Behemoth : Entretien en mode vidéo avec Nergal (le 4 novembre 2018)
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Behemoth : Entretien en mode vidéo avec Nergal (le 4 novembre 2018)

Il n’a pas été facile d’avoir cet entretien avec Nergal de Behemoth. J’ai commencé à tirer les ficelles dès le Heavy Montréal 2018 alors que j’ai discuté avec la représentante de leur compagnie de disques, juste avant mon entretien avec Trevor, de The Black Dahlia Murder. J’ai eu l’approbation face à l’entretien que quelques jours avant la venue du groupe à Montréal, le 4 novembre dernier alors que Behemoth se retrouvait sur scène avec At the Gates et Wolves in the Throne Room, en ouverture. Nergal est arrivé en tenue de sport pour notre entretien, qui se déroulait sous la scène du M Telus. Vers la fin de l’entretien, vous pourrez entendre les tests de son d’At the Gates, justement!  Entretien avec Nergal de Behemoth, juste avant leur concert qui promouvait leur dernier album, I Loved You at Your Darkest. 

Nergal, bienvenue sur Voir.

Merci de me recevoir.

Tu es à Montréal aujourd’hui et nous sommes dans la cave du M Telus. Est-ce que tu apprécies notre décor?

Absolument. Nous sommes dans le donjon du Telus, c’est bien le nom?

M Telus, avant c’était Metropolis mais ils ont changé le nom.

Je suis un habitué de cet endroit, avec cette portion aussi.

La dernière fois à Montréal, vous étiez en ouverture de Lamb of God. Il y avait aussi Cryptopsy. Votre dernière prestation en tant que tête d’affiche, c’était au théâtre Corona. C’était à guichet fermé. Maintenant, c’est le M Telus, c’est…

Encore plus gros.

Plus gros. Est-ce comme ceci partout en Amérique?

Oui, nous jouons dans de plus grosses salles, partout. Des endroits plus prestigieux. C’est bien car c’est toujours mieux d’être dans des endroits plus confortables. Ce genre de salle, comme ici, au niveau de la capacité, c’est ce que je préfère.  Un peu plus de 2000 personnes, on ressent encore le même feeling que lorsque nous faisons un concert dans un club. Tu n’es pas trop loin des gens, tu peux te nourrir face à leurs réactions. J’adore ça. Les concerts canadiens sont parmi les meilleurs que nous avons eus depuis toujours. Vos foules sont infatigables. Les gens sont passionnés, sauvages et enthousiastes. Je suis vraiment heureux d’être ici.

Il y a un genre d’histoire d’amour entre Behemoth et le Canada. En 2003, je crois, vous avez fait une tournée du Canada avec Necronomicon.     

C’était fou. 26 concerts.

Et vous avez joué partout, des trous merdiques.

Dans de petits villages, de petites villes. Dans de très petits bars. Je me souviens d’un endroit où nous avons dû fabriquer la scène car il n’y en avait pas. Nous avons utilisé nos roadcases et on sautait de là. Mais tu sais. Si c’est ce que ça prend pour pouvoir se rendre là où nous sommes maintenant, je n’ai aucun regret. C’était le fun. Je ne le referais pas mais… parce que c’est juste fou! 26 spectacles, au Canada? Si je vais sur la rue, en face et que je demande à un Canadien qui passe par hasard s’il connait 26 villes canadiennes, il ne pourrait pas m’en nommer. Peut-être 5 ou 10. D’en faire 26, c’était fou. Comme je le disais auparavant, ceci nous a menés là où nous sommes maintenant. Je me dois de remercier les gens car vous faites partie de ce que nous sommes devenus. Nous avons travaillé fort, vous avez reçu notre message, ce qui fait que vous êtes une part de ce que nous sommes.

Inattendu, c’est le premier mot qui m’est venu en tête lorsque j’ai entendu le nouvel album. Je m’attendais à quelque chose de très violent, dans le style Behemoth mais vous avez décidé de vous rendre dans des sonorités différentes. Je voulais savoir quel était ton état d’esprit lors de l’écriture de l’album car après The Satanist, tu as même dit dans quelques entrevues, que tu en étais peut-être venu à la fin de Behemoth.

J’ai eu une remise en question. Il n’y avait plus de musique en moi. Je veux dire, ce genre de musique. C’est pourquoi j’ai fait mon autre groupe, Me and that Man. Je devais faire quelque chose de totalement différent, je devais retrouver la mélodie. Ainsi, ma passion pour la musique plus heavy s’est ravivée. Lorsque je me suis remis en mode Behemoth, mon approche se voulait différente, j’étais comblé car la dernière chose que je voulais faire était de me répéter. De refaire le même album. Ceci n’a jamais été le cas avec Behemoth. Nous voulions prendre notre temps, prendre de l’inspiration d’un peu partout et réunir le tout. Par la suite, nous pouvions offrir un album qui se voulait différent. Je suis très heureux car nous avons pris quelques risques en étant plus aventureux. Cet album nous a aidés à trouver le son Behemoth et les gens semblent vraiment l’apprécier. Nous jouons 5 chansons de l’album en concert.

Est-ce que vous poussez le tout en jouant Bartzabel?

Bien sûr.

Elle n’est pas facile. C’est l’une de… Tu as besoin de ta tasse de thé!

Oui, j’ai un peu de difficulté. Merci beaucoup.

As-tu attrapé un rhume?

Non, je suis en bonne santé. Ce sont mes cordes vocales. J’ai besoin de liquide chaud. Donc, Bartzabel est la chanson la plus douce que nous n’ayons jamais faite. Mais c’est aussi celle qui nous ouvre de nouvelles portes. À ma grande surprise, tout le monde semble apprécier cette pièce. Même si elle est plus douce, plus relaxante. Ce n’est pas une chanson qui pousse, qui force la chose. Elle possède un beat plus rock, elle est très différente et elle sort du lot. Il y a des groupes qui font des tentatives, des expériences musicales qui se veulent différentes mais qui ne sont pas nécessairement bonnes. Comme Morbid Angel, avec leur avant-dernier disque. C’était très expérimental. Mais est-ce que c’était bon?

Pas certain.

Pas nécessairement, tu sais ce que je veux dire? Nous sommes heureux que nos tentatives et nos expériences soient bien reçues. Il y a des gens qui ne s’y attendaient pas mais en même temps, d’autres disent que c’est exactement ce qu’ils souhaitaient entendre face à une suite de The Satanist. Ne pas produire le même type d’album. The Satanist était comme ceci, il est ce qu’il est. C’est un album très massif. Je n’essaie pas de me battre avec cet album mais allons ailleurs. C’est toujours un risque, mais un risque qui vaut la peine.

Aussi, le nom de l’album I Loved You at Your Darkest. Ce titre était lui aussi, inattendu. Il donne l’impression que c’est le titre d’un album de Nick Cave. Pourquoi ce titre alors?

Car je suis un fan fini de Nick Cave.

Je m’en doutais! (NDLR : Nergal portait, lors de l’entrevue, un t-shirt de Nick Cave and the Bad Seeds)  

Ce que j’aime, c’est de choisir un titre d’album pour un disque qui sera radical, extrême, mais que le titre vienne poser une certaine contradiction face au contenu. Tu te dis : « Vraiment, ce genre de titre? Quel genre de musique on y retrouve?» La première chanson? Oui, la musique est encore heavy. Le titre offre plusieurs couches, il capture beaucoup plus d’éléments savoureux, plus de sens. Pour moi, la signification d’I Loved You at Your Darkest est intimement liée à la chanson Sympathy for the Devil des Rolling Stones. C’est exactement comment je perçois I Loved You at Your Darkest. Et juste le fait que ceci soit supposément une citation de la Bible, une citation de Jésus lui-même, c’est fantastique. J’y suis allé, j’ai volé son œuvre et peu importe qui se cache derrière tout ça, je m’en fiche. C’est la source, je la prends et je lui donne ma propre signification. Et j’espère que je t’ai irrité au plus haut point!

Avant que la caméra ne tourne, nous avons discuté du fait que sur ton compte Instagram, tu es partout. Nous te voyons faire de la boxe, du yoga et plein d’autres trucs. Tu es toujours en train de sourire. Tu démontres l’opposé de ce que nous nous attendons d’un musicien metal. Le fait que tu sembles apprécier la vie autant, est-ce relié au fait que tu as combattu la leucémie?

Ceci a été un point tournant. Mais j’ai toujours été quelqu’un d’optimiste. Je n’étais pas très mature lors de ma trentaine. Je suis encore un idiot, mais un peu plus mature. J’ai 41 ans maintenant, et je me dis : « Combien de temps reste-t-il? » Je ne veux pas passer ce temps sur des regrets, d’avoir de la frustration. Je ne suis pas tout le temps un joyeux luron. J’ai mes moments où je ne suis pas en forme, j’ai mes moments plus sombres. Je peux être irrité et très en colère, et je peux l’exprimer. Si je veux partager ce genre d’énergie avec le monde, la plupart du temps, c’est très positif. Parce que c’est moi. Si je veux le partager, je le fais. J’ai lu un bon livre, j’ai vu un bon groupe, je le partage. Je ne veux pas seulement propager le négativisme en disant : « Je suis dépressif. » J’ai eu mes moments noirs et j’ai souffert de dépression. À deux reprises. Il n’y a pas de haut sans le bas! Peut-être que cette expérience fait ce que je suis devenu aujourd’hui. Je suis un animal plutôt, optimiste.

La bière Behemoth, le café Behemoth, la nourriture pour chien. Des t-shirts et tout le reste.      

Qu’est-ce qui vient après?

Qu’est-ce qui vient après! Mais en même temps, je sens que tu apprécies ce côté businessman de Nergal.

Honnêtement, je suis le pire lorsque vient le temps des mathématiques et le business. Je ne suis pas celui qui négocie. Je suis toujours le bon policier. « Aie, peux-tu me vendre un rein? » Et moi de répondre : « Pas de problème, tu peux le prendre! » Tu vois ce que je veux dire? Dans ce genre de contact, je serais ton meilleur ami. J’ai toujours besoin d’un gérant pour faire ce côté salaud du travail. Ce que j’aime du business, c’est lorsque je peux me demander ce que je peux faire de nouveau, ensuite. Qu’est-ce qui pourrait bien aller avec le groupe, de le rendre cool et qui pourrait activer ma créativité. J’aime ça. Un jour, vous verrez un dildo Nergal, ne soyez pas surpris. Pourquoi pas! Tant et aussi longtemps que j’en retire du plaisir, je le fais. Lorsque tu vois le café Behemoth ou la bière Behemoth, tu peux être certain à 100% que je suis derrière le produit. J’ai trouvé le nom et j’ai suggéré le graphisme. Je participe au processus. Ce n’est pas comme si quelqu’un arrivait avec l’idée suivante : « Hey, faisons un peu d’argent! »  Non. S’il y a de l’argent à faire, tant mieux. Sinon, tant pis. Je ne suis excité que par le processus créatif, le fait de proposer de nouveaux produits. C’est amusant, les gens aiment.

Oui, mais les gens associent souvent le merchandising à KISS. Comme le fait de vendre des cordes pour jouer de l’air guitar.        

Il n’y a rien de mal avec le commerce. Et je vais le dire. Si cette affirmation ruine votre vision du heavy metal, que vous avez 13 ans et vivez avec votre mère… Elle paie pour tout, vous êtes nourris par vos parents. Votre image du heavy metal est celle du socialisme de la musique. Tout devrait être gratuit car nous sommes égaux. Dans ce monde, c’est non. Je suis un adulte. Je dois me nourrir ainsi que mes proches. Je dois travailler fort, comme tous les autres, comme vous le faites. Ceci est mon travail. La seule différence, entre moi et probablement la majorité des gens, c’est que moi j’aime vraiment mon travail. Mon travail est né à la suite de mon amour et ma passion du heavy metal. Cet amour et cette passion, ça ne s’est jamais dilué. C’est encore là. Peu importe ce que je fais, je ne le fais jamais pour l’argent. Je le fais toujours pour le plaisir de le faire. Pour le contenu. Et par la suite, ça devient plus gros. Éventuellement. La plupart du temps, ça se met à vendre, ce qui est bien! Mais si ça ne vend pas, j’aurai toujours le sourire car je suis encore en train de vivre mon rêve. Les gens qui nous suivent et qui travaillent avec nous, ils passent beaucoup de temps en dehors de la maison, loin de leur famille. Ils travaillent d’arrache-pied. Il y a plus que toutes les belles histoires qui font la une des magazines. Vous devez savoir que derrière tout ça, il y a le dévouement, des nuits sans dormir, des aéroports et des conditions merdiques. Ce type de vie est très irrégulier, il faut se battre avec des conditions de santé qui peuvent nous endommager. Nous vieillissons. Il y a beaucoup d’efforts. Ainsi, ceux qui se plaignent pourront comprendre, en se disant : « Ok, ils le méritent alors! » Les guerriers de l’Internet, âgés de 12 ans qui se plaignent que Behemoth vient de lancer un nouveau café, c’est votre problème. C’est un problème qui vous appartient. Vous finirez par grandir et vous pourrez ensuite comprendre. Après votre première journée de travail, vous pourrez vous dire : « Oh merde, Nergal avait raison! » Je n’ai pas de problème avec ça. Moi-même, je suis un grand fan de musique. Je vais aux concerts et j’achète la marchandise offerte par les groupes. Oui, je suis ami avec un bon nombre de groupes et même si je reçois mon billet gratuitement, je vais acheter un t-shirt. Ai-je vraiment besoin de 500 t-shirts de groupes dans ma collection? Non. Mais je continue d’en acheter car c’est l’attitude à avoir. Je donne l’exemple à nos fans. Je le dis : « Je vous en prie, achetez nos albums et nos items de marchandise. » C’est ainsi que le groupe peut continuer d’avancer. En prêchant de la sorte, je prouve que je ne suis pas un hypocrite car la prochaine fois que j’irai voir mon groupe préféré, je vais m’acheter un t-shirt du groupe. En plus de l’album. Je n’ai pratiquement plus de place chez moi, mais je continue de le faire parce que c’est le karma. Je te demande de faire ce que je fais, moi-même.

Ceci est une excellente réponse. En passant, vous étiez l’une des formations qui ouvraient lors de la tournée d’adieu de Slayer, en Amérique. Est-ce que tu crois vraiment que Slayer va tirer sa révérence ainsi et que par la suite, des groupes comme Behemoth, Amon Amarth, Mastodon et Gojira seront les prochains à être les têtes d’affiche de festivals comme Wacken, Graspop ou Heavy Montreal?

C’est une question intéressante. Je suis plutôt modeste pour affirmer que j’aspire à ce prochain échelon qu’est d’être, par exemple, le prochain Slayer car Slayer, c’est Slayer. Comment peut-on les remplacer? Je l’ai déjà dit et je l’affirme à nouveau: comment sera le monde sans Slayer? Et j’ai déjà dit ceci aussi, comment serait le monde sans Trump? Comment serait le monde sans fascisme? Je peux imaginer un monde sans viande, mais sans Slayer? Voyons ce qui va arriver. Peut-être que nous serons surpris. En ce qui me concerne, Slayer est terminé. Le mot a été passé mais, je ne suis pas dans le groupe. On ne sait pas. Ce qui me plait, c’est que nous serons présents sur la portion australienne de leur tournée, ça c’est mon petit privilège. J’ai vraiment hâte. J’aime les gars du groupe, j’aime le groupe et l’héritage qui vient avec. Tu as mentionné des groupes que j’admire beaucoup, Mastodon, Amon Amarth, Gojira et Ghost. Peut-être. Ce sont de bons amis. Des musiciens talentueux. Si Behemoth peut joindre ce club, je ne dirai jamais non, c’est certain. Je suis déjà heureux face à notre position du moment. Nous allons avoir 1500 personnes ce soir. Nous sommes en tête d’affiche. Je chéris ce moment et vous allez voir un Nergal heureux, ce soir sur la scène. S’il y a des choses encore plus grandioses qui nous arrivent, j’en vais en profiter. Certainement. Mais si ceci est le sommet de notre carrière, je pourrai mourir heureux.

Ma dernière question. C’est au sujet du fait que vous étiez sur cette tournée avec Anthrax. Je me demandais si tu avais déjà eu une discussion avec Scott (Ian, guitariste)…

Oui, nous en avons discuté. Mais avant d’en avoir discuté, on m’avait demandé de faire… je crois que c’était pour les Golden Gods ou pour une autre célébration. L’équipe de gérance m’avait demandé de rejoindre Anthrax sur scène, avec tout mon attirail. Le but était de combiner Be All End All avec Conquer All (NDLR : Les deux chansons proposent des similarités) Je voulais le faire mais nous étions en tournée, ailleurs. Nous y avons pensé et nous avons rigolé sur ce sujet. Je me souviens de notre première rencontre, pour cette tournée. J’ai dit : « Tu sais, sur cette portion de tournée, nous ne jouons pas Conquer All. Nous savons que vous allez jouer Be All End All. » Et il m’a dit : « Nous ne la jouons pas non plus! »

[youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=UcNy4me3JbA »]Nous fredonnons la rythmique.[/youtube]

Mais nous la jouons ce soir.

Mais l’entrevue sera diffusée…

Ah oui, donc soit que vous l’aurez vu ou pas du tout! Si vous ne l’avez pas vue, vous avez manqué quelque chose.

J’ai un cadeau pour toi. Ici, au Québec, nous avons la bière Megadeth. Elle est brassée par Unibroue.

C’est donc baptisée? Elle va brûler ma gorge. Désolé Dave (Mustaine) mais je ne crois pas que je vais avaler ça.

Ce n’est pas une bière très forte. Elle est à 4.5% C’est comme la Coors Light.

La nôtre, Wolf Ov Siberia, est à 8% Elle tue cette bière! Je vous le promets. Si vous êtes un type qui aime la bière, notre Wolf Ov Siberia tue cette bière! Sur une note plus sérieuse, je vais en prendre une gorgée, c’est certain. Je vais l’essayer. Merci!

www.behemoth.pl

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photo et Caméra: Mihaela Petrescu