Ici la plaie
Angle mort

Ici la plaie

Albert Londres, illustre journaliste français du début du siècle dernier, a laissé à la profession une maxime que l’on enseigne toujours aux futurs chiens de garde de la démocratie: "Le rôle du journaliste est de porter la plume dans la plaie."

Londres a été correspondant de guerre en Grèce, en Serbie et ailleurs. Il a décrit les balbutiements du bolchevisme en URSS, est allé voir Gandhi en Inde. Mais son fait d’armes le plus notable est d’avoir décrit l’horreur du bagne de Guyane, ces prisons morbides où pourrissaient autrefois les criminels français. Oui, Albert Londres a porté plus souvent qu’à son tour "la plume dans la plaie".

Et il a fait des petits. Aujourd’hui, combien de correspondants à l’étranger suivent les traces d’Albert Londres? Chaque jour, ils portent leur plume, leur micro ou l’oeil de leur caméra dans les plaies béantes qui meurtrissent notre planète, dont la peau se cicatrise bien mal.

S’il y a une belle chose que l’on puisse dire à propos de Radio-Canada, c’est que notre réseau public compte plus de correspondants à l’étranger que n’importe quel autre réseau de la province. Ils sont déployés à Washington, à Paris, à Pékin, à Londres, à Moscou, à Jérusalem. Ce n’est pas le Pérou (il n’y a qu’un seul journaliste pour couvrir tout le continent africain et deux seulement en Amérique latine), mais quand même.

Dimanche, Radio-Canada rend hommage à ces Albert Londres du troisième millénaire dans une émission spéciale. Bravo, car leur boulot et nécessaire. Malgré tout, un truc me chicote toujours: la plume dans la plaie.

Vendredi dernier, j’ai finalement vu Un dimanche à Kigali, le film tiré du roman de Gil Courtemanche. L’histoire d’amour entre cette Gentille et ce journaliste québécois est bouleversante. Mais il y a plus. Pendant que tout est sur le point d’exploser au Rwanda, on voit un Bernard Valcourt tentant de convaincre les médias canadiens que la chose mérite plus qu’un entrefilet en page B6. En vain. Il aurait voulu raconter l’impuissance des Casques bleus devant ce qui deviendra, quelques mois plus tard, le génocide le plus rapide de l’Histoire. Huit cent mille personnes seront découpées à coups de machette.

Le hic, c’est que les médias ont attendu que la plaie soit bien sanguinolente pour porter leur plume au Rwanda.

La plume dans la plaie, oui. La plume avant la plaie, est-ce illusoire? Les médias, ce quatrième pouvoir, ne servent-ils trop souvent qu’à constater l’ampleur des dégâts? N’en doutez pas une seconde: aujourd’hui, dans certains coins du monde, des peuples jonglent avec des épées de Damoclès. Dans l’indifférence générale. On attend qu’ils se coupent. On attend la plaie.

Ici vos correspondants, à Radio-Canada, le dimanche 4 juin, 20 h (aussi à 13 h sur RDI et à 10 h sur la Première Chaîne dans le cadre de Dimanche magazine) Voir aussi le site: www.radio-canada.ca/correspondants

ooo

WWW

En voilà un autre, un Albert Londres des temps modernes. Le correspondant de guerre américain Kevin Sites s’est d’abord fait connaître en 2003 grâce à un blogue qu’il a alimenté alors qu’il était vidéo-journaliste au Koweït pour CNN. Depuis, il est devenu une véritable star du journalisme en ligne. Tellement que Yahoo! lui a fait une place sur son portail, In the Hot Zone. Les internautes peuvent y suivre les périples du grand voyageur, en textes, en photos et en vidéos. En ce moment, Sites traîne du côté du Népal. hotzone.yahoo.com

MAGAZINE

Et moi qui espérais que mes petits-enfants puissent un jour peupler la planète Mars et redémarrer l’expérience humaine sur des bases plus brillantes qu’ici-bas. Le magazine Discover nous apprend plutôt que les longs voyages interplanétaires pourraient être funestes pour les astronautes. C’est la faute aux rayons cosmiques, qu’ils disent. Sommes-nous prisonniers de la Terre? Si c’est le cas, il faudra se résoudre à trouver un moyen de rendre l’endroit vivable encore un moment… Ce reportage et plusieurs autres moins déprimants dans le magazine Discover, juin 2006.

RADIO

L’animatrice à Espace musique Catherine Pogonat a été invitée à rencontrer le chanteur M (Mathieu Chedid) dans son studio secret au coeur de Paris. Il y en a qui sont bien plogués tout de même. Bref, elle en revient avec une entrevue exclusive d’une trentaine de minutes avec celui qui chante Les Triplettes de Belleville (et d’autres tubes meilleurs encore). M, qui est en sabbatique, n’a pas accordé d’entrevue depuis des mois. À entendre sur les ondes d’Espace musique, 100,7 FM, le samedi 3 juin, 22 h.