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Le meilleur vendeur de disques au Québec: une étude sociologique à cinq cennes

Je reçois facilement 100 communiqués de presse par jour. Il y a ceux qui annoncent une nouvelle gamme de liquide à vaisselle, d’autres qui m’informent du bal de finissants des filles de Jésus-Marie ou ceux qui m’invitent à des visionnements de presse au Cinéplex Odéon de Beauport, là où tout déplacement en bus constitue un projet à moyen terme. Mais il y a aussi les communiqués de presse voués à l’étalage d’exploits. Ce sont mes préférés. La semaine passée, j’en ai reçu un des disques Tandem qui abritent sous leur étiquette le plus grand vendeur de disques, en ce moment, au Québec.

J’ai fait le test avec mon copain, fin connaisseur de la chose musicale qui classifie ses vinyles en ordre alphabétique, puis d’ancienneté et qui les range avec autant de soin qu’un philatéliste. C’est qui, le meilleur vendeur de disques au Québec selon toi? «Louis-Jean Cormier? La Voix? Alexandre Désilets?» Non mon chéri, c’est Georges Hamel.

«L’auteur-compositeur Georges Hamel qui lançait Une fleur pour vous la semaine dernière fait actuellement excellente figure dans le palmarès des ventes. En effet, quelques jours après sa sortie, le 44e album en carrière de l’artiste est actuellement numéro des ventes au Québec.»

Combien de chanteurs québécois peuvent se vanter d’avoir mis à terme autant de disques de compositions originales, à part peut-être Normand L’Amour? Ils se comptent sur les doigts d’une main: Renée Martel, Patrick Norman (prix RIDEAU hommage 2014), Michel Louvain et Paul Daraîche. J’en oublie peut-être.

C’est justement en se basant sur la mise en marché du plus récent Daraîche que Tandem «score» un abat. Le concept de duos, ça vend. Le country aussi, en ti-pêché à part ça et même si les journalistes champ gauche (ou tout court) ne vous en parlent pratiquement jamais. À part peut-être quand Radio-Canada, V ou ARTV donnent du temps d’antenne à MC Gilles, lui qui s’autoproclame désormais le spécialiste de la musique du terroir. Ou de sous-sol, quand il ne se sent pas politically correct.

«C’est simple. C’est pas pour rien que les Mario Pelchat et Andrée Watters de ce monde se sont mis au country. C’est ce monde-là qui achète des disques. Ces gens-là encouragent leurs artistes qui dénoncent depuis longtemps le piratage comme avec la chanson Les copieurs de cassettes parue sur le disque Récession de O’Neil Devost. »

Et MC Gilles tient absolument à le souligner: c’est surtout le bel âge qui est sensible à l’opération de charme des cow-boys musiciens. «On va se le dire: y’a pas grand monde en bas de 50 ans qui achète des disques country. Ce public-là n’est pas présent dans les médias traditionnels ou sociaux mais ils sont nombreux et parlent avec leur portefeuille.»

Il ne faut d’ailleurs jamais se fier à Twitter, vous dira aussi Dave-Éric Ouellet (c’est son vrai nom), sinon Option nationale serait rentré haut la main aux dernières élections. Idem pour Série noire, qui serait l’émission la plus regardée au Québec. La jeune jeunesse parle fort, mais faut admettre qu’on est pas mal minoritaire démographiquement parlant au Québec.

La majorité silencieuse de m’sieur Charest, on l’a peut-être trouvée. Elle tripe sur Georges Hamel, sur Irvin Blais. Elle fait la tournée des festivals country/western l’été dans son Winnebago.

Et j’ai fait mes recherches: il y a eu au moins 23 festivals western ou country sur le territoire québécois en 2013. St-Tite, Plessisville, Matane, Notre-Dame-du-Nord, Dolbeau-Mistassini. En région, on ne se fait pas prier pour sortir bottes et chapeau de cow-boy.  Mais est-ce qu’il a des gens qui achètent les disques de Georges Hamel en milieu urbain? J’ai posé la question à un disquaire de Québec, Symon Marcoux, qui travaille au HMV de Place Laurier à Ste-Foy pour mettre du beurre sur ses toasts quand il ne joue pas au sein de la formation électro jazz X-Ray Zebras.

«Le phénomène échappe aux grandes villes. Des disques de Georges Hamel, on n’en vend pas du tout. Les quelques disques country qu’on vend sont ceux qui nous arrivent directement des États-Unis. Ce n’est clairement pas une culture développée ici. En tout cas, pas à Québec.»

Mais attention, il existe plusieurs types de country. Américain, western, bluegrass ou… contemporain! Il ne faudrait jamais perdre ça de vue: les chansons de Canailles, Lisa LeBlanc,  Les Hay Babies, Les sœurs Boulay et même de Kandle trempent dans la culture country.

«J’pas un cow-boy mais j’aime ça prétendre que je l’suis.»

Québec (et Nouveau-Brunswick) nation country? Peut-être que oui, finalement. Et pour les mélomanes de tous les âges.

 

Mise à jour, 27 février 2014 à midi

Je viens tout juste d’apprendre le décès de Georges Hamel, quelques heures à peine après la parution de cette chronique. Je souhaite offrir mes plus sincères condoléances à la famille mais aussi aux artistes de l’étiquette de disque de Georges Hamel.