Guy A. et ses rides
Depuis des mois, les Future Shop de ce monde nous mitraillent d’adjectifs pour nous convaincre de changer notre vieille télé pour un modèle dernier cri à haute définition (TVHD).
Ce serait, dit-on, la révolution. Une résolution d’image à couper le souffle et un son ambiophonique enveloppant et cristallin. Une expérience sensorielle unique. De l’émerveillement. Un nouveau monde.
Je revois ce petit baveux, dans la publicité de Brault & Martineau, qui se moque de nos "petites télés" en reprenant le gag "grosse Corvette, petite quéquette".
C’est la dernière astuce des vendeurs de machins. Vous n’êtes pas encore convertis à la TVHD? C’est que vous êtes un peu cons.
Cela étant dit, pour vendre un téléviseur HD, le meilleur argument demeure la peur. Si vous ne changez pas de télé, vous pourriez ne plus pouvoir capter vos émissions préférées lorsque le signal analogique sera mort et enterré.
C’est partiellement vrai.
Pour ceux qui n’auraient pas suivi toute la saga de la TVHD, voici un résumé des épisodes précédents.
Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le signal télévisuel est analogique. Et jusqu’ici, tout le monde s’en accommodait.
Or, pour des raisons tant technologiques qu’économiques, plusieurs pays ont décidé, il y a une dizaine d’années, d’abandonner le signal analogique au profit du signal numérique. Le Luxembourg a été le premier État à passer entièrement au numérique, le 1er septembre 2006.
Nos voisins américains légueront aux oubliettes le signal analogique le 17 février 2009. Le Canada suivra deux ans plus tard, le 31 août 2011.
C’est donc dire que, dans un peu moins de quatre ans, l’amateur de bonne cuisine ne pourra plus capter Ricardo au moyen d’une simple antenne de type "oreilles de lapin". Ce sera la télé numérique mur à mur.
Ceux qui se seront procuré un téléviseur numérique ne sentiront rien. Les autres devront vraisemblablement acheter un convertisseur pour transformer le signal numérique en signal analogique.
Mais, direz-vous, pourquoi changer? Les avantages de la télévision numérique sont multiples. Le premier est l’accès à la fameuse TVHD. La télé haute définition que l’on couvre actuellement d’adjectifs.
Toutefois, pour jouir de la TVHD, le consommateur doit débloquer un budget et acquérir un nouveau téléviseur HD. En magasin, on trouve des modèles bas de gamme à 750 $. D’autres se vendent à plus de 3000 $. Leur écran est plat, plus large, l’image est plus nette et le son est meilleur.
Or, si l’industrie est toute prête à vous offrir des téléviseurs HD, de plus en plus d’émissions HD, des lecteurs DVD HD et des films HD… la majorité des téléspectateurs, eux, ne sont pas prêts à passer à la caisse.
Aux États-Unis, la plus récente étude de Nielsen avance que seulement 13,7 % des foyers américains sont équipés pour la haute définition.
Et pourtant, la Consumer Electronics Association – l’organisme qui représente les fabricants de téléviseurs HD – estimait en juillet dernier que la pénétration de la haute définition atteindrait 36 % aux États-Unis d’ici la fin de l’année.
On est loin du compte.
Au Québec non plus, la TVHD ne suscite pas le délire du peuple. Le bogue avec la haute définition: cette technologie ne comble aucun besoin urgent.
En fait, la majorité des gens trouvent l’image que leur renvoie leur téléviseur tout à fait correcte. Il y a un an, un sondage du magazine L’Actualité auprès de 1000 Québécois nous apprenait que 88 % des répondants étaient satisfaits de l’image et du son de leur "vieille télé".
Là où la TVHD remplit bien son rôle, c’est dans le cas des films et des sports télévisés. Pour le reste, bof. Pourquoi dépenser des milliers de dollars pour une télé qui nous permet de voir les rides de Guy A. à Tout le monde en parle?
Dans la vaste majorité des cas, le plaisir de regarder la télé n’a rien à voir avec la définition.
Que l’on regarde L’Auberge du chien noir en haute définition, en holographie ou en odorama, cela n’en fera pas un meilleur téléroman.
Dans mon salon, ma "vieille télé" restera en poste jusqu’à sa mort. Après, on verra.
TÉLÉ
L’Art de vieillir |
Gagnant du prix du public pour le meilleur documentaire au FFM l’an dernier, un film qui porte sur un art qu’une grande partie de la population devra maîtriser bientôt: L’Art de vieillir. Si vous aimez les rides. À Télé-Québec, le lundi 19 novembre, 21 h.
À Zone doc, un documentaire sur l’ascension de Vladimir Poutine, le "plus énigmatique dirigeant politique actuel" qui, malgré les critiques, maintient en Russie une popularité qui dépasse les 70 %. En deux parties. Le Système Poutine, à Radio-Canada, le samedi 17 novembre, 22 h 30.