Cette semaine, je pique le titre de cette regrettée émission radio-canadienne pour ma chronique. Ce sera assurément bon pour les stats. Ou pas. L’important, c’était d’attirer votre attention.
Qu’importe. Cette semaine, je vous parle des artistes québécois qui cartonnent en France. Comment est-ce que ça se passe réellement pour eux là-bas? À défaut de pouvoir m’y rendre et d’agir à titre de correspondante, j’ai pris le téléphone.
Première étape: j’ai lâché un coup de fil à Karim Ouellet qui, malgré les allers-retours en France, garde un numéro dans le 418. «Allô Karim, c’est Catherine Genest. Comment tu vas?» Puis je lui explique brièvement l’idée de base de ma chronique de cette semaine. «Oui, mais il faut que je te le dise tout de suite: moi, je ne cartonne pas. Ils se passent de belles choses, j’ai de l’exposure mais je ne vends pas 100 000 albums non plus. […] Ma musique n’est pas assez pop et je n’arrive pas là avec des photos de presse sexy.»
Attends, es-tu en train de me dire que les maudits journalistes comme moi en beurrent épais quand vient le temps de parler des artistes québécois qui vont tenter leur chance en France? «Oh oui, ça c’est sûr. […] C’est seulement arrivé une fois qu’on me reconnaisse dans la rue à Paris et c’était parce que j’avais fait l’objet d’un reportage sur une grosse chaîne la veille.»
Trop terre à terre, notre Karim? Comme je le sais excessivement humble de nature, je pose la question à Peter Peter. Un gars de Québec qui a déménagé à Montréal, puis à Paris. «Je ne peux pas te répondre pour Karim, mais je peux te dire que le marché est vraiment gros ici. Il faut travailler plus longtemps.» Autrement dit, le conte de fée de Cœur de Pirate fait vraiment office d’exception. «Je suis bien humble là-dedans. Personne ne me reconnait dans la rue.»
Tiens, lui aussi. Quel attaché de presse oserait avouer ça?
Reste que c’est pas mal difficile de demander aux artistes solo de se vanter de leurs réalisations. Disons que Peter, comme Karim, garde une certaine pudeur… sauf lorsque vient le temps d’admettre que certains médias français lui ont collé l’étiquette de sex symbol!
«Je suis mal à l’aise avec ce genre de commentaire-là. On dirait qu’ils [les rédacteurs de magazines d’intérêts féminins] se sont donné le mot pour me sublimer. Mais je suis pas un fucking mannequin! Je n’ai jamais joué cette carte-là. Je me suis même laissé pousser les cheveux pour casser ça», m’avoue candidement le chanteur attablé à une terrasse en plein Paris et rejoint via une carte d’appel prépayée. Et si les Français mettaient autant de pression aux hommes qu’aux femmes en matière d’image? À force de parler avec Peter et Karim, on comprend que oui et que c’est nouveau pour eux aussi.
Autre pays, autre climat, autres mœurs. Les goûts en matière de musique et les perceptions médiatiques diffèrent aussi. «Au Québec, ce que je fais est perçu comme pointu et plus edgy. En France, je suis comme inclassable. J’entre dans la variété mais Les Inrocks m’aiment aussi. […] J’ai tellement donné de coups d’épée dans l’eau au Québec mais ici, les radios commerciales embarquent. J’ai le vent dans le dos et ça fait tellement de bien.»
Conclusion: l’avenir s’annonce lumineux pour nos deux chanteurs pop à condition qu’ils continuent de bûcher et de savoir mettre leur joli minois en marché. Mais qu’en est-il pour les genres musicaux qui ont moins de place à la radio et dans les galas télévisés? Comme le trad, par exemple…
Dans ce rayon, c’est Les chercheurs d’or qui se font les meilleurs ambassadeurs de la ville de Québec dans les vieux pays. Pas glamour pour deux cennes et loin des paillettes, la formation folk-chanson-americana connaît pourtant un succès archi-enviable pour n’importe quelle popstar. En tout, le percussionniste Simon Pelletier-Gilbert estime qu’ils font une quarantaine de shows par année et que 250 à 350 personnes s’y déplacent chaque fois lorsque ce n’est pas sold out.
On ne se le cachera pas: il y a des artistes québécois qui se « bookent » une date à Paris et, même si les salles s’avèrent à moitié vide, on reçoit des communiqués de presse vantant leur succès en France. «Il y a tellement de surestimation médiatique», m’avouera discrètement Simon.
Reste qu’une seule et même observation revient en parlant aux trois garçons: la France a soif de découverte en provenance du Québec. L’exotisme charme et fait vendre.
Un conseil, donc? Gardez-vos accents et soyez-en fiers, n’en déplaise à Thierry Ardisson.