Behemoth : Retour sur le concert avec Myrkur (25 avril 2016)
J’ai pratiquement toute la discographie de Behemoth. Cette formation polonaise m’intrigue depuis toujours mais c’est surtout sur scène que l’ampleur du phénomène prend toute sa force. Sur album, l’expérience demeure intéressante mais lorsque le tout s’immortalise sur les planches d’une salle de concert, il y a une quantité astronomique de portes qui s’ouvrent.
J’ai toujours préféré Behemoth sur scène que sur album. En 15 ans, je crois n’avoir manqué qu’un seul concert du groupe. Avec The Satanist, j’ai vraiment senti un vent de changements par contre car au lieu de remiser l’album après une dizaine d’écoutes, celui-ci s’est retrouvé à de nombreuses reprises dans mes oreilles, même après plusieurs mois après sa sortie.
Cet album me comble, ce qui voulait dire que lorsque le groupe a annoncé son intention de présenter l’album en entier sur scène, je ne pouvais que déclarer « présent » lors de l’évènement.
Vêtue d’une longue robe rouge, la toute menue Myrkur a pris place derrière son clavier. Accompagnée d’un batteur, d’un guitariste et d’un bassiste, elle s’est mise au chant en plus de plaquer quelques accords. L’introduction de Den Lille Piges Død demeure ambiante et éthérée mais elle prend une certaine tournure plus sombre. Après quelques notes seulement, on remarque que le bassiste brise une corde de sa basse, s’isole vers l’arrière de la scène pour la remplacer et revient quelques minutes plus tard pour la seconde chanson.
Maintenant en place, on pouvait remarquer facilement que celui qui était en poste au niveau de la basse était nul autre que Liam Wilson de Dillinger Escape Plan. Facilement reconnaissable grâce à son déhanchement particulier, il aurait pu passer incognito étant donné l’application de corpse paint sur son visage. Appelé à la rescousse la veille, le bassiste a dû apprendre les chansons du répertoire de Myrkur à vitesse grand V.
À la taille filiforme, cette mannequin à la chevelure blonde s’est adonnée à un rituel vocal qui alternait la voix plus acidulée avec la douceur la plus pure du chant angélique. Cette dualité a semblé plaire au public montréalais qui a offert à cette artiste controversée un accueil plus que favorable face à cette première visite. Même si elle est demeurée derrière cette « branche à deux microphones » pour y jouer de la guitare, hurler à tout rompre ou y aller avec certaine complainte, l’intensité que Myrkur a proposé ne descendait jamais d’un cran. Qu’elle soit plus black métallique ou aux frontières du folk ambiant, sa musique est venue nous titiller juste en dessous du nez.
Les musiciens de Myrkur ont laissé la scène pour qu’elle puisse terminer le tout au clavier avec son interprétation de Song to Hall Up High de Bathory qui nous laisse imaginer ce qu’Enya aurait pu faire si elle avait travaillé en collaboration avec Quorthon!
À l’origine, le communiqué de presse de Behemoth et de son Blasfemia Amerika Tour annonçait qu’une exposition de l’artiste Toxic Vision allait être présentée lors des différents arrêts dans les villes. Hier au Corona, je n’ai pas vu l’exposition. J’étais à l’ouverture des portes et aucune pièce artistique tirée des clips de Behemoth n’était visible.
Si la chanson Doctor Doctor de UFO nous annonce la venue imminente d’Iron Maiden sur une scène, l’odeur de l’encens nous annonce deux évènements majeurs en cette période métallique moderne : soit l’entrée en scène de Ghost ou celle des pionniers du black/death métal Behemoth.
Les Polonais se sont avancés sur les planches du Corona avec l’entrée typique du groupe depuis les dernières tournées. Orion prend place à droite de la batterie d’Inferno, Seth s’installe avec sa guitare à la gauche tandis que Nergal avance en catimini avec ses deux orbes de feu que l’on retrouve au bout de deux bâtons.
Lorsque la guitare se retrouve entre les mains de Nergal, Blow your Trumpets Gabriel prend forme musicalement. L’élan se continue pendant les neuf chansons de l’album qui se retrouve en mode intégral étant donné que les pièces sont jouées dans l’ordre.
Deux écrans se retrouvent de chaque côté de la scène sur lesquels nous retrouvons une série de vidéos qui ont été utilisés pour la création des clips tirés de l’album The Satanist en plus d’autres images qui semblent avoir été empruntées directement des archives d’Anton LaVey. L’arrière de la scène devient lui aussi un écran lors de quelques moments bien précis, donnant une profondeur encore plus intense aux images projetées.
Seth, Orion et Nergal vocifèrent à tout rompre. La puissance des trois voix combinées donne encore plus de tonus aux chansons. Derrière leur pied de micro, orné de différents symboles en plus de quelques cobras métalliques, l’allure décharnée des musiciens ne fait qu’accentuer le côté théâtral du spectacle. Seth a l’allure du spectre, Orion pourrait passer pour une version zombifiée de Gene Simmons mais c’est la bouille de Nergal qui impressionne avec sa tunique qui lui donne des airs d’un Skeletor des temps modernes.
Les symboles typiques du christianisme se sont fait varloper par le groupe. Certains ont dû ressentir une petite main froide sur leur épaule judéo-chrétienne lorsqu’Orion a craché sur un crucifix inversé ou lorsque Nergal a offert la communion aux disciples… pour ensuite écraser le reste des hosties, laissant les miettes retomber dans la foule en pâmoison.
C’est O Father O Satan O Sun! qui a mis un terme à cette première portion du concert. Nergal est revenu sur scène avec le visage encore plus tuméfié pour terminer l’album. Comme de raison, Behemoth n’allait pas laisser Montréal qu’avec neuf chansons et c’est pourquoi les Polonais ont plongé très profondément pour satisfaire la horde.
Avec Pure Evil and Hate, on remontait aux sources du mal avec une chanson qui date de l’époque plus black métallique de Behemoth du milieu des années ‘90. L’ordre chronologique se poursuivait avec Antichristian Phenomenon et Conquer All. Avare de paroles tout au long de la soirée, c’est juste avant cette chanson que Nergal s’est adressé pour une véritable première fois au public. Il a souligné le fait que le Canada a toujours été bon pour le groupe qui roule depuis plus de 25 ans. Il a raconté que le chemin a été difficile mais que le public d’ici a toujours offert un accueil favorable à Behemoth.
Si un technicien est venu taper sur les tambours avec Inferno pour la finale d’At the Left Hand ov God, la foule a pu dépenser le reste d’essence malsain qui lui restait sur Slaves Shall Serve et Chant for Eschaton 2000.
Il est fort à parier que le groupe prendra une pause après cette série de concerts, surtout que Nergal prépare un album solo qui proposera du matériel du domaine un peu plus acoustique, folk et qui sera dans les mêmes cordes que ce que pouvait proposer Johnny Cash!
http://behemoth.pl/