Messe des Morts VIII / Psaume II : Retour sur la soirée du samedi (24 novembre 2018)
Le Théâtre Paradoxe est cette ancienne église reconvertie en salle de spectacles. C’est aussi dans cette salle que le flamboyant Christian Bégin tourne son émission Y’a du Monde à Messe. C’est à cet endroit que se déroulait, une fois de plus, la Messe des Morts. Festival par excellence en ce qui concerne le metal noirci, l’édition de cette année se voulait sombre, lugubre et intéressante pour les amateurs des arts noircis.
Il est plutôt particulier de s’imaginer qu’une célébration aussi maline puisse avoir lieu dans un endroit aussi ecclésiastique. Avec le bon peuple vieillissant, les églises sont de moins en moins visitées. Ne pouvant pas toutes les reconvertir en condos, il est intéressant de voir que cette vocation musicale ramène les fidèles à l’intérieur des murs de cette église.
Samedi soir, j’ai mis pied dans le Théâtre Paradoxe alors que la formation montréalaise Ossuaire entamait son tour de chant. Avec un aplomb indéniable, le groupe a livré un metal noirci bien pétillant. L’hérésie se voulait palpable, la livraison se voulait honnête et la communion avec le public prenait de l’ampleur alors que le groupe a reçu un accueil chaleureux tout en faisant fi de tout artifice. Le poing en l’air, nous battions la chamade avec Ossuaire.
Sinmara est originaire de l’Islande. Un pays où le froid nous titille les narines, pratiquement 12 mois par année. Après la dimension impétueuse proposée par Ossuaire, il était bien intéressant de recevoir une sphère black métallique un peu plus atmosphérique. Quelques passages musicaux nous rappelaient la sonorité de leurs compatriotes insulaires de Svartidauði tandis que certains souffles plus râleurs nous mettaient un Deathspell Omega dans les oreilles. Présence scénique qui nous offrait des spectres glaciaux, les musiciens de Sinmara se voulaient habiles malgré le capuchon qui retombait sur leurs yeux.
Le Théâtre Paradoxe se veut large. Il est agréable de pouvoir y marcher pour pouvoir passer du devant à l’arrière sans sentir que nous dérangeons le public. Avec deux comptoirs pour le service des produits alcoolisés, nous n’attendions pas très longtemps avant de nous faire servir notre consommation. De plus, le fait d’avoir des verres réutilisables est un plus pour ce théâtre qui se veut écoresponsable. Pour se rendre aux toilettes, nous devions descendre un escalier qui nous dirigeait vers ce qui devait être l’ancienne salle paroissiale. Probablement utilisée comme salle de bingo à l’époque ou comme soupe populaire pour les bonnes œuvres, nous pouvions y trouver les cabinets de toilette… où il était impossible d’entendre quoi que ce soit au niveau musical.
De France, le groupe Temple of Baal est venu changer la donne avec un black/death excessivement efficace. Les musiciens n’ont même pas attendu la fermeture des lumières de la salle et ils se sont vautrés dans leur metal saligaud. Rapidité aux percussions, exécution sur les manches des instruments à cordes et des variations aux voix nous ont permis de changer l’ambiance qui se voulait, jusqu’à présent, plutôt lugubre. Avec Temple of Baal, c’était de la violence musicale, un paroxysme métallique qui se voulait nécessaire pour mieux anticiper la suite des choses.
Nombreux étaient les t-shirts et manches longues aux couleurs de Forteresse. J’ai compris, assez rapidement, que Forteresse se voulait le groupe de la soirée, n’en déplaise aux formations en haut de l’affiche. La formation québécoise proposait Pat Monarque à la basse et Cadavre prenait place derrière les percussions. L’attaque a été virulente. Les musiciens proposaient cette vélocité sur scène et ils semblaient tout ramasser au passage. C’était vif, vigoureux et vicieux pour l’oreille chaste. À la guitare principale, Matrak propose un jeu qui nous donne l’impression d’entendre un violon cinglant et déjanté tandis que le souffle rauque d’Athros, doublé par sa présence déjantée, nous donne les éléments essentiels face à un groupe en pleine possession de ses moyens. Plus tôt, je jasais avec un type qui me disait qu’il avait fait le voyage directement du Manitoba pour voir et entendre Forteresse. Ce qui nous prouve que la langue n’est pas une frontière face aux véritables amateurs du métal noir. À moins que ce dernier ne soit un descendant de Louis Riel… Pendant Là Où Nous Allons, nous avons même pu entrevoir un début de mouvement de foule qui n’a pas pris d’ampleur en tant que tel. Non, la foule se voulait contemplative et ce qui se passait sur scène nous donnait cette envie de hocher de la caboche, à l’unisson avec la musique de la formation… tout en sirotant une bonne bière fraîche.
Après les deux tueries proposées par Temple of Baal et Forteresse, je ne me sentais aucunement dans un mood de black metal plus théâtral. J’ai eu besoin de nombreuses minutes avant de m’y faire. J’ai eu plus de difficulté à embarquer dans la parcelle plus feutrée, symphonique et théâtrale de Seth. Après une bonne vingtaine de minutes, je me suis laissé emporter par cette cérémonie qui mettait l’album Les Blessures de l’Âme sous la sellette. Avec 20 chandelles, cet album a bien vieilli et les intermèdes de communion, de mouvements de chandeliers et de bénédiction des religieuses offerts hier soir ont su profiter à Seth qui a été capable de bien envouter le public. Et avec l’architecture de l’église en fond de scène, l’effet se voulait encore plus stupéfiant.
Tormentor proposait un premier concert en dehors de l’Europe, hier soir. En ville pour proposer un concert qui célébrait leur production du nom de Anno Domini, il faut comprendre que le groupe a tout de même ajouté 3 chansons qui proviennent du démo The Seventh Day of Doom. Les préparatifs se déroulaient derrière un rideau, question de cacher ce qui se passait. Avec un peu de retard, le groupe est apparu sur scène avec un Attila Csihar un corpse paint qui rappelait celui qu’il porte avec Mayhem. Non, aucun artifice n’était visible, le groupe jouait devant son logo comme tous les autres et c’était barbare à souhait. La sonorité brute de l’époque a pris la place qui lui revenait et le refrain de Tormentor I a été chanté à l’unisson. Comme je m’y attendais, la majorité des regards était tourné vers Attila et ce dernier assumait sa position centrale.
Avec la pluie qui tombait et l’heure qui avançait, j’ai quitté plus tôt que prévu pour attraper le métro. Les célébrations ce sont continués pendant encore quelques minutes, question de bien achever le public présent sur place.
La Messe des Morts demeure un évènement essentiel dans notre sphère métallique car elle présente avec passion, cette sous-couche métalloïde qui demeure excessivement sauvage pour plusieurs étant donné la réputation qui la précède. Mais à voir les participants et les musiciens présents hier soir, on voit bien que ce sont des gens plutôt passionnés. Des gens polis, éduqués et bien souvent, qui occupent des postes plutôt élevés dans la société. Ce sont vos créateurs de jeux vidéo, vos enseignants, vos responsables des ressources humaines et peut-être même, votre notaire.
Non pas des sauvages, ni brûleurs d’église ou adeptes de rituels diaboliques! Que du bon monde qui pense déjà à l’édition de 2019.