Avec son documentaire Bacon, le film (2001), Hugo Latulippe donnait à l'industrie porcine ce que Richard Desjardins avait donné deux ans plus tôt à l'industrie forestière: une bonne taloche derrière la tête.
L'élément le plus remuant du documentaire d'Hugo Latulippe, celui qui a largement contribué à son impact, se nommait Bernard Paquette.
La moustache. Le chapeau de cow-boy. Le pick-up. Dans Bacon, Bernard Paquette représentait l'archétype du "méchant" mégaporcheriste. Celui qui met "du beurre sur son pain" en détruisant l'environnement.
À lui seul, le témoignage de ce gros producteur a mieux servi la cause anti-agriculture industrielle que n'importe quel discours écologiste.
Bernard Paquette a laissé Hugo Latulippe le filmer sans connaître les véritables motivations du réalisateur. Le type n'a réalisé qu'après la sortie du documentaire dans quelle fosse à purin il s'était mis les pieds. Lors d'une récente entrevue téléphonique, on peut d'ailleurs constater que le producteur de porc garde toujours une petite rancour envers Latulippe.
"Bonjour, M. Paquette. Mon nom est Steve Proulx, je suis journaliste pour l'hebdomadaire Voir. Vous souvenez-vous d'Hugo Latulippe?
– Le tabarnac! C'est un ostie de trou de cul!"
Rappelons que Bacon, le film a été tourné voilà huit ans.
"Moi je gagne ma vie, pis je la gagne honnêtement, pis il y a assez de lois icitte au Québec…
– M. Paquette, comment Hugo Latulippe vous a-t-il convaincu de participer à son film?
– Ah, c'est parce que je fais un festival à L'Ange-Gardien, pis il voulait parler de porc, faire connaître le porc… Crisse! T'as même pas vu une photo du festival dans son film, tabarnac! C'était rien que pour parler contre le porc, que ça pollue, pis que c'est ci, pis que c'est ça, pis qu'on est des bandits…"
Bernard Paquette organise chaque été le Festival country du porc de L'Ange-Gardien. Dans ses loisirs, l'entrepreneur aime aussi chanter la parole de Dieu sur des airs country.
"M. Paquette, est-ce que…
– Excuse-moi, je ne veux plus parler aux journalistes. Vous êtes des trous de cul, tabarnac! Le vrai mot, c'est ça.
– Si Hugo Latulippe voulait faire un autre film sur l'agriculture, est-ce que…
– Ostie, dans le cul, Hugo Latulippe! Je veux pus parler à ça! Ça te donne-tu une bonne idée, là?
– Oui. Merci beaucoup."
Vous ne serez pas surpris d'apprendre que Bernard Paquette ne participe pas à Manifestes en série, la nouvelle série documentaire qu'Hugo Latulippe présente dès lundi prochain sur les ondes de Canal D.
En fait, pour faire court, il n'y a pas de "méchants" dans les huit épisodes thématiques de la série. Que des gens inspirants qui "bâtissent le Québec de demain". Que des "citoyens conscientisés". Que des "apôtres du petit pas ou déplaceurs de montagnes". Que des héros qui sont à l'opposé des Bernard Paquette et des chantres de l'économie néolibérale tant honnie. Dans le premier épisode qui porte sur l'agriculture, on croise un honnête pêcheur de homards, un petit artisan fromager, un producteur de lait bio, Daniel Pinard, un gars d'Équiterre et Laure Waridel.
"J'ai voulu filmer la lumière", dit Hugo Latulippe. L'intention est noble. La série n'est d'ailleurs pas dénuée d'intérêt. Loin de là. Par contre, j'en suis sorti moins bouleversé, moins secoué que lorsque j'avais visionné Bacon, le film.
Et j'ai trouvé pourquoi: il manque le méchant.
Le documentariste qui défend une cause secoue efficacement le cocotier lorsqu'il montre ceux qu'il accuse. C'est clair.
Si ce n'était pas le cas, les amis des phoques n'investiraient pas autant de temps et d'argent dans le filmage des chasseurs de phoques.
Et Michael Moore n'aurait pas à ce point cherché à obtenir une entrevue avec le regretté Charlton Heston, acteur et ex-président de la National Rifle Association, pour son film antifusils Bowling for Columbine.
Et Hugo Latulippe n'aurait pas passé toutes ces heures dans le pick-up de Bernard Paquette pour Bacon, le film.
C'est le seul défaut de Manifestes en série. Sans "méchants", sans opposition, le discours est monochrome. Tout le monde parle dans le sens du poil. Seuls les convertis risquent d'écouter.
Manifestes en série, à Canal D, dès le lundi 14 avril, 21 h.
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TELE /
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