«Il revient à chacun de privilégier le droit à la dignité plutôt que le droit d'être le plus fort.»
– Jacques Attali, écrivain français
Le film débute dans une voiture. C’est la nuit noire. Une dame d’origine mexicaine se rend à une réunion de travailleurs agricoles. Tous des Latinos. Pendant quelques heures, elle ira entendre leurs histoires.
Certains travaillent plus de 75 heures par semaine dans les champs. Beau temps, mauvais temps. Et les heures supplémentaires ne sont pas payées plus cher. D’autres déplorent des congédiements arbitraires, l’interdiction formelle de parler en travaillant, ou s’inquiètent de leur sécurité au travail.
Plusieurs sont logés dans des conditions navrantes, à même la ferme. Des histoires pénibles.
La dame ira aussi dire à ces travailleurs qu’ils ont des droits. Le droit de se syndiquer, mais surtout, le droit à la dignité.
Le lieu de la rencontre nocturne est clandestin. Si le patron de la ferme venait à apprendre que ses travailleurs se réunissent pour discuter de leurs conditions, il pourrait les renvoyer sur-le-champ. Dans le sens d’immédiatement. Sans hésiter.
On se croirait sous un quelconque régime autoritaire, dans un sous-sol de Cuba ou je ne sais trop. Et pourtant…
Nous sommes à Napierville, à 30 minutes de Montréal, dans les années 2000.
Cette dame venue promouvoir le droit à la dignité de ces travailleurs mexicains, c’est Patricia Pérez. En 2003, en entendant les histoires d’horreur des travailleurs migrants employés dans les fermes québécoises, elle a décidé d’en faire sa cause.
Chaque été, ils sont près de 4000 Mexicanos à débarquer au Québec. Pour eux, cueillir des céleris dans une ferme maraîchère bien de chez nous est une façon de subvenir aux besoins de leurs familles.
Ils sont bien rémunérés par rapport aux salaires en vigueur dans leur pays, mais ils sont toujours payés deux dollars de moins de l’heure que leurs homologues québécois.
Le concept du «Eux» et du «Nous» prend une forme très concrète dans les champs du Québec.
Ne cherchons pas une façon polie de le dire: des agriculteurs d’ici importent carrément du cheap labor.
Ils ont leurs raisons, les agriculteurs. Grâce au travail à bas prix des travailleurs migrants, ils peuvent réduire leurs dépenses et ainsi offrir des légumes à un prix plus concurrentiel sur les marchés internationaux.
En somme, l’agriculteur québécois y gagne au change en profitant d’une main-d’ouvre pas chère et malléable. Et le travailleur mexicain occupe un boulot qui lui permet de faire vivre sa famille. En apparence, chacun y trouve son compte.
Sauf qu’avec ce genre de raisonnement, il y a cette idée qui, petit à petit, fait son nid.
Cette idée qu’il existe différentes catégories d’humains. Ceux qui ne valent pas grand-chose, et qui n’ont pas droit à la dignité. Et ceux qui ont tous les droits, dont, bien sûr, celui d’être le plus fort.
L’idée est de plus en plus acceptée dans le discours public. «Mais les pauvres s’enrichissent malgré tout. C’est mieux que rien», entend-on.
Et c’est ainsi que les chantres de la mondialisation des marchés nous font tranquillement avaler la thèse voulant qu’il soit positif pour les «pauvres» des «pays émergents» d’être exploités par les «riches». En l’occurrence, «nous».
C’est cette dangereuse idée, cette discrimination sourde, que Patricia Pérez voulait combattre en tenant des réunions clandestines avec des travailleurs mexicains à Napierville, Saint-Rémi, Mirabel et ailleurs…
En 2006, grâce à la détermination de Patricia Pérez, les premiers groupes d’ouvriers agricoles migrants ont déposé une demande d’accréditation syndicale. En septembre dernier, la Commission des relations de travail rejetait leur requête.
Deux semaines plus tard, Patricia Pérez mourait d’un cancer à l’âge de 52 ans.
Le réalisateur Charles Latour a suivi Patricia Pérez pendant plus d’un an avant sa disparition. Dans son film, il nous livre en quelque sorte le testament d’une femme, et de sa lutte inachevée pour le droit à la dignité.
Los Mexicanos: Le combat de Patricia Pérez, à RDI, le jeudi 22 novembre, 20 h.
TÉLÉ /
Maryse Chartrand et sa famille semblaient réaliser le rêve d’une vie en partant pour un voyage autour du monde. Et pourtant, un an après cette aventure, le mari de Maryse s’est suicidé. Comment un amoureux de la vie tel que lui a-t-il pu mettre un terme à ses jours? Maryse Chartrand a voulu chercher à comprendre à travers un film intime qui met le doigt sur un drame hurlant d’actualité: le suicide chez les hommes. Au Québec, c’est la première cause de décès chez les hommes âgés de 15 à 45 ans. Le Voyage d’une vie, à Canal Vie, le lundi 26 novembre à 20 h.
Dans cette société de droits, tous ne sont pas équivalents. Voilà un droit avec lequel je me sens à l’aise. Lorsque l’on vous traîte dignement, il y a des chances que vous soyez un citoyen responsable.
Le droit à la dignité devrait être au sommet de la pyramide des droits.Le droit au respect s’il était vraiment appliqué demanderait un changement de mentalité considérable.
À lire les actualités quotidiennes, il semble que la « piastre » vous rendra digne ou indigne. On s’intéressera à vous dans la mesure que votre compte en banque est bien pourvu. Les médias, à part la guignolée de décembre, semble n’avoir d’intérêt que pour les gens riches et célèbres.
Dernièrement. on rapportait que des condos à Toronto se vendaient pour la modique somme de 25 millions. On voyait des gens pauvres en ligne sur le trottoir, pendant près de 5 jours, pour permettre à un spéculateur de mettre main basse sur ce pactole.Je me demandais si ces gens recevaient le salaire minimum.
Les riches ne se mettent plus en ligne, ils ont trop de »dignité ». Trop, c’est comme ne pas en avoir.
J’admire ce petit bout de femme qui a mené ce combat pour les travailleurs saisonniers immigrés. Pourquoi faut-il qu’elle meure à 52 ans ? La justice n’existe pas, faut-il que la dignité et le respect foutent aussi le camp ?
Eh oui! L’humanité est dans une situation bizarre et stupéfiante. Pendant une bonne partie du vingtième siècle, il y avait deux grands systèmes sociétaux qui ne cessaient de s’affronter et de se quereller avec une rare virulence. Pendant longtemps, nombreux ont été ceux qui craignaient une guerre finale et apocalyptique.
D’un côté, on nous annonçait la société parfaite, la société sans classes, la société sans exploitation, la société communiste. Cette société communiste, parfaite en théorie, s’est avérée être une société horrible, tyrannique et hiérarchisée. L’abolition des classes sociales n’était qu’une rhétorique simpliste, mensongère et propagandiste.
De l’autre côté, on nous annonçait la société parfaite, la société presque sans classes sociales, la société sociologiquement basée sur une vaste classe moyenne, vivant le bonheur, l’euphorie et la béatitude qui vont de pair avec un bon pouvoir d’achat et avec une consommation débridée. Le profit et «la main invisible du marché» allaient faire en sorte que tous les besoins seraient satisfaits et assouvis, grâce au jeu de l’offre et de la demande. On oubliait de dire que la demande n’est satisfaite que si elle est solvable, que s’il y a des sous derrière la demande. On a fini par constater que de nombreux BESOINS ne devenaient pas une DEMANDE puisque ces besoins n’étaient pas rentables pour les assoiffés de profit.
Aujourd’hui, le communisme est moribond, sinon totalement éliminé et enterré. C’est donc le triomphe du néolibéralisme triomphant et insolent. Exploiter des travailleurs mexicains au Québec ou ailleurs, ce n’est pas vraiment de l’exploitation. C’est de l’aide au tiers-monde, c’est une façon de créer du travail et de répondre à la «demande» des consommateurs plus cossus.
Dans un tel contexte, il n’est pas étonnant de voir surgir de nouvelles formes de résistance, parfois basées sur un échec prévisible. Je pense au terrorisme, surtout islamique, qui semble proposer la destruction des pays occidentaux pour plutôt implanter des régimes théocratiques dans lesquels les chiens d’infidèles paieraient cher pour leur arrogance et leur égocentrisme.
Dans ce contexte, je pense, avec une certaine naïveté, qu’il faut revigorer le syndicalisme, parfois embourgeoisé, et qu’il ne faut pas renoncer totalement à une sorte de social-démocratie avancée qui limiterait les dégâts inévitables du capitalisme néolibéral, dégâts environnementaux, humains, économiques, sociaux et culturels.
Tout cela étant dit, tant bien que mal, je remercie Steve Proulx et Radio-Canada qui ont eu l’intelligence de nous parler de Patricia Pérez et de l’exploitation, à la sauce québécoise, des travailleurs mexicains.
Il va falloir réfléchir et explorer de nouvelles avenues. Sinon l’humanité va se porter de plus en plus mal!
JSB
Ce qui est remarquable avec cette histoire, c’est le courage de cette femme et l’extraordinaire pertinence du reportage (ça ne m’étonnerait pas d’ailleurs qu’il aille se mériter un prix afin de remettre à nouveau ce scandale éhonté sur la place publique à nouveau).
Ce qui est à souligner également, c’est cette sortie détaillée et remplie de compassion envers cette femme, ceux qu’elles représentent et ceux qu’ils félicitent de réaliser une émission qui dénonce enfin une situtation qui se déroule à l’ombre de notre indifférence entretenue systématiquement tous les jours dans bien des quotidiens montréalais.
Ce qui me touche, c’est que l’annonce elle-même de cette émission suscite quand même deux réactions bien senties, dont celle de monsieur Baribeau, qui me semble bien résumer nos errances passées et nos problèmes futurs.
Ce que je tenais à dire, finalement, c’est qu’il est nécessaire que les journalistes reprennent contact avec un journalisme qui accuse un peu plus et refuse un peu moins le silence sur certaines situations qui bafouent ce que nous avons de plus cher : notre sens de l’hospitalité, notre respect historique des Droits de la personne et notre besoin d’agir en fonction d’une capacité d’accueil et d’engagement dans un combat à préserver, encore à faire et à enseigner à nos enfants. Et pas seulement à l’école, dans un cours de morale ou d’enseignement religieux… si vous voyez ce que je veux dire.
Le savoir-vivre, le savoir-être, ça ne s’enseigne pas uniquement sur un banc, devant un tableau, durant un cours magistral.
Cette façon de procéder peut profiter à court terme aux propriétaires de fermes et à tous ceux qui ont quelque chose à vendre sur le marché. Cependant, ces gens pourraient faire beaucoup plus d’argent en donnant aux exploités un salaire décent. Ils finissent eux aussi par défrayer les coûts des dommages collatéraux de leur voracité : les pauvres n’ont pas de pouvoir d’achat, ne paient pas d’impôts, tombent malades, font accroître l’absentéisme au travail ou finissent par en faire le moins possible, se révoltent, etc. La vraie prospérité, c’est quand chaque personne peut avoir une vie agréable.
En 1929, plusieurs bien nantis se sont suicidés. L’économie était aussi artificielle qu’aujourd’hui et a connu des chaos. Si ça continue comme ça, on peut revivre la même chose. Il serait peut-être temps pour les riches de travailler pour le mieux-être des gens et de la planète, car ils y vivent aussi.
Cela concernait la famille Beaudry-Chartrand, partie vers la vie en 2003.
Deux parents québécois et leurs trois beaux enfants, prennent une année sabbatique de leurs emplois et de leurs classes. Sacs de camping, cinéma-maison-plein-air et bivouacs deviennent leur quotidien. Leurs adieux faits au stress, à la performance et à la publicité, Samuel, Maryse et compagnie sentent bienvenus le repos, la décontraction et les voyages. La dame en profitera pour filmer leurs différentes expéditions sur les cinq continents. Une chaîne de télévision achètera leurs droits d’auteurs.
On voit du Mexique, du Guatemala, du Honduras, des Îles Tonga, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie, le meilleur: pyramides mayas, paysages cartes-postales, plages de rêve, des couchers de soleil époustouflants, des monts renommés, des petits koalas attachants…
Les gens du Viêt-Nam semblent particulièrement chaleureux; ceux de l’Inde leur enseignent quelques bonnes recettes et quant à l’Europe, la réception n’est pas différente. Le temps passe et trop vite au goût de Samuel qui se sent vivant, en voyage et s’inquiète un peu du retour. Mais, il dit à un moment donné: « Même l’extraordinaire est devenu ordinaire »…Serait-il devenu blasé? Ne venait-il pas de comprendre qu’il aurait peut-être mieux valu ne pas vivre en rafale tous ces paradis? La vie est longue parfois, et mordre à pleines dents, en tout temps, dans plusieurs sortes de tablettes de chocolats qu’on adore, peut nous rendre soudainement la succulence beaucoup moins passionnante…Fou de voyages, l’était-il autant pour d’autres intérêts de la vie?
Revenus au pays, un an et quatre mois passent et Samuel quitte volontairement les siens pour d’autres cieux. Stupeur et bouleversements de l’épouse et de leurs jeunes adultes Élyse, Andréanne et Philippe. Chocs, blessures, questionnements. Toutes ces vies viennent de dégringoler.
Dans sa douleur, Maryse, qui se sent habité par lui, va jusqu’à dire:
« Peut-être que je ne t’ai pas vraiment aimé »? Les questions qu’elle pose à ses enfants les guériront car une mère pleine de psychologie ne peut que réussir à sauver sa couvée. Surveillons le livre…