Dossier de Tôle : Bien à l'aise, dans l'ombre du Prince des Ténèbres
BloguesChanceux comme un Quêteux

Dossier de Tôle : Bien à l’aise, dans l’ombre du Prince des Ténèbres

En général, les gens n’aiment pas la tricherie. Que ce soit aux cartes, dans les courses de lévriers, au Monopoly (ou pire, dans un couple!) tricher face aux autres, ce n’est jamais bien accepté. Dans le domaine musical, ça passe ou ça casse!

Vous n’avez qu’à penser à l’incident Milli Vanilli qui a coûté la carrière au duo, à l’imposture des Monkees ou à Black Veil Brides avec leur mur d’amplificateurs factices. Nous devons comprendre que certains groupes doivent user de certains stratagèmes, question de vous en donner plus pour les yeux ou pour vos oreilles.

Dans le cas des Monkees ou de Milli Vanilli, c’était beaucoup plus une question esthétique. Des gars avec de belles tronches mais ne sachant pas chanter se retrouvaient à l’avant-plan tout en fredonnant sur des bandes préenregistrées. Nous connaissons la ritournelle. De nos jours, de nombreux artistes pop font du lip synch ou cachent les défauts avec l’auto-tune, question de combler un manque de souffle lors des chorégraphies ou un manque de talent, tout bonnement.

Mais qu’en est-il du domaine plus rock, hard rock et métal? Si quelques groupes usent de prouesses lors des enregistrements, parfois nous pouvons nous rendre compte assez rapidement que le transfert ne se fait pas sur scène. Nous savons aussi que certains artistes usent de bandes préenregistrées pour cacher les imperfections.

Et en ce qui concerne l’utilisation d’un chanteur de soutien en spectacle? Ou de musiciens cachés derrière les amplificateurs?  Hum… Où allons-nous avec ça?

En cette période très axée sur la performance et où la technologie nous permet de cacher les défauts, il faut comprendre que ça n’a pas toujours été le cas. Nous devons remonter à une période plus féroce pour le métal et le hard rock, les années ’90.

En 1996, je me suis rendu au Ozzfest. Pas le festival comme nous devons l’anticiper. C’était plutôt une version sur la route. Ozzy était en promotion pour l’album Ozzmosis et il avait décidé d’offrir une version charcutée de sa caravane estivale, lors de l’automne.

Nous avions donc une soirée plutôt haute en métal avec Sepultura, Danzig et Ozzy. À la base, le premier groupe devait être Fear Factory mais il y a eu un changement plutôt inattendu. C’est donc Narcotic Gypsy qui s’est retrouvé sur scène.

Vous vous rappelez de ce groupe? Moi non plus!

Juste après la prestation de Danzig, un ami me faisait remarquer quelque chose de plutôt particulier. Sur scène, on remarquait que des techniciens s’affairaient à monter une tente noire, derrière le mur d’amplificateurs de Robert Trujillo qui jouait dans le groupe d’Ozzy à l’époque de la tournée Ozzmosis.

Habitués de voir des spectacles, nous ne savions pas à quoi servait cette tente. Connaissant le personnage qu’est Ozzy, nous pensions que c’était probablement un endroit pour aller faire un bisou à Sharon pendant un solo de Joe Holmes. À moins que ce n’était pour s’enligner une dose d’un alcool quelconque ou pour aller corriger les devoirs de Kelly Osbourne, sa fille.

Cette image de la tente noire sur scène est restée imprégnée dans mon esprit pendant des années. Je me demandais souvent à quoi servait cette tente car par la suite, je regardais d’autres montages scéniques pour d’autres formations et je ne voyais jamais ce genre de tente.

Mon obsession en ce qui concerne ce fait s’est estompée avec le temps. De toute façon, nul ne peut maintenir une véritable obsession face à un fait aussi anodin.

Sauf que…

En 2001, je suis déménagé à Montréal. De fil en aiguille, j’ai rencontré des gens qui trempaient dans le domaine métallique et autres. Des gens qui poussaient des caisses sur les scènes, des techniciens de scène, rouleurs de fils et éclairagistes. L’équipe locale, comme on doit l’appeler!

Un soir, alors que les festivités allaient de bon train aux Foufs, je me suis mis à jaser avec une fille et un gars. Ils travaillaient tous les deux pour une compagnie de sonorisation de Montréal. Anecdotes face aux exigences de certains artistes, comportement désobligeant de la part de tel membre d’un groupe, j’écoutais les petites confidences avec un certain sourire.

Par contre, ce que la fille m’a raconté a rallumé mon obsession face à cette tente noire qui se retrouvait sur la scène lors du concert d’Ozzy de 1996!

Elle m’a dit : « Tsé, Ozzy y’est magané. Il ne chante plus comme avant. Sur scène, dans les spectacles, il y a une tente noire. »

Je lui ai coupé la parole avec vigueur.

« Oui, je sais de quoi tu parles! J’ai vu ça en ’96 à Québec! Mais continue! » de lui dire.

Elle m’a donc raconté ce qui suit : À l’intérieur de cette tente se trouve deux personnes. De un, un claviériste. C’est un secret de polichinelle. Tout le monde sait ou savait que Ozzy (et même Black Sabbath) utilisait les services d’un claviériste. Si auparavant il était bien visible sur scène avec le groupe d’Ozzy, il a décidé de remettre son groupe en mode « rock » en ne présentant que lui, un guitariste, un bassiste et le batteur. Le claviériste, lui? Bien caché, derrière.

Même Iron Maiden faisait cela à l’époque. Le technicien de la basse, Michael Kenney, jouait les parties du clavier lors des tournées.

Et la deuxième personne?

« Il y a aussi un chanteur!» de me répondre, avec aplomb.

Oui, un chanteur qui double certaines parties vocales d’Ozzy. Le Britannique ne pouvait plus offrir les performances d’antan? Devait-il recevoir un coup de pouce au niveau vocal?

Les années de débauche et l’âge avancé du chanteur ont peut-être eu raison de ses cordes vocales? Est-ce que ce coquin avait plus d’un tour dans son sac? Comme de raison, nous savions tous que si c’était le cas, c’était probablement une manigance, un tour de passe-passe de l’épouse, Sharon.

Cette nouvelle amie-technicienne m’avait même annoncé que ce chanteur qui doublait la voix du Prince des Ténèbres était un chanteur plutôt connu. Un gars qui chantait ou qui avait chanté avec un groupe glam métal lors de la période des années ‘80.

Elle croyait fortement que c’était le chanteur de White Lion, Mike Tramp.

J’étais subjugué. Ozzy qui utilisait des tours de passe-passe pour se donner plus de profondeur. Ceci était bien avant l’époque de l’auto-tune, ce qui me confirmait que c’était totalement possible.

En effectuant des recherches, je me suis butté au vide total. Rien, aucun résultat qui pouvait corroborer les dires de mon amie.

J’ai toujours eu cette pensée derrière la tête. J’ai toujours su qu’un jour, j’allais trouver la réponse à cette énigme ou même, légende urbaine.

Et cela ne m’étonnait guère étant donné que Black Sabbath, lors de l’une de leur tournée réunion ou probablement finale, utilisait un substitut aux percussions. Lors du Ozzfest 2005, Black Sabbath était en tête d’affiche avec Iron Maiden.

Sachant que la santé de Bill Ward était chancelante, le groupe avait Vinny Appice qui demeurait toujours en poste derrière Ward lors des concerts. Était-il dans une tente noire? J’en doute mais il était là.

En faisant des recherches la semaine dernière sur un tout autre sujet, je suis tombé sur un article du LA Weekly qui confirmait cette théorie, celle du chanteur-mystère!

Finalement, j’avais la réponse face à cette question : Est-ce vrai qu’Ozzy a utilisé les services d’un chanteur d’appoint ou « back-up singer » lors de la tournée Ozzmosis? Et est-ce qu’il se retrouvait dans une tente noire, sur le côté de la scène et derrière un mur d’amplificateurs?

Mon amie-technicienne avait bel et bien raison, sauf sur l’identité du chanteur-mystère. Ce n’était pas Mike Tramp de White Lion mais plutôt Robert Mason, de Lynch Mob.

Lynch Mob était le groupe de George Lynch, guitariste de Dokken. Lors de l’implosion du groupe, il a formé sa propre unité musicale. Mason est arrivé avec le groupe lors du deuxième album, celui qui portait le nom de Lynch Mob, paru en 1992. Il est resté avec le groupe jusqu’en ’94.

Cet album de Lynch Mob a été produit par Keith Olsen, le même gars qui s’est retrouvé aux commandes d’Ozzmosis. C’est lui qui avait suggéré à Sharon Osbourne, gérante de son époux, d’user des services de Robert Mason. Il connaissait le type et savait qu’il pouvait livrer la marchandise.

Le chanteur s’est donc retrouvé à Stockholm, en Suède, pour son audition qui selon ses dires, a été plus que rapide. Sur scène, le groupe effectuait la balance de son pour le concert de la soirée. Mason croit que le groupe jouait I Don’t Know. Mason a chanté avec Ozzy. Après quelques lignes, le Prince des Ténèbres s’est retourné vers sa droite, fixant Mason. Osbourne a levé les deux pouces, lançant au micro « Tu as le job! »

Cette aventure en tant que « soutien vocal » pour Ozzy Osbourne aurait duré tout près d’un an pour Mason. Ce dernier se foutait bien de chanter sur scène ou à l’intérieur d’une tente où se trouvait un moniteur avec les paroles qui déferlaient sur un écran en plus d’un claviériste. Mason était tout simplement heureux et fier de faire partie de l’équipe.

Sharon Osbourne avait demandé à Mason de garder le tout sous silence, de peur que le public et la presse racontent qu’Ozzy était en fin de carrière et incapable de chanter. Mason raconte que le tout demeurait très organique comme interprétation et que ce n’était pas pour calfeutrer les incapacités d’Osbourne au niveau performance.

Le LA Weekly a contacté Sharon Osbourne au sujet de cette histoire. Elle a répondu, par courriel : « Pourquoi parler d’un truc qui date d’il y a 20 ans? Nous avons essayé ça pour une portion de tournée. Black Sabbath a toujours eu un claviériste sur le côté de la scène et même chose pour Ozzy. Les musiciens sont crédités sur les programmes de la tournée et sur les albums, question de souligner leurs contributions »

En ce qui concerne Mason, son nom se retrouve bel et  bien dans les programmes des tournées pour l’Europe et le Japon. Mais pas dans celui pour la portion nord-américaine. Même chose pour John Sinclair, claviériste pour Ozzy à l’époque.

De nos jours, Robert Mason est le chanteur de la formation Warrant.

http://www.warrantrocks.com/

[youtube]D49dksxlPBQ[/youtube]

Montage photo: Sébastien Houde