Test d’engrenage
J’ai eu vent d’une rumeur assez incroyable à propos de Bombardier (pas Denise, la compagnie). Tenez-vous bien, elle porte sur un ingénieur en aéronautique musulman et un certain 11 septembre 2001. À dessein, je reste flou sur les détails.
De toute manière, en publiant ici les grandes lignes de ce racontar, je ne vise pas à infirmer ou confirmer quoi que ce soit. Je souhaite plutôt tester l’engrenage.
Car il y a dans le paysage médiatique des forces qui font rouler la machine rondement. Chaque jour, les nouvelles surviennent; elles sont mâchouillées, livrées, lues, oubliées. Et les journalistes, dans cet engrenage, ne sont qu’un simple rouage. Je m’explique.
La semaine dernière, j’ai dîné avec Jean-François Dumas. Un monsieur charmant, mais surtout président d’Influence Communication, le plus important courtier en information média au pays. Il a pour clients les plus grosses entreprises canadiennes, pour qui l’information s’avère un véritable cauchemar.
Imaginez. Quotidiennement, il se publie dans le monde environ 1000 nouvelles sur Bombardier. Dans le lot, on peut trouver le billet d’un analyste financier du Business Week, un long reportage d’un quotidien pékinois et même une obscure rumeur perdue dans les pages d’un hebdo culturel montréalais. Dans cette marée d’infos, comment séparer le bon grain de l’ivraie?
C’est ici qu’Influence Communication entre en scène. Chaque matin, des spécialistes de la boîte épluchent tous les quotidiens, magazines et hebdomadaires du monde, des milliers de sites Web et parfois même le contenu des bulletins de nouvelles diffusés à la radio et à la télé, de Rio à Sydney.
Ensuite, ils font un tri. Et vers 8 h, les gens d’Influence acheminent au client (la grosse entreprise) un document compilant exclusivement les nouvelles pertinentes qui le concernent. Des articles sur des entreprises concurrentes, des scoops qui pourraient avoir un impact boursier ou d’imminentes crises à gérer en termes de relations publiques.
Ainsi, au moment de lire ces lignes, il est fort probable qu’un directeur des relations publiques chez Bombardier ait été mis au parfum de la rumeur répandue plus haut. Peut-être l’a-t-il ignorée, peut-être est-il présentement en mode "panique". Peu importe, l’engrenage fonctionne.
Mais les services d’Influence ne s’arrêtent pas là. Dans certains cas, les experts en relations publiques font appel à la firme pour développer des stratégies de communication d’entreprise. Quel serait le meilleur moment pour annoncer une mauvaise nouvelle? "Par exemple, dit Jean-François Dumas, 75 % des annonces de suppressions de postes se font pendant l’été afin de limiter l’impact médiatique au maximum." Pas fou…
Sans le réaliser, le président d’Influence m’a servi lors de ce dîner une belle leçon de lucidité: les médias ont peu de moyens face aux puissances en place.
C’est vrai. On a beau dire que les médias sont le 4e pouvoir, il en existe bel et bien un 5e: les relations publiques.
Croyez-le ou non, il y aurait quatre relationnistes pour chaque journaliste au Québec. Donc, quatre personnes payées à temps plein pour tendre ou cacher le "nonosse" à chaque chien de garde de la démocratie. Une armée d’experts travaillant dans l’intérêt de leur client (et non pas dans l’intérêt du public) qui, pour se défendre, peut compter sur des services de pointe comme ceux offerts par Influence Communication.
Clairement, dans l’engrenage médiatique, les relations publiques sont loin d’être un rouage insignifiant. Pour se livrer à la guerre de l’information, les grandes entreprises se sont dotées de blindés et de missiles SCUD. Les journalistes, eux, doivent se dépatouiller avec un couteau à patates. Au mieux, ils auront dans leur attirail une "source généralement bien informée".
Voilà pourquoi cette rumeur qui court à propos de Bombardier, d’un ingénieur musulman et du 11 septembre, n’ira pas plus loin. Car lorsque vous aurez terminé de lire cet article, le ouï-dire risque de s’être déjà écrabouillé la figure sur le mur opaque des relations publiques de Bombardier. De plus, si, dans le pire des cas, cette histoire avait un quelconque fondement, toutes les dispositions seraient prises pour qu’elle meure sur-le-champ.
Oui, l’engrenage fonctionne fort bien.
ooo
RADIO
Stéphane Archambault |
Le chanteur du groupe Mes Aïeux se joint à Espace Musique (100,7 FM) pour une émission estivale, Ping-pong musical. Le concept? Chaque semaine, l’animateur reçoit un invité, et les deux se livrent à un face-à-face musical. Mara Tremblay ouvre la saison, dès le dimanche 2 juillet, à 16 h.