Vous vous souvenez peut-être de ce jingle publicitaire:
"Christin, sur Sherbrooke Est, mon concessionnaire GM.
C'est moé le roi dans l'Est, pis j'te fais des prix que t'aimes.
Viens chez Christin! Pour payer moins, viens chez Christin!"
Cette ritournelle promotionnelle est collée dans ma mémoire depuis presque 20 ans. Ineffaçable. Je l'ai attrapée à la radio à l'âge de 12 ou 13 ans.
À l'époque, je travaillais les week-ends au nettoyeur de mon père, sis rue de la Montagne à Valcourt, juste devant la shop de Ski-Doo.
La radio était toujours allumée et l'aiguille bloquée à 96,9 FM, "CKOI, LA PUISSANCE MUSICALE À MONTRÉAL".
Ne me demandez pas qui étaient les animateurs à l'époque, et encore moins ce qu'ils avaient à dire. Ne me demandez pas non plus de me souvenir du titre et de l'interprète du hit de l'été.
Mais demandez-moi de vous réciter le sonal de "Christin, sur Sherbrooke Est" et je m'exécute sans fausse note.
On peut bien déplorer le manque de diversité musicale ou l'insignifiance des animateurs qui sévissent sur les ondes de ces stations, il faut cependant reconnaître une chose: pour imprégner dans la mémoire à long terme le nom d'un concessionnaire automobile, il n'y a pas mieux qu'une radio commerciale.
Or, c'est exactement pour cette fin qu'elles existent. Rien d'autre.
Les stations hyperactives qui promettent plus de hits et plus de fun sont là pour vendre un public à des annonceurs. Un public aussi large que possible, appâté par un contenu aussi bon marché que possible.
Ainsi, depuis longtemps, des comiques qui déconnent entre deux chansons pop et un combo circulation/météo s'avèrent une recette gagnante pour les radios commerciales.
Le CKOI 96,9 FM que j'écoutais lorsque je travaillais au nettoyeur de mon père est à peu près le même que celui que j'ai écouté la semaine dernière pour les besoins de cette chronique.
Après une heure d'écoute, j'avais compté 30 messages publicitaires.
Disons que j'ai compris assez vite que Brault & Martineau paie la TPS et la TVQ pour un temps limité sur ses ensembles de cinéma maison.
La recette fonctionne encore. Mais pour combien de temps?
Avec l'arrivée des radios en ligne, de l'iPod, de la radio satellite, du réseau Galaxie de musique continue, les auditeurs ne sont plus forcés d'encaisser 30 pubs à l'heure pour pouvoir entendre les mêmes quatre chansons diffusées en boucle. Le compromis n'est plus satisfaisant. Beaucoup décrochent.
Résultat: les stations commerciales piquent du nez. À Montréal, la station Énergie 94,3 FM a perdu depuis un an 3,4 points de part de marché (selon BBM). Elle a attiré cet hiver 9,4 % de l'auditoire francophone. Son concurrent, CKOI 96,9 FM, a perdu 1,3 point pendant la même période (7,1 % de part de marché).
Les radios-matantes aussi pâtissent. Rythme FM (12,3 %) a perdu 2,2 points au cours de la dernière année et RockDétente (10,2 %) a baissé de 1,2 point.
En revanche, les radios parlées gagnent du terrain. La Première Chaîne de Radio-Canada est la station la plus écoutée par les francophones à Montréal (14,2 %, une croissance de 2,9 points depuis un an). Vient ensuite le FM parlé 98,5 (12,7 %, +2,3 points depuis un an).
Pour freiner leur recul, les radios commerciales préfèrent demander au CRTC d'abaisser ses quotas de musique francophone, car les chansons françaises "empêcheraient de rejoindre les jeunes". Peut-être.
Mais à mon avis, les problèmes des radios commerciales sont plus lourds qu'une simple question de quotas.
Les nouvelles technologies ont soufflé sur le château de cartes que les radios commerciales ont érigé en modèle d'affaires.
Désormais, pour graver le nom du concessionnaire dans l'esprit du public, les CKOI de ce monde devront faire entendre autre chose. Quelque chose de neuf, de rafraîchissant, d'original, de mieux que ce qui est offert ailleurs (et sans publicités).
Les radios commerciales entrent dans un processus de destruction créatrice. Elles devront se réinventer.
Et le plus tôt sera le mieux.
RADIO /
Des nouvelles d'une station pas commerciale du tout: CIBL 101,5 FM, la radio communautaire de Montréal. Depuis 1980, la station qui a fait naître le groupe RBO diffuse depuis le Pavillon d'éducation communautaire d'Hochelaga-Maisonneuve, boulevard Pie-IX. Or, l'immeuble commence à faire pic-pic. Le plancher de la discothèque menace même de s'effondrer sous le poids des milliers de disques! Bref, CIBL veut déménager. Et pas n'importe où: au cour du centre-ville, dans le Quartier des spectacles. La radio communautaire veut partager son rêve avec le public lors d'un événement qui se tiendra le lundi 28 avril prochain, de 17 h à 19 h, à la SAT (1195, boulevard Saint-Laurent).
Détails sur www.onaunreve.com.
Très bonne chronique! :o)
Je me demande…
Si les jeunes accrochent beaucoup aux jiggles publicitaire, serait-ce parce qu’ils ont déjà intériorisé le médium ?
Si nos aînés ont été les cobayes du marketing (avec l’évolution des techniques de communication), nous sommes nés dedans (et les plus jeunes encore davantage). Or, maintenant qu’on se dirige vers l’âge adulte pour certains ou que nous commençons notre vie d’adulte, les publicitaires n’ont plus besoin de venir nous chercher avec insistance, nous réclamons de nouveaux produits de façon autonome. Nous les cherchons avec insistance. De sorte que les messages publicitaires deviennent répétitifs. Ce qu’ils nous disent, nous le savons déjà, nous y adhérons déjà.
Société de consommation oblige! Quand les radions FM ont fait leur apparition et détruisant par la fait même les stations AM, c’était l’apocalypse! Mais la roue tourne, les moeurs évoluent au rythme des technologies. Avant c’était quoi? Tu écoute du AM? Maintenant ça sera quoi tu écoute la radio FM commerciale?
Alors nul besoin d’être prophète pour voir venir le déclin de l’empire radiophonique commerciale. Un peu comme les journaux, l’innovation et la modernisation du produit est essentiel.
Avant c’était Christin, maintenant c’est Madonna qui fait des annonces!!
Ça me semble beaucoup trop facile de proposer que tous ces phénomènes sont en continuités ; qu’ils font tous partis d’une suite cohérante d’évènements obéissants aux même finalités. Exemple : l’internet est la suite logique des journaux ou de la télévision.
Toutes ces histoires comme autant de preuves d’une seule logique de l’Histoire, d’une seule évolution de l’humanité à travers ses machines me laissent complètement froids ; je n’y crois pas. D’autant plus que cela court-circuite toutes formes d’analyse nouvelle, de réflexion sur notre présent. Dès que l’on cherche à formuler des hypothèses ou que l’on tente d’expliquer les conséquences présentes et possibles des technologies nouvelles, on répond bêtement que c’est identique au passé, on sort l’évangile de l’évolution culturelle de l’Homme, etc. Des clichés, des préjugées qui cachent la vérité funeste de ces phénomènes. Toujours les mêmes idées, les mêmes explications afin que l’on reste enthousiaste et positif face aux « avancées » technologiques.
On ne peut plus être radicalement contre cette idéologie aveugle sans se faire accuser de pessimisme, ou pire d’ignorance de l’Histoire (comme si l’Histoire se suffit à elle-même).
Il se passe des choses radicalement nouvelles dans le présent et il me semble que nous avons le devoir de mettre sur pied une grille d’analyse radicalement différente si l’on veut comprendre ce qui se passe. On ne pourra pas éternellement expliquer le présent et ses phénomènes en les réduisant à une pure mécanique historique. On se fait couper l’herbe sous le pied!