Angle mort

Les scandales éducatifs

Mis à part les frites, la bière et Tintin, on connaît peu la Belgique de ce côté-ci de l'Atlantique. À moins, bien sûr, d'être d'origine belge, d'avoir des potes belges ou de terminer un mémoire de maîtrise sur "Le paradoxe belge à l'ère de la mondialisation des cultures". Sinon, bof.<p>Or, des millions de personnes à travers le monde ont récemment été mis au courant d'un enjeu politique majeur au Royaume de Belgique. Et j'ai nommé: la sécession de la Flandre.<p>Le 13 décembre dernier, un bulletin spécial diffusé sur les ondes de la télévision publique belge, la RTBF, a annoncé, en direct, que le Parlement flamand venait de voter unilatéralement l'indépendance de la Flandre. La Belgique était démantelée. Au petit écran, politiciens et artistes ont défilé pour réagir à l'annonce. Sur le terrain, des images du pays en ébullition: scènes de joie dans les rues, trains bloqués, avions détournés. <p>Dans les salons belges, c'est la stupéfaction.<p>Le hic: toute cette émission n'était qu'une mascarade. Il s'agissait non pas d'un bulletin spécial, mais d'un documentaire fabriqué de toutes pièces, destiné à montrer les conséquences d'une éventuelle scission entre la Flandre et la Wallonie. L'autre hic: des milliers de Belges sont tombés dans le panneau, et ce, malgré le bandeau "Ceci est une fiction" affiché à l'écran pendant la diffusion du film.<p>Le faux a fait scandale. "Le soir où la RTBF explosa", titrait, le lendemain, le quotidien belge <i>Le Soir</i>.<p>L'émission s'est évidemment retrouvée sur YouTube et ailleurs. Et en moins de temps qu'il en faut pour dire "Manneken Pis", l'histoire a fait le tour du monde trois fois.<p>Ce bluff <i>made in television</i> n'est pas sans rappeler une autre initiative d'une autre télévision publique, celle-ci néerlandaise. En effet, le mois dernier, on apprenait l'existence d'une mystérieuse téléréalité diffusée sur la chaîne publique BNN, aux Pays-Bas. <p>Dans cette émission, une jeune femme en attente d'un rein devait choisir un éventuel donneur. Une sorte de <i>Star Académie</i>, à la différence que le gagnant se retrouverait sur une table d'opération plutôt qu'à <i>Sucré Salé</i>.<p>La nouvelle a encore une fois fait le tour du monde. Quelques jours plus tard, on apprenait que cette émission n'était finalement qu'un canular. Un exercice visant à faire pression sur le gouvernement néerlandais afin que la réglementation sur les dons d'organes soit modifiée.<p>Dans le cas de la mort de la Belgique, comme dans celui de cette fausse téléréalité, la controverse a permis à des chaînes publiques de mettre sur la place publique des sujets d'intérêt public. Mission accomplie.<p>L'ancien patron de la RTBF, <b>Alain Gerlache</b>, est de passage, cette semaine, à Montréal. C'est lui qui a autorisé la docu-fiction qui a fait trembler les Belges. Il joue même dedans. Il assume complètement. Et si c'était à refaire, il le referait. <p>Pour Alain Gerlache, l'usage de la fiction était une façon d'innover. "Innover est une question de survie pour la télé publique, dit-il. On a voulu secouer le cocotier. L'émission a peut-être réussie au-delà de nos espérances!"<p>"Une télévision publique sans public devrait fermer ses portes", ajoute par ailleurs l'ex-patron. Dans un contexte où ce public est déjà sollicité par 300 chaînes et Internet, la télé publique doit redoubler de créativité. <p>Un documentaire classique sur l'indépendance de la Flandre n'aurait jamais attiré l'attention internationale. Pas plus qu'un reportage objectif sur le don d'organe aux Pays-Bas.<p>Alain Gerlache n'est plus le patron de la RTBF. Il est aujourd'hui secrétaire général de la Communauté des Télévisions Francophones (CTF). Un "club" qui regroupe treize télévisions publiques francophones, dont Radio-Canada et Télé-Québec. L'association tient sa session annuelle, cette semaine, à Montréal. Les penseurs des télés publiques francophones d'ici et d'ailleurs auront donc à réfléchir à leur avenir. Comment innover et continuer à rejoindre le public? Et jusqu'où innover?<p>Demain, la télé publique devra-t-elle carburer aux scandales, fussent-ils pédagogiques, pour attirer l'attention et remplir son mandat?<p>ooo<p><b>TÉLÉ</b><p><table cellspacing="0" cellpadding="0" align="left"><tr><td><img src="http://media.voir.ca/_images/montreal/2125/texte/media_hilton_2125.jpg" align="left" alt="" /></td></tr><tr><td><font color="gray" size="1"><i>Le destin tordu des Hilton</i></font></td><tr></table> Un minigolf biblique. Un musée de cire dédié à Jésus. Les joies du rodéo. Début d'une série qui zigzague à travers l'Amérique à la recherche de l'insolite. <i>Bazart</i>, à Radio-Canada, dès le samedi 23 juin, 13 h.<p>Rediffusion de cet excellent documentaire sur la famille Hilton. <i>Le destin tordu des Hilton</i>, à Télé-Québec, le mardi 26 juin, 23 h.<p><br /><br /><br /><br /><br /><br /><br /><br />