Angle mort

L’agriculture qui tue

J'ai du mal avec l'expression "agriculture conventionnelle". On s'en sert pour parler de l'agriculture industrialisée, enrichie aux OGM, aux pesticides chimiques, aux hormones de croissance. L'agriculture qui carbure à la spéculation sur les quotas, aux politiques productivistes, à la concurrence sur les marchés mondiaux. Une agriculture qui n'a rien à voir avec l'agriculture finalement.

Le problème, c'est qu'en lui apposant l'étiquette "conventionnelle", on donne à cette forme d'agriculture des allures de normalité. Conventionnel, cela signifie "conforme à la morale sociale". En deux mots, c'est gentil d'être conventionnel.

Appelons un chat un chat. Plutôt qu'agriculture conventionnelle, je propose une appellation, à mon sens, plus fidèle à la réalité: agriculture qui tue.

C'est moins jovial, j'en conviens. Mais c'est tout de même ce qu'elle fait. La méga-agriculture industrialo-intégrée tue l'équilibre des écosystèmes, tue la fertilité des terres agricoles. Elle tue parfois même des gens (souvenons-nous de Walkerton et de la vache folle).

Cette agriculture tue aussi les paysans. Ces rustiques hurluberlus qui, pendant des millénaires, ont compris qu'on n'exploite pas la terre, mais qu'on s'en fait une alliée. Ces pittoresques campagnards qui ont pigé il y a belle lurette que cette terre avait ses limites, ses susceptibilités.

Dans son documentaire Pas de pays sans paysans, la réalisatrice Ève Lamont est allée à la rencontre de ces trop rares paysans qui refusent l'agriculture qui tue. Ils ont contourné les règles établies. Et malgré les difficultés du système en place, malgré ces multinationales qui leur mettent sans cesse des bâtons dans les roues, ils se sont mis au bio. Par principe, mais aussi par simple logique.

Les témoignages de ces paysans du Québec, de la France, du Vermont et de l'Ouest canadien nous réconcilient avec le concept même de l'agriculture: une précieuse collaboration entre l'homme et la nature.

Grâce aux combats que mènent actuellement ces cultivateurs, on cessera peut-être de considérer l'agriculture biologique comme une bibitte en marge de l'autre agriculture. Celle qui tue.

Un jour, peut-être même donnera-t-on à l'agriculture biologique le titre qui lui revient vraiment: agriculture conventionnelle.

Pas de pays sans paysans, à Télé-Québec, le jeudi 13 avril, 21 h

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TÉLÉ

Dans la même veine que l'agriculture qui tue, un documentaire – pas très bien réalisé, mais néanmoins instructif – portant sur les poulaillers du monde, nids de la fameuse grippe aviaire. Les scènes tournées à l'intérieur des usines monstres où sont engraissés, abattus et dépecés des millions de poulets donnent la chair de vous-savez-quoi. Sauve qui peut… les poulets, à TV5, le mercredi 19 avril, 20 h 30

WWW

Il y a deux ans, une petite animation en ligne, The Meatrix, s'inspirait de la trame du film La Matrice pour exposer la "réalité" que camoufle l'industrie de la viande. Des millions d'internautes ont vu le clip mettant en vedette le boeuf Moopheus et le porc élu, Leo. Ceux-ci sont de retour dans The Meatrix II: Revolting. Cette fois, c'est de l'envers des produits laitiers qu'il s'agit. www.meatrix2.com

RADIO

Ce qu'il fait bon se balader en t-shirt et faire de la motoneige sur l'eau sous le soleil de l'Arctique! Ce coin nordique qui se réchauffe à une vitesse folle est le "canari de la planète". On s'en sert pour mesurer les conséquences des changements climatiques. Il y a quelque temps, la journaliste Chantal Lavigne s'est rendue au Nunavik pour constater l'ampleur des dégâts. Le reportage radio qu'elle en a fait pour la Première chaîne – diffusé l'automne dernier – vient de gagner un prestigieux Peabody Award, le plus ancien prix médias d'Amérique du Nord. La radio de Radio-Canada rediffuse donc cet excellent reportage à Dimanche magazine, le dimanche 16 avril, entre 10 h et midi. On peut aussi l'écouter sur le Web. www.radio-canada.ca/dimanchemag

MAGAZINE

La Nouvelle Revue d'Histoire (mars-avril 2006) propose un dossier fouillé sur le cinéma et l'histoire. Comment le 7e art s'est-il approprié l'histoire? Jusqu'où les cinéastes peuvent-ils faire entorse aux faits réels pour les besoins de la dramatisation? Aussi, 70 films historiques incontournables, parmi lesquels on n'a pas cru bon inclure Gandhi ou Schindler's List. Deux films qui m'apparaissent tout de même plus incontournables que Gladiator ou Excalibur. Enfin…