Les résidents de Québec ont été surpris de trouver, le 5 avril au matin, une belle grosse enquête sur le bonheur à la une du Journal de Québec. Surpris, car un autre sujet nourrissait les discussions au village ce matin-là: l'incendie qui avait ravagé la veille le Manège militaire.
"L'affaire a créé une petite bombe à Québec, observe l'éditorialiste du Soleil Pierre-Paul Noreau. Les animateurs de radio ont fait tout un chiard là-dessus."
Dans les pages du Soleil, un citoyen furieux y est allé d'une lettre aux éditeurs du Journal de Québec: "Comment un journal qui se dit de Québec peut-il manquer la une de l'année? […] Je suis tanné, scandalisé, outré que votre contenu soit dirigé par Montréal. Honte à vous."
Ce rendez-vous raté entre l'incendie du Manège militaire et la une du Journal de Québec a rappelé à ceux qui l'avaient oublié que, depuis bientôt un an, le quotidien de Quebecor tourne sans ses journalistes.
Eh oui, 252 syndiqués sont en lock-out et en grève depuis le 22 avril 2007. Ils se gardent occupés en publiant le MédiaMatinQuébec, un quotidien gratuit distribué à 40 000 exemplaires et censé nuire au Journal de Québec.
Mais le conflit s'étire malgré tout. Il a déjà fracassé le record du plus long conflit de travail dans l'histoire des quotidiens francophones au Québec.
L'automne dernier, le syndicat des employés du quotidien a déposé une plainte devant la Commission des relations de travail (CRT). Le Journal de Québec aurait recours à des scabs pour abattre la besogne des syndiqués. C'est au fil de ces audiences devant la CRT que l'on découvre comment Le Journal de Québec s'y prend pour paraître chaque jour, comme si de rien n'était, même s'il manque 252 employés au poste.
Depuis bientôt un an, les cadres du journal tiennent le fort. Le quotidien serait en grande partie imprimé à Mirabel et les pages, montées à Toronto. Le contenu provient du Journal de Montréal, du portail Canoë et des scribes de Nomade, une agence de presse créée quelques mois après le déclenchement du conflit à la demande du patron de Quebecor, Pierre Karl Péladeau. Une boîte de communication de Québec, Côté Tonic, aurait effectué en sous-traitance du montage graphique de publicités. Un boulot qu'exécutaient les syndiqués avant le conflit.
Pour tout dire, Le Journal de Québec n'est plus qu'un agrégat de morceaux divers, livré chaque matin sous la forme d'un quotidien.
Quebecor semble en fait profiter du conflit pour faire du Journal de Québec une plate-forme d'expérimentation destinée à tester le modèle dont rêve depuis longtemps Pierre Karl Péladeau: un quotidien qui serait le fruit de la synergie entre les composantes de son empire médiatique.
Pour l'heure, d'un point de vue strictement business, l'idée semble assez bien fonctionner.
Les chiffres NadBank pour 2007 montrent que Le Journal de Québec a perdu 17 000 lecteurs en semaine. Or, si Le Soleil a de son côté fait le plein de lecteurs, le quotidien de Quebecor est encore numéro 1 dans la Vieille Capitale six jours sur sept. Il n'a laissé la pole position au Soleil que le dimanche (avec 20 % des parts contre 22 % pour Le Soleil).
Côté lectorat, nous sommes donc loin de l'effondrement.
Le Journal de Québec n'a pas non plus perdu tous ses annonceurs. Hormis quelques initiatives isolées, aucun mouvement de boycottage du côté de la communauté des affaires.
Résumons: avec un contenu congloméré, Le Journal de Québec réussit toujours à attirer lecteurs et annonceurs… Tout ça en ayant 252 employés de moins à payer (et à très bien payer, puisque les conditions des syndiqués avant le conflit n'étaient pas tout à fait conformes à la définition du mot "exploitation").
Pour l'instant, Quebecor gagne donc la bataille économique. Toutefois, la bataille de l'image pourrait lui échapper.
Avec des épisodes tels que le ratage de la une de l'incendie du Manège militaire, le mot pourrait se répandre assez vite que ce journal n'est pas digne de se dire "de Québec".
Et dans un gros village, voilà le genre de cancan qui peut faire du grabuge…
TELE /
Pour souligner le Jour de la Terre, le 22 avril, TV5 présente un joli documentaire portant sur une nouvelle tendance: les cabanes dans les arbres. Oubliez le refuge précaire que vous aviez à 10 ans. Les cabanes dans les arbres pour adultes sont tout équipées… même d'une salle de bain! Branché arbres, le mardi 22 avril, 22 h.
Pour ceux qui l'ont raté au cinéma, le remuant documentaire Le Peuple invisible de Richard Desjardins passe à Radio-Canada. Le jeudi 17 avril, 20 h.
Pingback depuis Burp : Qu??bec : hier, aujourd’hui et demain
Résidant à Québec depuis maintenant 2 ans, je ne peux m’empêcher de remarquer un nombre important (assez pour ne pas en faire qu’un cas isolé) de personnes qui réfère au Journal de Québec comme le « Journal du Québec ».
Quoi quoi le chauvinisme de la Ville de Québec ne cessera jamais de m’épater.
C’est bien triste mais il m’arrive de penser que de nombreux patrons des médias rêvent du jour où le métier de journaliste sera une réminiscence d’un passé depuis longtemps révolu. Avec la mode (et le concept) du DIRECT, nul besoin de la médiation journalistique. En effet, on voudrait que tout devienne immédiat plutôt que «médiatisé». Il y a un conflit entre l’immédiat, souvent trompeur, et le «médiatisé» qui, lui aussi, est éventuellement distordu ou «biaisé».
Moi, ce qui me frappe, c’est que les chaînes d’information continue présentent de plus en plus une pléthore lassante de points de presse et de conférences de presse. Autrefois, il y a longtemps de cela, c’étaient des journalistes, souvent chevronnés, qui assuraient la couverture des points (ou conférences) de presse. Maintenant on supprime les autres nouvelles pour imposer aux téléspectateurs de longues et pénibles conférences de presse. Ce faisant, on enlève aux journalistes leur rôle médiatisant et filtrant (pour le meilleur et pour le pire).
Ce qui se passe à Québec est grave, révélateur et symptomatique. Et désolante est l’attitude de Julius Grey, tout comme celle du démago Martineau (FRANCHEMENT DÉMAGO).
Les journalistes sont des êtres imparfaits dont les choix rédactionnels sont souvent discutables, dont les visions personnelles «contaminent» parfois l’information. Mais si les journalistes disparaissaient ou s’estompaient, ce serait une régression majeure. Que des citoyens «ordinaires», sur le Web, livrent diverses informations «différentes», cela peut aller et c’est souvent très intéressant.
Mais supprimer un métier dans lequel on exige de la rigueur, de la vérification et un effort d’objectivité, là ça devient tragique.
Que nous le voulions ou non, les informations devront, pour la plupart, être médiates plutôt qu’immédiates. Et en ce qui concerne les informations médiates, je compte, avec une bonne dose de méfiance méthodologique, sur les journalistes bien formés.
JSB
je ne comprend pas comment le journal fonctionne aujourd’hui avec beaucoup moins de journaliste, d’infographiste… et en plus il se pogne le cul le 3/4 de la soirée, pour un sallaire beaucoup moindre! donc il devait y avoir du monde payer a rien faire certain!!!!!