Une nuit chez les soeurs
Visite libre

Une nuit chez les soeurs

La fois où je suis entrée au couvent.

« J’me marie, j’me marie pas, j’fais une soeur. » Toutes les petites filles ont épluché les pétales, joué au jeu de la marguerite. Samedi dernier, pour moi, c’était la troisième option. Je suis débarquée au Monastère des Augustines avec ma petite valise comme tant d’autres filles célibataires l’ont fait avant moi.

Nul besoin de faire voeu de chasteté et de pauvreté pour avoir accès à pareil expérience. Depuis août 2015, les Augustines ouvrent les portes de leur bâtiment fraîchement rénové aux touristes et aux locaux en quête d’une « staycation » (le mot en français n’existe pas encore) ressourçante. Un précédent dans l’histoire religieuse québécoise, une solution avant-gardiste pour cette petite communauté de dix âmes qui souhaite partager son héritage et, par le fait même, éviter que leur vaste édifice ne soit transformé en condos.

C'est la firme ABCP Architecture, la même que le Centre Vidéotron, qui a été mandatée pour les travaux de réfection. (Crédit: Catherine Genest)
C’est la firme ABCP Architecture, la même que le Centre Vidéotron, qui a été mandatée pour les travaux de réfection. (Crédit: Catherine Genest)

D’ailleurs, les religieuses habitent encore le lieu qu’elles partagent sans pincement au coeur avec les visiteurs laïques. Souriantes, visiblement comblées par leur nouvelle vie, elles nous saluent au détour des couloirs, discrètes comme des petites souris, mais attentives à ce qui se passe entre leurs murs. Une présence qui confère à cet hôtel (très) particulier une ambiance calmante.

La valeur patrimoniale du Monastère des Augustines dépasse l’entendement. Au 5e étage, secteur inaccessible au public, une réserve muséale regroupe pas moins de 40 000 artéfacts, dont des lettres signées des mains de Louis XIV et de Samuel de Champlain. Certains objets ont été rapatriés depuis leurs couvents de Chicoutimi, Baie-Comeau, Gaspé et ailleurs au Québec. Tout a été centralisé.

Peu de gens le savent, mais les Augustines ont aussi caché les trésors nationaux de la Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale… Une saga « digne d’un roman d’espionnage » racontée  par l’excellente revue Cap-au-Diamants en 2001. (C’est fascinant.)

Jeu des vertus, 20e siècle (Crédit: Catherine Genest)
Jeu des vertus, 20e siècle (Crédit: Catherine Genest)

Arrivées en Nouvelle-France au cours de l’été 1639, les Augustines avaient été envoyées en Amérique pour convertir les Autochtones. Une mission qui changera rapidement, vu les besoins médicaux urgents, constamment grandissants des colons. C’est, par ailleurs, ces femmes-là qui ont fondé le premier hôpital de Québec: l’Hôtel-Dieu, bâtiment voisin où les plus énergiques du groupe continuent de prendre soin des malades.

Cloîtrées jusqu’à la réforme Vatican II, dans les années 1960, les soeurs ont longtemps vécu en retrait du monde et même si elles recevaient les journaux quotidiennement. Pour éviter d’être en contact avec l’extérieur, elles avaient recours « au tour », une porte abritant un baril rotatif partiellement entaillé dans lequel était déposé les vivres, le strict minimum, et, parfois, des petits bébés. On raconte que 1375 poupons y auraient été cachés entre 1801 et 1845 par des filles-mères, pour reprendre l’expression de l’époque, et des femmes trop pauvres pour subvenir aux besoins de leurs enfants.

Le tour du Monastère des Augustines (Crédit: Catherine Genest)
Le tour du Monastère des Augustines (Crédit: Catherine Genest)

Les voûtes, érigées entre 1695 et 1698, constituent la plus vieille partie du Monastère des Augustines. Une section qui servait autrefois de garde-manger et qui accueille aujourd’hui des concerts de harpes, de bol tibétain, de même que des projections de films. Le bâtiment en tant que tel, la façade visible de l’extérieur, date de 1757.

Vous voulez y aller? Le Monastère des Augustines est situé au 32 rue Charlevoix dans le Vieux-Québec. Infos et réservations via monastere.ca

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