Après nous avoir fait poireauter pendant deux longues années, Louis-José Houde revient exhiber ses extraits marrants des archives de Radio-Canada.
Ici Louis-José Houde, c'est 1800 secondes d'extase. J'en aurais bien pris 3600, mais le diffuseur en a voulu autrement.
Il faut dire que la production de cette demi-heure engendre un véritable dédale administratif et légal. Imaginez, il faut – dans la mesure du possible – retracer chaque visage montré à l'écran, lui demander de céder ses droits inaliénables et lui verser un cachet. L'enfer.
Or, il y a quelque chose de terriblement séduisant avec cette émission. Comment dire? Ce n'est pas de la nostalgie. Louis-José nous fait surtout nager en territoire insolite. Éloge du détail en arrière-plan, de la moustache de l'un, des pantalons à pattes d'éléphant de l'autre, de la pub qui vieillit mal et du petit rien qui frise.
Nous sommes dans le registre de la moquerie. Le fou rire d'une société qui se croit à la fine pointe de l'évolution humaine et qui s'amuse des gaucheries d'antan. L'hilarité d'une population qui ne songe pas que, dans 30 ans, elle fera elle-même les frais de la farce.
C'est vrai, quand on y pense.
On rigole un bon coup, aujourd'hui, lorsqu'on voit cette image rétro du type qui conduit sa Chrysler LeBaron avec une grosse Laurentide entre les cuisses. Dans quelques années, on risque de trouver aussi incongrue cette image du type qui conduit son Hummer, le Nokia scotché à l'oreille…
Les archives provoquent deux effets contradictoires.
Parfois, elles nous montrent à quel point le monde change, même si ce n'est pas toujours pour le mieux. D'autres fois, elles nous prouvent que l'histoire se répète. Ici aussi, ce n'est pas toujours pour le mieux.
J'ai expérimenté l'autre jour ce deuxième effet en errant sur le site des archives de Radio-Canada.
Notre société d'État caresse le projet fou de rendre toutes ses archives audiovisuelles accessibles sur Internet. On est loin du but. "À peine 1 % de ce qu'on possède est offert en ligne", dit Louise De Chevigny, directrice de la Médiathèque et des archives de Radio-Canada. Avec près de 12 000 clips radio et télé, il y a tout de même de quoi se mettre sous la dent.
Toujours est-il que je suis tombé l'autre jour sur cet extrait de la défunte émission Médias. En 2000, ce magazine présentait un reportage sur le cirque médiatique qui s'est déroulé du 7 au 9 septembre 2000. L'événement? Un communiqué annonçant que Pierre Elliott Trudeau ne se portait pas bien. Immédiatement, les grands réseaux de télévision ont mobilisé des équipes devant la résidence de l'ancien premier ministre. Des heures durant, les journalistes ont tenu le fort avec rien d'autre de plus à dire que les quelques informations tirées du communiqué.
Le siège a duré deux jours. Pendant ce temps, les seuls événements qui sont venus nourrir l'affaire ont été: 1) L'entrée dans le garage d'une voiture. 2) Un nouveau communiqué confirmant que l'état de santé de Trudeau était stable.
Dans cet extrait de Médias, même Bernard Derome critique cet acharnement. "Il y a quelque chose d'un peu indécent là-dedans, dit-il. Qu'on le laisse mourir en paix!"
Lorsqu'on dit que les archives prouvent que l'histoire se répète, en voilà un bel exemple. Ce reportage n'a pas vieilli d'une nanoseconde. L'acharnement médiatique est toujours aussi courant. On le déplore chaque fois. Mais rien ne change.
Nous entrons dans une ère numérique où le dernier des fantasmes est d'offrir sur le Web l'ensemble des livres, journaux, films, productions télévisuelles et radiophoniques d'hier et d'aujourd'hui. Tout le savoir humain.
Il y a derrière ce fantasme cette noble maxime: "Il faut savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va."
L'idée est belle. Malheureusement, je demeure convaincu que même lorsqu'on disposera des moyens de savoir en trois clics d'où l'on vient… on ne saura pas davantage où l'on va.
Traitez-moi de pessimiste, mais je suis sûr qu'on ne retiendra pas grand-chose.
On continuera surtout de rire de la moustache de l'un et des pantalons à pattes d'éléphant de l'autre.
Ici Louis-José Houde, à Radio-Canada, le lundi 7 avril, 19 h 30
Les Archives de Radio-Canada: archives.radio-canada.ca
TELE /
Les amateurs d'archives seront servis. Après 10 ans d'antenne, Les Francs-tireurs puisent dans leurs 258 épisodes pour nous concocter 10 émissions thématiques. Cette semaine: 10 ans de sexe. Lubrique. Les Francs-tireurs – 10 ans, à Télé-Québec, les mercredis à 20 h, jusqu'au 4 juin. Pour sa 200e, Infoman revisite aussi ses classiques dans un spécial d'une heure. Le jeudi 3 avril, 21 h, à Radio-Canada.
En complément de ma chronique de cette semaine, quelques autres sites d’archives audiovisuelles pas piqués
Lors des nombreuses conférences que je prononce, que ce soit à Saint-Hyacinthe, Moscou ou Saint-Hyacinthe