Satellite 418

La fois où Karim Ouellet s’est fait voler à l’ADISQ

Quand j’étais recherchiste à TVA, j’ai dû me battre bec et ongles pour inviter Louis-Jean Cormier. On me disait que c’était un nobody. L’animatrice l’avait présenté comme Jean-Louis Karkwa. Live-to-tape. Diffusé tel quel. Ça m’avait fait tiquer en s’il-vous-plait.

Le voir gagner trois prix au Gala de l’ADISQ d’hier soir, ça m’a fait du bien. L’effet d’une revanche. J’ai envie de croire que les temps changent dans l’industrie de la musique au Québec. Que son triomphe soit symptomatique d’une plus grande ouverture chez les médias grand public. À TVA, oui, mais aussi chez les radios commerciales qui ne jouent pas Peter Peter sous prétexte que c’est « trop sombre ». Oui, on me l’a déjà servie celle-là.Et, d’ailleurs, il était où lui au vrai  gros Gala de l’ADISQ? Il a écrit, composé le plus réjouissant album depuis des lustres au Québec. Un album en phase avec son époque. Une version améliorée de la tristesse, c’était assez neuf pour être classifié Best new music sur Pitchfork. Assez neuf pour percer par-delà la barrière linguistique. Et il me semble qu’on aurait pu le célébrer comme il se doit chez lui. À la hauteur de sa plume poétique si singulière et ses arrangements néo new wave qui auraient de quoi faire pâlir bien des émules de M83.

Quoi qu’il en soit.

Au gala d’hier, Les Soeurs Boulay ont gagné le prix Révélation de l’année. Une victoire prévisible mais non moins méritée. Reste plus qu’à espérer qu’elles ne soient pas des étoiles filantes comme j’ai l’impression (à regret) que Lisa Leblanc s’avère à être.

Mais en montant sur scène – et en plus de brailler – Mélanie Boulay a fait tout un statement. Grosso modo, elle a demandé aux radios commerciales de faire confiance à leurs auditeurs. De leur laisser, à elles et leurs pairs de la scène indie, la chance de jouer sur leurs ondes. Elle l’a fait avec élégance, entre deux larmes de joie qui coulaient (surement) sur sa belle robe Ève Gravel. Une déclaration importante. Une prise de parole qui devait se faire depuis trop longtemps.

Faire confiance aux auditeurs? Oui mais c’est eux qui élisent Marc Dupré interprète de l’année et qui sacrent sa chanson Nous sommes les mêmes comme la meilleure de l’année. De quoi comprendre les si frileux directeurs musicaux qui ne se risquent pas à jouer Peter, les p’tites Boulay ou Keith Kouna. C’est dur de changer les habitudes alimentaires de quelqu’un qui a toujours manger du junk food.

D’un sens, ceci dit, je me sens mal de condamner les calories vides, le manque de substance et le côté gnangnan ultra convenu des compositions de Marc Dupré. Genre de Julio Iglesias de la radio québécoise. Le gars est sincère, il met ses tripes sur la table avec ses textes même si au final ça donne le même effet en bouche qu’une gomme balloune Bubble Tape mâchouillée trop longtemps. Reste que Karim Ouellet méritait de gagner pour L’amour. C’était écrit dans le ciel et le renard est reparti les mains vides. Déception sincère. Et oui, c’est un peu par chauvinisme. Mais surtout parce qu’il est le seul – avec Amylie et Les filles – qui a su transcender les créneaux médiatiques. Plaire à l’underground comme au mainstream.

//

Mention spéciale au duo Boogat et Marie Mai à mi-parcours, toujours au Gala de l’ADISQ d’hier soir. C’était déconstruit, avant-gardiste, étonnant. J’ai eu l’impression d’écouter une compil’ de Kitsuné. Marie Mai a pris une sacrée grosse dose de street cred à mes yeux, et moi, je veux ça sur mp3 pour l’écouter chez nous. Pour vrai.