Dossier de Tôle : Les amitiés métalliques, sous le signe de Slayer
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Dossier de Tôle : Les amitiés métalliques, sous le signe de Slayer

La dernière fois où je me suis rendu au chalet de Fred Laforge, il m’a fait remarquer le fait suivant : la majorité des gens qui sont dans notre cercle d’amis sont en relation directe avec notre amour de la musique metal. Nous en avons discuté longuement, en long et en large.

Notre propre relation amicale, entre lui et moi, est intimement liée au fait que nous portions des t-shirts de groupes metal au secondaire et que, de fil en aiguille, nous nous sommes retrouvés à discuter ensemble. 30 ans plus tard, on jase encore metal, majoritairement. Mais nous avons aussi d’autres champs d’intérêts, quoique c’est souvent un retour au metal.

À l’époque, la façon de faire était la suivante: Regard au niveau du t-shirt. Approbation au niveau du regard. Première discussion. Présentation du cercle d’amis, les atomes sont crochus! On discute metal, on parle d’albums et on compare nos collections de disques.

Voilà!

C’est certain qu’à Chicoutimi, les métalleux pleuvaient à l’époque. Surtout dans des quartiers comme St-Paul, la Côte de la Réserve et dans la localité de Laterrière. Il était donc facile de se faire des copains, des amis ou au moins, des connaissances.

Le vendredi, lorsque nous nous retrouvions ensemble dans un party improvisé, il était essentiel d’écouter quelques classiques tout en laissant place à quelques nouveautés achetées par quelqu’un qui arrivait d’un périple à Montréal, quelqu’un qui avait doublé l’album de Xentrix d’un cousin quelconque ou d’un autre qui avait payé la totale pour un import.

Quelques-uns possédaient un talent musical. On apprend qu’un tel joue de la guitare, un autre manipule la basse avec une certaine aisance et un autre possède une batterie. Ne manquait plus qu’un chanteur. Généralement, celui qui avait le plus de charisme se retrouvait avec ce rôle. On devait se fixer des objectifs et bien souvent, Master of Puppets de Metallica était la première chanson à se retrouver… déconstruite… dans un sous-sol quelconque.

Lorsque l’on était capable de monter cette chanson, on tentait toujours de pousser le tout un peu plus loin en essayant une chanson de Megadeth et une de Slayer. Encore une fois, le tout dépendait de la bonne volonté de chacun et surtout, d’être capable de s’entendre sur le matériel musical.

Les liens se tissaient rapidement entre les musiciens. La satisfaction que l’on pouvait retirer face à au fait de réussir à interpréter une chanson d’un groupe que l’on appréciait se voulait monumentale.

Comme de raison, le fait d’aller voir des spectacles en groupe solidifie les amitiés. Étant originaires du Saguenay, nous devions prendre contact avec Pierre Daragon pour pouvoir s’exiler le temps d’un concert de Metallica, de Slayer ou d’Iron Maiden. Dans un autobus avec 47 de tes semblables, cela produit des amitiés qui perdurent, même encore aujourd’hui.

L’exil vers Montréal a aidé un bon nombre de métalloïdes de mon époque de rester à l’affut. Ceux qui sont restés au Royaume et/ou ceux qui y sont retournés après quelques années d’exil continuent de nourrir cette passion métallique, même si la source des concerts se veut plus… éloignée. Par contre, il y a de bonnes alternatives avec les spectacles produits en région ou ceux qui se déroulent à Québec.

Avec les années, ce type d’amitié est demeuré. Oui, nos intérêts face à la vie ont changé mais lorsque venait le temps d’aller voir Metallica au Centre Bell, Kreator aux Club Soda, Suffocation aux Foufs ou Slayer au Metropolis, les décisions se prenaient rapidement.

Le travail et la paternité entrent en jeu mais la passion face au genre métallique semble ne jamais nous quitter. Sans négliger nos devoirs, il est encore possible de pouvoir se réunir pour assister à un concert. Quoique la semaine, ça se veut plus difficile pour plusieurs.

Avec des évènements comme le Heavy Montréal, les occasions de se réunir se veulent plus solides. On peut retrouver cette liberté juvénile, le temps d’une fin de semaine. Les amis du Saguenay te confirment qu’ils y seront, d’autres te demandent si tu as de la place pour coucher tandis que l’on se fixe des rendez-vous pour en prendre « une couple » avant d’entrer sur le sîte, juste en arrière de la station de métro.

On demande comment va le petit dernier ou en quelle année est rendue la plus vieille. On s’informe si un tel a été affecté par les coupures à l’usine car ils en parlaient aux nouvelles, si ça va bien à job ou si un tel autre a fini par vendre sa maison suite à sa séparation. Ensuite, on y va avec nos attentes face à la journée, aux groupes qu’on a envie de voir et on se rappelle que le dernier concert de tel groupe nous avait laissé sur notre faim.

« Personne ne peut affirmer qu’il a été fan de Slayer pendant un seul été! » racontait Rob Zombie. Je ne peux que confirmer cette affirmation qui s’applique bien souvent au metal en général. Même dans la quarantaine, je ne me sens pas dépassé par le mouvement et, à moins que je ne me trompe, je ne crois pas que nous ayons l’air à des anachronismes, des déchus ou des déchets désuets lors des concerts. Malgré nos bedaines de bière, la calvitie, les poils blancs dans la barbe et le manque de souffle lors d’une tentative ratée de s’insérer dans le mosh pit, la passion est encore présente. Surtout lorsque Slayer nous enligne Angel of Death en guise de conclusion.

Cette passion face à Slayer se poursuit même encore de nos jours. Slayer est encore tellement présent dans ma vie quotidienne. Avec l’âge, j’ai dû changer certains éléments de mon mode de vie. Comme bien des Québécois, je me suis mis à la course, question de me garder la patate bien performante. D’aller courir en écoutant une liste de chansons de Slayer demeure une excellente source de motivation.

Les souvenirs reliés à Slayer me ramènent, justement, à mon enfance, à mon adolescence et à ma vie adulte. Cette déception face au retrait de Slayer, est-elle liée avec le fait que le groupe ne sortira plus d’albums? J’en doute car leurs dernières productions ne sont pas celles qui m’offrent la plus grande satisfaction.

Sans être nostalgique, je sens que le départ de Slayer va créer, justement, un certain vide car par la suite, il faut se demander qui sera le prochain à tirer sa révérence…

Non, j’ai fini par comprendre la raison qui fait que la retraite prématurée de Slayer nous affecte, un peu tous, sans vraiment le savoir. Nous sentons tous que c’est une partie de nous-même qui nous quitte. Une portion de notre adolescence, un pont que l’on a utilisé avec certaines personnes pour mieux les connaitre et ainsi, pouvoir se greffer à un groupe de semblables.

Slayer a offert une dose de réconfort à plusieurs métalleux, offert un exutoire à d’autres ou un catalyseur face à des pensées négatives. Ce groupe a pu unifier des gens, solidifier des amitiés et avec le temps, entretenu ce bel esprit de camaraderie.

De savoir que le groupe en sera à son dernier concert au Québec nous chagrine car ce sera une occasion de moins, en ce qui concerne des réunions entre amis. Une perte face à une opportunité de se rencontrer.

En ayant un point en commun, face à la musique metal, le tout aide grandement. C’est pourquoi le metal est encore perçu comme une grande famille car les amitiés qui en découlent sont pratiquement… éternelles!

En sortant du métro, lors du 28 juillet, il est certain que de nombreuses personnes hurleront des « SLAYER! » bien sentis et parfois même, gutturaux. Les petites familles qui se dirigeront vers La Ronde auront probablement une légère frousse, face à ce phénomène plutôt régulier pour l’amateur de Slayer!