Haken : Retour sur le concert avec Thank You Scientist (2 septembre 2016)
Il y a deux mois, je ne connaissais aucunement Haken. C’est en recevant le communiqué en relation avec leur tournée américaine que j’ai découvert ce groupe progressif qui incorpore des éléments de métal dans son amalgame sonore. Assister à un concert sans vraiment connaître un groupe implique une série d’imprévus, un genre de stress qui risque de se transformer soit en un sentiment positif ou en un sentiment de perte de temps.
Non, je n’ai pas fouillé dans le répertoire précédent du groupe. Je voulais sauter de cette tour périlleuse sans qu’il n’y ait de filet au bas, si je peux m’exprimer ainsi. Un risque, un énorme risque qui peut se terminer avec l’encensement ou l’anéantissement…
Je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai fait ce type d’expérience : aller voir un groupe (et même deux, car je ne connaissais aucunement Thank You Scientist) sans le connaître depuis au moins 6 mois et d’être aucunement à l’aise avec les albums qui sont inclus dans la discographie du groupe.
Juste avant d’entrer au Club Soda, je reçois un texto de notre photographe Mihaela Petrescu qui semble, déstabilisée. Elle ne comprend pas la présence de tables et de chaises sur le parterre. Habituée aux concerts métalliques qui sont présentés à cette place, le tout se déroule habituellement en mode « debout ». Est-ce parce que le public de musique progressive est généralement plus âgé ou bien est-ce tout simplement une exigence du groupe? Peu importe car moi, j’étais debout derrière, tout près de la console de son. Ma vue sur la scène était juste… parfaite!
La seule chose que je connaissais au sujet de Thank You Scientist était que le guitariste Tom Monda utilise les guitares Vigier depuis 2011 car je le vois souvent dans des publicités à l’intérieur des magazines. Au niveau sonore, il m’est impossible de vous donner une description précise face à ce que le groupe produit étant donné que c’est excessivement explosif comme proposition musicale.
Avec un saxophoniste, un violoniste et un trompettiste, le groupe ne présente pas une formation qui s’élance avec les cadences régulières. Des spasmes de Primus, de Mr.Bungle, de Yellowcard, de Glueleg et de Living Colour se font entendre ici et là avec ce groupe qui défie les conventions d’usage.
Même si les musiciens sont tous des machines de perfection, il ne faut pas passer sous silence la présence du chanteur Salvatore Marrano. Il enlève ses souliers après une chanson et se retrouve pieds nus sur scène. Il y va de quelques pas de danse maladroits mais charmants. Il descend même dans la foule, question de titiller les gens assis en flattant quelques têtes au passage. De retour sur scène, il se laisse tomber sur le dos pour se placer en position fœtale, lève les jambes pour faire du bicycle et se relève pour se remettre à danser!
Juste avant la chanson In the Company of Worms, Marrano a expliqué que son groupe risquait de devenir « canadien » dès l’an prochain, étant donné le climat politique qui règne en ce moment aux États-Unis.
Avec une heure sur scène, le groupe a démontré l’étendue de son immense talent, y allant même d’une interprétation totalement déconstruite de I Am the Walrus des Beatles. Avant de quitter la scène, Marrano est retourné près du batteur, a repris ses chaussettes qu’il a enfilées lentement. Le groupe continuait son escalade musicale et Marrano, lui, prenait le temps de remettre ses espadrilles. Thank You Scientist est reparti sous les acclamations de la foule avec ce sentiment de réussite en poche!
Je ne connaissais que l’album Affinity de Haken. Je me suis rendu compte que les pièces qui proviennent des autres albums sont excessivement solides aussi. Plus, même? Lorsque je connaissais l’une des chansons jouées, j’étais très attentif mais je l’étais encore plus lorsque c’était une chanson que je ne connaissais aucunement.
La pièce Affinitiy.exe, qui sert d’intro à l’album Affinity, a permis au groupe de s’installer sur scène. Ensuite, Haken a pu s’élancer sur Initiate. Comme je m’y attendais, les musiciens étaient rivés sur leur instrument, question de ne manquer aucune note. Ceux qui apprécient les performances visuelles devaient se rabattre sur le chanteur Ross Jennings. Avec ses gestes larges, ses levées de micro et ses mimiques, il est difficile de ne pas être attiré par son charisme. Expressif, il prend les devants de façon habile et sa performance à la voix n’est aucunement déficitaire face à son énergie!
Il demeure que les autres musiciens offrent un véritable délice auditif et visuel au public. Lorsque Diego Tejeida est sorti de son emplacement pour venir nous faire le solo de claviers de la chanson 1985 avec sa « keytar », nous avons eu droit à une performance solidement kitsch, agrémentée par un jeu de lumières adéquat.
Lorsque j’ai fait la critique de l’album Affinity, j’avais justement remarqué que cette chanson du nom de 1985 faisait très… 1985! Lors de son interprétation, Jennings est apparu sur scène avec des lunettes fluorescentes qui lui donnait un look à la Weird Al Yankovic! Même sans les lunettes, on voit que Jennings a le même type de bouille sympathique que cet humoriste qui a fait ses choux gras durant la période des années ’80.
Plus le spectacle avançait, plus je sentais que j’étais à la bonne place. Je me suis ramassé souvent avec la mâchoire qui traînait sur le plancher caoutchouteux du Club Soda tellement la performance se voulait magistrale car en plus d’apprécier les pièces de l’album Affinity, j’étais un témoin face à la découverte du catalogue du groupe!
Lorsque le groupe a joué The Architect, je me disais qu’il était impossible que Jennings puisse faire la même interprétation que celle d’Einar Solberg de Leprous. Sur cette chanson, le chanteur-invité pousse son chant de manière à ce que le tout soit extrême, aux limites du death métal. Lorsque Jennings s’est exécuté de la sorte, j’ai tout de suite compris que cet homme était un chanteur de talent car en plus de roucouler tout au long de la soirée, il a pu grogner solidement pour rendre cette chanson aussi solide que sur l’album.
C’est donc sous la rubrique DÉCOUVERTE que je peux classer ce concert, et j’ajouterais même découverte enivrante car il est plutôt rare de pouvoir retirer autant de plaisir auditif venant d’un groupe que tu ne connais pas vraiment.
Trois « nouveaux » albums à découvrir maintenant!