Satellite 418

Pornographie et autres délinquances involontaires

Je ne connais rien à la pornographie. Je ne savais même pas qui était Linda Lovelace avant de visionner son biopic avec Amanda Seyfried, film trouvé par hasard un soir de solitude via le canal 900 de mon terminal Illico. La seule autre porn star que je connais, c’est Samantha Ardente. Parce qu’elle a fait la une du Journal de Québec un moment donné, mais aussi parce que cette secrétaire de l’école secondaire les Etchemins (L’ESLE, yo) travaillait à la même commission scolaire que mes parents avant de devenir l’invitée rêvée sur un show comme celui de Denis Lévesque.

Malgré ma méconnaissance de la culture porn, vendredi soir Facebook a bloqué mon compte. 24 heures de mutisme obligatoire au cours desquelles je n’ai pu poster aucun statut, ni même liker un commentaire. J’ai aussi été menacée d’une fermeture éventuelle de mon compte en cas de récidive. J’avais au préalable enfreint les règles de bienséance (officiellement: les standards de la communauté) de la puritaine société fondée par l’Américain Mark Zuckerberg. Le même qu’on voit, personnifié par l’acteur Jesse Eisenberg, en train de recevoir une fellation dans les toilettes d’un bar dans le film The Social Network. Le gars a une vie sexuelle heureuse. Ça n’avait rien d’élégant, mais compte tenu des récents événements dans ma vie virtuelle, cette scène a quelque chose de réjouissant et de paradoxal à la fois.

A-t-il les mœurs aussi légères que dans ce film qu’il a lui-même critiqué? Impossible de le savoir. Mais chose certaine: il régit son site avec autant d’ouverture qu’en aurait eu Maurice Duplessis. Raison de la bande de tape virtuellement collée sur ma bouche? Un partage de mon prépapier portant sur le spectacle intitulé Foutrement de la chorégraphe montréalaise Virginie Brunelle. Contenu pornographique, a-t-on pris le temps de me préciser dans la langue de Shakespeare. Ça, mes chers amis, c’est de la censure. Couvrez-moi ce sein que je ne saurais voir.

Parce que oui, la photo illustrant l’article montrait une femme à poitrine découverte se faisant donner un coup de pied (orchestré) au niveau du pubis. Une image-choc comme seule Brunelle sait les bricoler. Un cliché de Tobie Marier Robitaille présentant deux interprètes athlétiques et d’une grande sensibilité, Simon-Xavier Lefebvre et Isabelle Arcand. Une photo bouleversante comme ce spectacle articulé autour d’un triangle amoureux. Et l’article – bêtement partagé sur ma page Facebook pour inciter mes amis et abonnés à aller voir cette superbe pièce – était d’ailleurs titré Parental Advisory. Le comble du prémonitoire.

Mark, dis-moi: est-ce que mon amour de l’art et ma présence sur Facebook sont irréconciliables? Tu sais, moi, je suis d’abord et avant tout journaliste danse pour mettre du beurre sur mes toasts. C’est pour ça, au début, que j’ai été repêchée par Voir. La passion est vive, j’adore la danse. Virginie Brunelle est l’un de mes chouchous et c’est en grande partie à cause de son imagerie crue. Pourras-tu, s’il te plaît, me permettre de partager vidéos, prépapiers de mon cru et photos à l’avenir? Pourtant, il ne s’agit pas là d’obscénités, mais bien d’art. De pureté, de beauté. Peux-tu essayer de le comprendre? Le nu en peinture, notamment, existe depuis des millénaires. Il y a longtemps que le Vatican a arrêté de couvrir les sexes en marbre de feuilles d’arbre.

À l’écriture de ces quelques lignes, je me sens comme une hors-la-loi. Parce que je ne peux répondre aux doux messages publics de mes amis qui me souhaitent bonne fête. Parce que je suis punie.

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MAUVES — Je suis tombée amoureuse d’un lot de quatre gars. C’était en mai 2011, ou quelque chose comme ça. Je venais d’arriver à Québec après des études au Saguenay, l’aimant montréalais exerçait son pouvoir d’attraction sur moi. Tous mes amis de Jonquière étaient partis pour la métropole comme on s’ouvre au grand monde après l’exil. Je me cherchais une mission à Québec, lieu de ma naissance, comme d’autres justifient leur présence à Iqaluit. J’étais seule, je me concentrais sur mon travail, sur le simple geste de percer l’industrie médiatique de surcroît, question de faire mes dents avant d’avoir un job dans le 514.

Il y a eu Samuel Matteau et sa Cité, puis Alexandre, Cédric, Jean-Christophe et surtout Julien. Des gars de Limoilou. J’ignore comment, mais leur clip pour la pièce Annie Hall est venu à mes yeux via Facebook (justement) un jour de boulot, seule dans mon bureau de TVA, rue Myrand, Sainte-Foy. Le déclic, le coup de cœur en fait, a été immédiat. Coup de foudre de groupe. Je devais les connaître. Quelques semaines plus tard, j’allais souper aux sandswichs avec eux dans le cimetière St-Matthew,avec une entrevue pour prétexte et avant leur gig au Parvis de l’église Saint-Jean-Baptiste dans le cadre du Festival OFF. Blind date pas trop gênante, ç’a cliqué tout de suite. Quatre, cinq ou peut-être même six papiers en sont suivis, sans compter les entrevues pour la radio. Puis, la chronique que les gars ont eue à mon émission à CHYZ pendant plusieurs mois pour parler de leur deuxième complet. Celui qui est sorti mardi dernier. Un album fort, des chansons en français, des sonorités prog et des textes poétiques bien ramassés. Je suis fière de ceux qui, au fil des entrevues pour la presse, sont en fait devenus plus que des crush ou de simples invités. Alex, Cédric, J-C et Julien, ce sont aujourd’hui mes amis.