L'autre samedi, un "boum" sonore me tire des bras de Morphée. Le camelot vient de livrer La Presse à ma porte. Avec ses 11 cahiers touffus, l'édition sabbatique est une brique.
Tant qu'à être réveillé, aussi bien se lever.
Depuis quelque temps, la une du samedi du plus grand quotidien français d'Amérique n'est faite que de photos en couleurs et de titres en grosses lettres. "AÉROPORTS: ATTACHEZ VOTRE CEINTURE!", "ISABELLE BLAIS: LA BELLE VIE D'UNE DISCRÈTE OMNIPRÉSENTE", "MOURIR SEUL À MONTRÉAL".
Ce matin-là, le plus gros titre, "LE CONTINENT INVISIBLE", est réservé à un dossier sur les grottes du Mexique. Huit pages de textes et de photos grand format imprimés sur papier glacé dans le nouveau cahier Éléments.
En voyant le truc, je me suis dit: "Ça y est, mon journal est officiellement devenu un magazine." Car avec son cahier Éléments, La Presse fait désormais du National Geographic.
Le coup était prévisible. Le quotidien se "magazinise" progressivement depuis quelques années. Et il n'est pas le seul journal à piquer ce qui était jadis la chasse gardée des magazines. J'ai nommé: les reportages intemporels, le journalisme "human" et l'exaltation du visuel.
Pourquoi les journaux se prennent-ils pour des magazines? Simple. C'est parce que certains médias se prennent pour des journaux. Je m'explique.
Il n'y a pas si longtemps, le rôle d'un quotidien était de rapporter les actualités de la veille. Le compte rendu de la conférence de presse du ministre Machin. L'accident de la route à Saint-Glinglin. Le 5 à 0 pour Boston…
L'arrivée d'Internet – et celle des chaînes d'information continue – a tout changé. Désormais, si quelque chose survient quelque part, le public zappe sur RDI ou clique sur le Web pour en savoir plus. L'info est là. Immédiatement. Et gratuitement.
Le quotidien ne peut pas suivre. Le temps que cela prend pour imprimer et distribuer le canard, et le train de l'actualité est déjà passé. Qui veut lire un journal qui ne ferait que régurgiter les nouvelles après tout le monde? Surtout, pourquoi payer ce journal? Car, en plus d'Internet, de nouveaux quotidiens (Métro et 24 Heures) donnent chaque matin les nouvelles après tout le monde.
Et nous voilà à la question qui donne des cheveux gris aux patrons de journaux. Comment, dans ce nouveau contexte, convaincre les gens d'acheter un journal chaque jour?
Certains pessimistes ont déjà signé l'arrêt de mort des quotidiens payants. N'envoyez pas de fleurs tout de suite par contre. Les journaux ont encore de l'avenir, mais ils devront devenir des magazines.
Puisque les journaux ont perdu la course à l'information instantanée, ils devront compenser en offrant de la profondeur, du recul, du contexte, de l'analyse, mais aussi des dossiers spéciaux sans lien direct avec l'actualité immédiate. Tout comme les magazines.
Puisque s'informer en ligne demeure une activité plutôt froide, les journaux devront compenser avec des textes plus "chauds", au ton moins "voici-ce-que-telle-personne-a-dit-hier-à-telle-place-à-propos-de-ceci". Des textes qui devront raconter les événements plutôt que de les rapporter bêtement. Tout comme les magazines.
Enfin, puisque l'info sur le Web provoque peu de stimulation tactile, les journaux devront miser sur le plaisir de feuilleter et de transporter avec soi un document agréable à l'oil, bourré de photos et de bouchées d'information à grignoter. Tout comme les magazines.
On regarde La Presse, et on voit clairement que c'est cette direction que prend le journal.
Et nous voilà à la question qui donne des cheveux gris aux patrons de magazines. Comment, à l'ère des magajournaux, convaincre les gens d'acheter un magazine chaque mois?
J'ai posé la question à un rédac' chef d'un magazine la semaine dernière. Il a admis ne pas avoir trouvé l'idée du siècle pour réinventer le magazine.
Or, il faudra trouver vite. Depuis 1994, nos magazines perdent en moyenne 1 % de leurs lecteurs chaque année. Certains en perdent beaucoup plus.
Que faudra-t-il pour stopper l'hémorragie?
Selon moi, les magazines devraient investir dans leurs forces. Être des documents de luxe que l'on conserve longtemps, avec des textes fouillés qui font le tour d'un sujet. En somme, les magazines devraient s'inspirer des livres…
Et nous voilà avec un autre problème: quel avenir pour le livre?
ooo
TELE /
À RDI, un portrait de celui qui pourrait être le premier Noir à devenir président des États-Unis, Barack Obama (jeudi, 24 janvier, 20 h). À Radio-Canada, une enquête sur la saga épique qui a entouré la construction du CHUM (Enquête, jeudi 24 janvier, 21 h). À Télé-Québec, un documentaire sur le récent engouement des jeunes Afghans pour le body-building (M. Muscle en Afghanistan, lundi 28 janvier, 21 h).
et si les livres devenaient des journaux …..???? de proximité ???….bien entendu l’invention des écrivains est phénoménale, des scénarios T.V. , des thrillers à la S.F. …mais ce qui se passe au coin de chez vous…Cette toute jeune enfant qui marche à l’école avec son gros sac, plus gros qu’elle, les larmes glissent sur ces joues et sa mère la dispute : « C’est tout ce que tu peux dire ? … ». Fleur bleue ???
ET ces jeunes de vingt ans , gars et filles au crâne rasé , qui rêvent de devenir moine bouddhiste. ( 7 ans de formation ). Êtes-vous allé au centre Bouddhiste Kadampa ( angle Laurier et Saint-André ) les voir, les écouter , prier , méditer, sourire dans leur sari safran. ??? C,est le Québec de demain.
A côté de chez vous. Il faudrait écrire un livre là-dessus. Quoi ? Sur l’actualité à côté de chez vous , que personne ne voit …
LA MÉTAMORPHOSE DES MÉDIAS
Cette chronique est extrêmement intéressante. Elle montre bien à quel point chaque acteur change de rôle dans le petit théâtre médiatique, en ce moment. Que ce soit au Québec ou ailleurs.
Mais arrêtons justement de toujours parler d’ailleurs, dans les médias.
(On dirait que c’est une spécialité ou une carractéristique disctincte au Québec d’avoir un regard lucide sur les Autres tout en ayant un jugement en grande partie déformé lorsqu’il se pose sur lui-même. Bon, ce n’est pas spécifique au Québec de se percevoir de manière passéiste ou de vouloir le faire afin de créer de la solidarité factice. En tous cas…)
Bref, l’important ICI, c’est l’ordre dans lequel s’enchaîne la logique de ce texte. On y perçoit bien un déplacement de mandat, d’un média à l’autre.
Mais s’agit-il plutôt d’un glissement de « sens » ? Une simple stratégie de préservation du marché de chacun ? Ou est-ce que ce n’est pas révélateur de la transformation médiatique provoquée par la venue d’internet, un médium qui fusionne et défie totalement tous ses « concurrents ».
En fait, internet ne rivalise pas avec les médiums traditionnels, il force ceux-ci à se laisser avaler par la machine multiformes.
D’ailleurs, lorsqu’on me dit qu’on ne peut pas pointé du doigt un médium comme les journaux/magazines et sonner l’arrêt de mort de ces formes de diffusions archaïques de l’information (ou du divertissment), je réponds qu’on ne peut pas voir l’arrivée d’internet comme celle de la télévision, par exemple.
En effet, par le passé, on disait que la télévision allait tuer le livre, le cinéma et tutti quanti.
Ce n’est pas arrivé.
Sauf que, pouvez-vous me dire quand vous avez lu un article à la télévision dans les années 50, 60, 70 ou 80 ? Non, jamais.
Mais aujourd’hui ?
C’est possible ! Lorsque je vais chez un de mes amis jouer au PS3, on fait quoi avant de jouer à NHL 2K8 ? On lit des articles de RDS.ca ou la section Sports d’un autre journal grand public comme La Presse ou le Journal de Montréal ! Grâce à quoi ? Le pouvoir infini du câble et le génie japonais.
Lorsque je lis Pierre Foglia sur mon PC au lieu d’acheter La Presse ou de la lire dans une bibliothèque, qu’est-ce que je fais ? Je contribue à la disparition du médium désuet ET je préserve une forêt.
D’ailleurs, vous croyez que c’est un hasard si Quebecor World (division imprimerie) est dans la merde et Quebecor Media (division multi-média) nage dans le fric ?
Pas du tout. Il y a un « media shifting » évident… et plus les gens vont utiliser au maximum leur PC ou n’importe quel support technologique pour s’approvisionner en nouvelles ou en divertissement, plus les journaux, les magazines et la télévision va souffrir de ce « déménagement collectif ».
La pression est multiple sur les journaux, les magazines et la télévision.
Elle est économique.
Elle est technologique.
Est est échologique.
Est est multi-forme tout comme elle est multi-plateforme.
***
Bien entendu, we are not in Vegas yet, l’enterrement du format papier de tout ce qui circule sous forme d’information n’a pas encore commencé.
Sauf que… si je dirigeais un médium papier ou un truc en papier glacé, je commencerais à me recycler dans l’électronique car l’information filera toujours plus vite, et à la vitesse de la lumière… jusqu’au point de rupture.
Jusqu’au jour où la société de consommation se divisera en trois parties :
1) les analphabètes purs ;
2) les analphabètes fonctionnels ;
3) les analphabètes technologiques.
Bienvenue dans l’après guerre de la Galaxie Guttenberg pressenties jadis par McLuhan.
Suggestion de sortie : le media lab de Toronto.
Suggestion de lecture : « les nerfs de la culture »
Collection : Sociologie contemporaine
276 pages
1998
1990
Presses de l’Université Laval
Suggestion de rencontre : lire des interviews réalisés avec l’auteur du livre suggéré, Derrick de Kerkhove, successeur de McLuhan.
Le meilleur ouvrage pour comprendre ce que c’est que c’est que :
***************** Être humain à l’heure des machines à penser *************
BIENVENUE DANS LE XXIe SIÈCLE !
Get ready ! Les turbulences à venir vont être encore plus « exaltantes » !
>>>>>> petit rappel
trois bombes frapperont l’humanité :
1) la bombe démographique ;
2) la bombe atomique ou nucléaire ;
3) la bombe de l’information.
Les deux premières sont déjà tombées. La troisième siffle dans les oreilles de bien des gens qui se croient à l’abri de la faillite.
Lorsque la télé est apparue, on prédisait la disparition de la radio à plus ou moins longue échéance, comme on « prévoit » actuellement celle de la télé au profit de La Toile. Cette dernière étant toutefois en « concurrence directe » avec le « petit » écran a plus de chance de le « dépouiller », comme nous le constatons déjà, mais pour quiconque fréquente les salons du livre, les librairies, les bibliothèques, à commencer par la Bibliothèque nationale dont l’affluence ne se dément pas, la « mort du livre » n’est pas pour demain notamment à cause de son prestige et de son accessibilité. Les « quotidiens traditionnels » sont, à mon avis, beaucoup plus vulnérables qu’un « bon mensuel » ou qu’un « bon livre » parce que beaucoup plus éphémères et dépassés!
Rapporter la nouvelle comme une courroie de transmission n’est pas la partie la plus noble du travail journalistique. J’ai déjà vu des journalistes (CBC, oui, oui!), aller voir directement l’attaché de presse d’un ministre pour relire l’allocution et prendre des notes. On devinera qu’elle n’était pas prête pour le scrum…
Au-delà du simple travail de « rapportage », Il y a aussi le véritable journalisme d’enquête, qui devrait toujours avoir sa place dans un journal.
Mais, grand Dieu!, j’allais oublier la partie éditoriale, qui constitue le point d’encrage d’un journal le moindrement sérieux. Il est vrai que de ce côté-là aussi, il y a de la condescendance et même de la connivence avec le pouvoir. C’est important de se ménager des zamis de ce côté-là, on le comprend.
L’avenir d’un journal, en conclusion, appartient à sa mission première, celle d’informer son public et de lui donner des éléments de réflexion pour la survie d’une pensée critique… À l’heure de la pensée-minute et du discours langue de bois…
Je suis un grand admirateur de Jules Verne. En 1994 son petit-petit-fils (Si ma mémoire est bonne) découvre dans une malle au grenier « Paris XX siècle » qui sera édité en 1994 par Hachette… Dans ce roman, Jules Verne prédisait que nous serions ensevelis sous la paperasse. Que la « paperasse » régirait nos vies, nos lois et notre mode de vie.
L’informatique devait nous « délivrer » du papier et contribuer à sauver des forêts… Et hélas au XXI ème siècle tout le monde possède sa mini-imprimerie. En tant qu’individus nous gaspillions, gérons et accumulons autant de papier qu’une PME des années 1970.
En tant qu’individus nous n’avons pas le choix de contribuer à toute cette montagne de paperasse. Que ce soit pour produire des CV, des factures, des garanties, des plans, de la pub et tutti quanti… Le monde moderne fonctionne de cette façon et on ne peut y échapper pour être « performants ».
Jules Verne l’avait prédit et nous sommes quand même tombés dans le panneau.
Quand je tente de faire des prédictions sur l’avenir, j’utilise le principe suivant. L’avancement des technologies permet de diminuer les limites auxquelles l’ergonomie est présentement confrontée. Donc, en principe, libéré des limites techniques, il suffit d’imaginer ce qui serait le plus ergonomique pour entrevoir les tendances. Pourquoi l’ergonomie, parce que le corps humain va évoluer énormément plus lentement que les technologies.
Présentement, l’ordinateur est moins ergonomique que le papier pour la lecture simple. Le papier est plus facile à tenir, il n’est pas nécessaire de manipuler une souris pour changer de page etc. Quoique plus léger, l’ordinateur portable n’est pas recommandé lors d’une lecture sur le siège de salle de bain… Remarquez que je suis persuadé que certains irréductibles de la technologie mobile le font…
Donc, en théorie les ordinateur vont évoluer vers le papier, c’est-à-dire qu’ils seront de plus en plus légers, voir pliables, sans nécessité de dispositif de pointage. L’interface du iPhone est un bon exemple. On change les pages en faisant glisser les doigts comme on le ferait d’un feuillet.
Mais où je m’en vais avec ce commentaire?
Je crois que la transmission d’information sur papier est menacée. Et plusieurs vous diront que c’est une bonne chose pour notre environnement. Cependant, à vue de nez, nos machines ne seront pas en mesure de remplacer ergonomiquement le papier avant une vingtaine d’année minimum. Considérez également que le papier est accessible à tous et qu’il faudra encore du temps supplémentaire avant que le remplacement technologique, même une fois inventé, soit économiquement compétitif.
Donc mes amis, désolé, le papier est encore là pour longtemps. Et ce, pour toute forme de contenu. Sa part de marché est considérablement diminuée, un réajustement s’opère et un nouvel équilibre se créé mais il semble logique de penser que cette diminution va bientôt atteindre son point d’arrêt pour un certain nombre d’années. Prenez le journal du métro, gratuit, accessible rapidement, pas besoin de machine pour le lire.
Hum… Gratuit, accessible rapidement….
Est-ce possible que nous ne regardions pas le problème sous le bon angle?
Le défi qu’imposent l’Internet et la démocratisation des informations pour les prochaines années est uniquement une question de gestion et de propriété de contenu. Musique, textes, photos.
C’est un principe de mondialisation et d’accès aux marchés. Les grandes corporations, dotés de moyens supérieurs, s’accaparent la tranche de marché la plus large, la tranche « grand public ». Elles ont les moyens de mettre des structures en places pour faciliter la diffusion, augmenter l’accès et diminuer les coûts. Le contenu publicitaire interactif remplace l’abonnement et les profits sont simplement générés d’une autre manière. C’est une « Wall-Martisation » de l’information.
La réponse à cette situation est toujours la même. La spécialisation. Chaîne spécialisée, journaux spécialisés, vêtements haut de gamme, nourriture du terroir etc.
Et qu’est-ce qu’un magazine si ce n’est qu’une publication spécialisée? Ergonomiquement parfaite parce que tout est disponible en un seuil feuillet, facilement transportable et lisible partout sans l’aide d’un autre dispositif.
Cela va dans le sens de votre commentaire M. Proulx. Le magazine devra lui-même se réinventer. Donner plus de place au contenu que l’on ne trouve pas ailleurs. Attirer les spécialistes qui pourront rivaliser avec les journalistes généralistes sur des sujets particuliers. Les magazines, comme les journaux papier, ne peuvent rivaliser avec les grandes corporations pour ce qui est du contenu « grand public ».
Je le répète, il s’agit moins d’une question de média (papier versus électronique) qu’une forme de mondialisation que les nouveaux médias offrent aux grandes entreprises.
C’est mon humble opinion.
McLeod Tremblay
http://www.zepeintre.blogspot.com
J’ai bien apprécié votre analyse dans ce texte. Par contre, alors qu’on voit apparaître de nouveaux magazines de luxe québécois vantant la réussite, le tourisme, les modes de vie, etc., des trucs franchement très égocentriques, il me semble qu’une plus grande attention devrait être portée à d’excellentes revues québécoises qui proposent des dossiers de fond qu’on a envie de conservés; je pense à Relations, À Bâbord, Possibles, JEU, entre autres. Or, ces revues, faites avec rigueur et loin du luxe, les chroniqueurs en parlent presque jamais… C’est bien dommage.
aux états-Unis, plus de 68% des fibres pour faire du papier provient de bois vierge et 31% seulement provient du papier recyclé… http://www.univertcite.org/recto-verso/foret_fr.html
Selon la compagnie Domtar, une corde de bois d’une longueur de 8 pieds, d’une hauteur de 4 pieds et d’une largeur de 4 pieds donne les quantités suivantes :
7,5 millions cure-dents
1000 à 2000 lbs de papier (selon la catégorie)
61 370 enveloppes standards no 10
942 livres reliés de 100 pages
1200 exemplaires du National Geographic
[email protected]
C’est tout ce qui me préoccupe, le reste est très secondaire…
Pingback depuis Chacoura
«Bookazine» J’écrivais il y a quelques mois sur la «magazination» des journaux (ou comment les quotidiens