cause de ça. Il y a des gens d’un conseil de bande qui nous ont dit que si quelque chose était pour nous arriver avec cette association, qu’ils allaient nous aider.

Vous proposez une version d’Innocence & Wrath sur l’album. C’est une chanson de Celtic Frost qui n’est pas une pièce lourde et métal. C’est l’introduction de l’album To Mega Therion. Pourquoi un choix aussi original?

Cette chanson m’épate depuis toujours. C’est l’une des chansons qui m’a donné le goût d’avoir des trucs plus orchestrés dans ma musique.

Pour ce qui est de la pochette, vous avez décidé d’y aller avec Filip Ivanovic, un artiste d’ici.

Oui. Ça fait longtemps que je connais Filip. Nous avons reçu une bonne centaine de soumissions venant d’artistes intéressés de travailler avec nous. Ça faisait deux albums que l’on faisait avec Simon Bossert. C’est un bon gars, c’est un ami mais on devait passer à autre chose. Ça nous prenait quelque chose de dynamique, moins photographique. Tu sais, les pochettes de métal avec des montages exécutés au Photoshop, on était tanné de ça. Filip nous a proposé quelque chose. Moi de mon côté, je lui ai montré mon concept et Filip a retouché son travail avec mon concept. Son travail est une peinture, pas un truc photoshoppé que n’importe qui peut faire sur son ordinateur. À peu près au même moment, notre label Season of Mist nous a demandé d’y aller avec une pochette plus classique. Les responsables nous expliquaient que les gens étaient tannés des pochettes de composites de photos faites avec un ordinateur. Ils voulaient une pochette avec de l’art original et c’était là-dessus qu’on travaillait, justement.

Pour finir Rob, la question habituelle quand on termine une entrevue : les concerts en 2016, ça va ressembler à quoi?

Il y a une tournée qui s’en vient, c’est certain. Elle est en train de prendre forme et ça sera brutal. La dernière fois, les gens ont souligné le fait qu’il n’y avait pas de dates canadiennes mais cette fois-ci, il va y en avoir. Il devrait y avoir Montréal, Toronto et Vancouver. Ça s’en vient, c’est tout ce que je peux te dire!

J’ai assez de stock, merci Rob!

C’est bien, Klimbo!

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L’album Advent of the Human God est maintenant disponible. Le lancement aura lieu samedi le 2 avril 2016 au Piranha Bar de Montréal dès 19h30. Il y aura divers exposants lors de la soirée, session d’écoute en plus de bière gratuite à l’achat de l’album. Prix d’entrée? Absolument rien!  

www.facebook.com/NecronomiconMetal/

Photos: Myriam Francoeur