Depuis plus d'un demi-siècle, des centaines de milliers de démonstratrices Tupperware s'invitent dans les salons. Devant des cercles de voisines, de copines, de desperate housewives, ces vendeuses exposent les mille façons d'exploiter l'extraordinaire potentiel hermétique des plus célèbres plats de plastique au monde.
Une clientèle ciblée, une représentante prête à répondre à toutes les questions, un contexte chaleureux et intime, du ginger ale et des céleris au Cheez Whiz… Tous les ingrédients pour conclure une vente sont là.
Mais s'il y a une chose à retenir de cette technique de vente gagnante, c'est celle-ci: depuis plus d'un demi-siècle, Tupperware entretient une conversation avec ses consommatrices.
Du latin conversatio, qui signifie "fréquentation", la conversation est la pierre angulaire de la vie en société. Toute relation d'amitié, d'amour ou d'affaires commence par un échange de propos.
La conversation, par ailleurs, reste le moyen de persuasion le plus efficace. Au contraire de la publicité, qui est "la plus mauvaise forme de communication persuasive qui soit", selon l'ex-publicitaire Claude Cossette.
En effet, la Boule Magique qui lave le linge sans savon peut bien mener la plus agressive des campagnes publicitaires, si un ami vous dit que c'est de la "chnoute", même l'enthousiasme naïf de Maman Dion ne réussira pas à vous convaincre du contraire.
C'est fort, la conversation.
Bonne nouvelle pour les "pubistes": désormais, les "médias sociaux" rendent la conversation accessible aux grandes marques. Pour les vendeurs de rêves usinés, les MySpace (110 millions d'utilisateurs dans le monde) et Facebook (64 millions) représentent un nouveau continent à coloniser.
Actuellement, à travers ces réseaux, des marées d'individus possèdent un profil virtuel unique, une liste d'"amis"; ils participent à des groupes de discussion, endossent des causes et partagent leurs photos de vacances.
Lors d'une journée typique sur Facebook, j'apprends que c'est l'anniversaire de Nicolas et je regarde la binette de Marie-Joëlle qui revient de Paris. Julie m'invite à découvrir la couleur de mon aura et Violaine s'est inscrite à un groupe de gens qui n'aiment pas les gens qui sont incapables d'accorder un participe passé…
Le code postal d'une personne peut en dire long sur son statut social, son style de vie… Imaginez ce qu'un publicitaire peut apprendre d'un consommateur en consultant son profil Facebook!
La semaine dernière, le magazine Infopresse organisait une journée sur les médias sociaux. Rick Murray, président de la division "médias émergents" de la firme de relations publiques Edelman, était là pour expliquer à un parterre de professionnels de la communication comment tirer profit des médias sociaux.
Car pour promouvoir un produit ou une marque sur Facebook ou MySpace, il faut adopter le bon ton. "Il faut penser conversation, et non campagne publicitaire", a dit Rick Murray.
Vous me voyez venir avec mon histoire de Tupperware.
Pour conquérir les réseaux sociaux, les publicitaires devront réapprendre à communiquer. Ils devront cultiver l'authenticité et la transparence – oui! – et expliquer les avantages de leurs produits directement et sans détour. Ils devront aussi créer autour d'une marque (disons, Nike) des communautés (disons, les gens qui aiment jogger la nuit) à travers lesquelles les membres pourront échanger leurs opinions ou leurs expériences (disons, sur le jogging nocturne). Éventuellement, dans le confort de leur foyer, les fidèles de ces communautés virtuelles seront prêts à entendre parler d'un produit conçu pour leurs besoins (disons, des souliers de course avec des lumières pour jogger la nuit)…
En somme, les publicitaires devront lâcher leurs slogans créatifs et faire ce que les représentantes Tupperware font depuis plus d'un demi-siècle. À travers les médias sociaux, ils devront débarquer dans les salons, déballer leur marchandise et discuter avec leurs clients.
Malheureusement, il manquera toujours le ginger ale et les céleris au Cheez Whiz.
Dany Laferrière, Valérie Blais (Tout sur moi), Jean-François Lisée, Diane Lemieux et Louis Champagne (Les Lavigueur) élisent le meilleur film américain de tous les temps à Bazzo.tv (Télé-Québec, du 18 au 21 février, 22 h). Si vous n'êtes pas invité à un souper en tête-à-tête à la Saint-Valentin, c'est peut-être que vous êtes l'adulte sur quatre qui est célibataire. Pour les spécialistes de la consommation, vous faites aussi partie d'un nouveau segment de marché en pleine évolution. Un documentaire qui décrypte le phénomène sociologique du célibat (Célibataires, un marché à cour ouvert, TV5, le jeudi 14 février, 21 h 30).
J’ai un compte Facebook, comme certains de mes amis. On arrive souvent ans un « média socilal » référé par quelqu’un qu’on connaît, un peu comme dans un restaurant – sauf que dans un restaurant, on peut en sortir un jour. D’ailleurs, à ce compte-là, Facebook partage le même slogan officieux que la CIA : on ne quitte jamais l’agence de renseignements.
C’est pourquoi je mens souvent sciemment sur Facebook. C’est une manière de sortir de la boîte prendre l’air afin de me marrer avec mes vrais amis sur les rumeurs que je lance moi-même à mon sujet…
***
Toutefois, je n’y ai rien senti qui s’apparente à une conversation.
On y simule la réalité, comme dans n’importe quel univers virtuel et, surtout, on y présente la réalité des choses tout aussi bien et aussi efficacement que dans une pub de téléphone cellulaire.
(En passant, c’est rendu qu’on présente la téléphonie sans fil comme un moyen de rester en contact avec ceux qu’on aime alors que cet un appareil qui simplifie et facilite l’éloignement prolongé et progressif des gens entre eux…)
***
Comme la plupart des membres de ce genre de site, je me méfie de ce lieu de « rencontre » gratuit organisé pour satisfaire le narcissisme de tout un chacun – même afficher de bons sentiments en public revient à se vanter devant « tout le monde » d’être généreux envers quelqu’un… ce qui va totalement à l’encontre de l’esprit désintéressé de la générosité humaine.
Enfin… Les médias sociaux n’ont pas inventé l’hypocrisie, ils en profitent, c’est tout.
Sweet dreams are made of these, comme dirait Annie Lennox.
***
Mais pour moi, le meilleur exemple démontrant les limites de la « conversation de cuisine » sur internet, c’est les tentatives vaines et ridicules du Parti Libéral du Canada afin d’entrentenir avec les gens de cette « communauté » un semblant de « dialogue démocratique et transparent ».
Malheureusement pour le « parti de la clarté référendaire », le courant ne passe pas. « Apprendre » que Stéphane Dion est un fan de Jacques Brel en lisant une fiche ou savoir que Justin Trudeau a « convaincu » 150 millions de cliquer sur un bouton afin de transformer ceux-ci en « amis » instantannés ; ça ne fait pas avancer une idée ou un principe plus démocratiquement. Ça pave la voie simplement à une nouvelle forme de propagande potentielle.
Bref, le discours publicitaire ou propagandiste ne change pas de nature parce qu’il envahit un nouvel espace. Justement, il est marrant de VOIR que même l’univers virtuel n’échappe pas à son désir de pénétration des masses consensuelles.
Non, vraiment, le discours marchand ou démagogique demeure ce qu’il est depuis tourjours : le deuxième plus vieux métier du monde.
Ce qui me fait toujours avoir plus de respect pour la dernière des prostituées que pour le premier des ministres. Et ce, parce que je sais vraiment combien ça me coûte de les VOIR offrir leurs services en public car la pute, au moins, elle, ne prétend pas que son cul va contribuer à changer le monde…
C’est une intéressante analyse de Steve Proulx qui «débusque» bien de «nouvelles» manières d’agir.
Concernant de nouvelles manières d’agir, je recommande, avec une grande conviction, la lecture d’un livre de Christian Salmon, livre intitulé STORYTELLING — LA MACHINE À FABRIQUER DES HISTOIRES ET À FORMATER LES ESPRITS (éditions La Découverte). De plus en plus, dans le marketing ou dans le «management», on développe des manières de «raconter des histoires», ce qui fait que l’histoire des «marques» finit par prendre plus d’importance que l’image des marques. Il serait intéressant de rediscuter de tout cela à l’intérieur du blogue à Proulx.
JSB
« on développe des manières de «raconter des histoires», ce qui fait que l’histoire des «marques» finit par prendre plus d’importance que l’image des marques. »
Ce n’est pas ce que disait Klein avec son « No logo » ?
Les marques qui véhicules des manières de vivre, de se percevoir, de se fabriquer des identitées (de carton)…
—
Je suis tout à fait d’accord avec monsieur Boudrias… et j’irais jusqu’à dire que les sites de réseautages sont l’extention «totalitaire» de cette démarche absurde de l’auto-fabrication de son identité. Une belle manière de vivre sous une cloche de verre, bien à l’abris des erreurs de jugement, des remords, des crises existentielles qui nous font «normalement» devenir (grandir).
M. Baribeau,
Je me promets de lire ce livre. J’en avais entendu parler… Un autre à mettre sur la pile!
J’avais lu il y a un an ou deux le livre de William Reymond sur l’histoire cachée de Coca-Cola, ou comment cette compagnie a « fabriquée » une histoire, une légende, autour de la marque Coca-Cola… En enterrant profondément toute une série de faits historiques qui auraient nuit à la marque. Sidérant.
ÉRIC MILLETTE!
Vous avez mille fois raison. Naomi Klein, dans NO LOGO, analysait la tendance d’imposition des marques, des «brands» et des logos. Mais Christian Salmon prétend que de nouvelles tendances sont apparues depuis la publication de NO LOGO. Ce sont ces nouvelles tendances que l’auteur tente de débusquer et d’analyser.
JSB
en effet Monsieur Proulx, l’exemple de Tupperware est valable, cependant ce qu’on ne dit pas c’est qu’on n’en veut plus de réunion Tupperware dans le salon. Tupperware est maintenant dans les centres commerciaux. Pas plus qu’on veut plein de monde dans le salon ni de céleris cheez whiz, on ne veut pas non plus se faire agresser par la pub SEUL SUR SON ORDI. Les INDIVIDUALISTES que nous sommes devenus ne cherchent que la tranquilité pour ne pouvoir que chiâler sur la température et la neige lorsqu’il rencontre un autre individu. Sur le net, on se contente de ne pas être soi-même et de conter des pipes à qui veut bien l’entendre mais surtout pas préparer des céleris cheez whiz et avoir du monde devant soi et risquer de se faire découvrir tel qu’on est. ¨Ca les publicitaires l’on compris et vont continuer de nous harceler et nous suivre partour dans notre vie. À quand les électrodes pour nous »brainwasher pendant qu’on dort?
Pour répondre à la question de M. Croteau, les électrodes sont à nos portes. Il n’y a qu’
à s’informer sur le neuromarketing pour constater le dérapage.
Ah la pub… monde de fous.
Au delà de Facebook et de Myspace, qui somme toute n’offre que des variantes de pub, jettez un coup d’oeil là-dessus :
http://www.dailygames.com/games/Book-of-Deviants.html
Je ne sais pas si ça marche, mais on y a mit beaucoup d’énergie