Angle mort

Taper sur le système

Naïvement, j'ai toujours cru que l'économie devait être au service de l'homme. C'est une invention humaine, après tout. Comme la brosse à dents, qui n'a toujours rendu que de loyaux services.

Or, il me semble que l'économie actuelle, de confession néolibérale, est "antihumaine" à plusieurs égards.

Je ne suis pas un expert, mais j'ai tout de même du mal à m'émouvoir devant une "science" qui maintient une partie du monde dans le Moyen-Âge, alors qu'une autre partie consomme au point de s'autodétruire.

J'ai aussi de la difficulté à concevoir qu'un bougre qui se fait exploser à Bagdad peut influer sur le cours du pétrole, ce qui a pour conséquence d'augmenter le prix de mes kiwis.

Et je m'interroge sur la pertinence de la théorie économique de la productivité. Celle-ci veut que la production soit liée à la quantité de travail, aux investissements et aux ressources naturelles. Ainsi, cette théorie admet qu'il est possible d'augmenter indéfiniment la productivité, et ce, en réduisant tout aussi indéfiniment les ressources naturelles. Il y a certainement des subtilités qui m'échappent dans cette équation. Car le gros bon sens m'a toujours fait croire que les ressources naturelles n'étaient pas infinies. Enfin, j'ai probablement tort.

Le philosophe Francis Fukuyama affirmait sans rire que la chute du mur de Berlin signifiait la "fin de l'Histoire". Tout simplement parce que le système économique et politique néolibéral venait de perdre son plus sérieux rival (le socialisme). Or, le système capitaliste est si bien rodé qu'aucun autre ne pourra jamais le remplacer. Vraiment?

Suis-je le seul à croire que cette créature économique néolibérale est en train de se retourner contre son créateur, l'homme?

Prenez l'Argentine. Le gouvernement de Carlos Menem, en se pliant aux règles du Fonds monétaire international, a fait sombrer ce pays riche d'Amérique du Sud dans une crise économique sans précédent. En 2001, le patelin de Mafalda déclarait faillite.

En une nuit, 40 milliards $ US ont quitté l'Argentine par camion. Dans un bruyant concert de casseroles, des milliers de manifestants ont investi les rues pour dénoncer la corruption des élus et le blocage de leurs économies. Des centaines d'entreprises ont fermé leurs portes, mettant des marées de travailleurs en chômage.

En 2001, le système économique argentin s'est retourné contre les Argentins. Et après?

Dans le documentaire La Prise, l'auteure de No Logo, Naomi Klein, et le réalisateur Avi Lewis racontent comment des chômeurs ont fait naître un nouveau modèle, le coopératisme, sur les cendres de leur vieux système économique.

Car plutôt que de se croiser les bras, ces travailleurs ont pris possession des usines abandonnées. Ils ont fait fonctionner les machines, ont remis la production en marche et ont organisé des entreprises plus démocratiques. Leur slogan: "occuper, résister, produire".

Ce faisant, ils ont jeté les bases d'une nouvelle structure économique basée sur le système coopératif. Cette structure, croient-ils, répond mieux aux besoins de la majorité.

Sauf qu'un nouveau modèle ne se bâtit pas en un après-midi. C'est long, c'est dur et c'est parfois décourageant. À la fin du film, les patrons reviennent prendre possession de leurs usines. Il y aura toujours des résistances. Mais à force de taper sur le système, on finira bien par lui donner une forme plus humaine.

La Prise, à Canal D, le dimanche 30 avril, 19h.

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WWW

Sur le site PixelPress.org, un photoreportage pour souligner le 20e anniversaire de Tchernobyl. Depuis 1999, le photographe Robert Knoth et la journaliste Antoinette de Jong documentent les impacts de la catastrophe nucléaire sur les habitants de quatre régions touchées. Les photographies de gens déformés sont percutantes. Le pire, c'est que ces populations auront à voisiner la radioactivité pour des millénaires encore. www.pixelpress.org

TÉLÉ

Le réalisateur d'À hauteur d'homme, Jean-Claude Labrecque, présente ce documentaire portant sur l'isolement de certaines communautés de la Basse-Côte-Nord. Trois cultures (amérindienne, anglophone et francophone) dont le destin dépend du bateau ravitailleur Nordik Express. Touchant. Le Chemin d'eau de la Basse-Côte-Nord, à Télé-Québec, le jeudi 27 avril, 21h.

RADIO

Espace Musique nous offre une grande soirée blues, le vendredi 28 avril, à 20h. Animé par Dan Behrman et enregistré au Spectrum de Montréal en mars dernier, ce concert présentera des prestations de quatre artistes canadiens qui incarnent quatre visages du blues.