Mis à part le musée Coca-Cola et quelques curiosités mormones, les journalistes n'avaient pas grand-chose à dire sur Atlanta, l'hôte des Jeux olympiques de 1996.
Quatre ans plus tard, aux Jeux de Sydney, il y avait bien le kangourou, le koala et quelques autres représentants de la faune endémique australienne, mais dans l'ensemble, rien de bien croustillant à se mettre sous la dent. Et en 2004, à Athènes, on s'est surtout étendu sur le caractère historique de la ville, berceau de l'olympisme.
Disons-le crûment: depuis 12 ans, nous avons droit à des Jeux pépères, tenus dans des villes propres, propres, propres.
D'ailleurs, il est à peu près certain que l'événement aurait été aussi tranquillos si le Comité international olympique (CIO) avait choisi Toronto pour les Jeux de 2008.
Pensez-y. Les journalistes du monde entier se seraient émerveillés pendant quatre minutes et demie devant les chutes du Niagara, situées juste à côté… Ensuite? On serait retourné au sport.
Et les athlètes auraient volé la vedette.
Sauf que le CIO a choisi Pékin. En 2001, lorsque le monde a appris la nouvelle, l'actualité internationale a grincé des dents.
Un chroniqueur du National Post a qualifié la décision de "cynique et irresponsable".
Reporters Sans Frontières et moult organismes pro-Tibet ont immédiatement lancé des appels au boycottage des Jeux. Les bien-pensants ont grimpé dans les rideaux. "Scandale!" Comment avait-on pu confier l'organisation des J.O. à un pays où le gouvernement communiste bafoue les Droits de l'homme à tour de bras?
Aux États-Unis, le secrétaire d'État Colin Powell a souhaité que ces Jeux aident la République populaire de Chine à cheminer vers la démocratie politique. On s'est alors empressé de rappeler que les Jeux olympiques de Moscou (1980) n'avaient pas démocratisé l'URSS, pas plus que les J.O. de Berlin (1936) n'avaient aidé l'Allemagne nazie à se dénazifier.
Enfin, on s'est demandé si les multinationales occidentales, désireuses d'envahir le marché de 1,3 milliard d'humains qu'est la Chine, n'avaient pas un peu tordu le bras au CIO.
Bref, dès 2001, on a senti que les Jeux de Pékin n'allaient pas être aussi pépères que ceux d'Atlanta ou de Sydney.
À moins d'une semaine de la cérémonie d'ouverture, on se rend bien compte que ces Jeux olympiques seront les "vrais" premiers J.O. du XXIe siècle. Les plus marquants, jusqu'ici.
Pendant deux semaines, trois milliards de vous et de moi suivront cet énorme show de boucane organisé par une dictature qui souhaite affirmer son statut de prochaine puissance économique mondiale.
C'est du sérieux.
Et tout ce que craint cette dictature, c'est l'humiliation publique. Ce qui risque fort d'arriver.
L'affaire, c'est qu'il y aura sur place plus de 20 000 journalistes étrangers, tout équipés et gonflés à bloc. Imaginons 20 000 gamins bourrés de sucre lâchés dans un magasin de porcelaine. Il y aura des pots cassés, c'est sûr.
Parce qu'on les connaît, les journalistes. Entre deux compétitions sportives, ils auront envie d'aller là où ça pue. Et ils iront jusqu'à ce qu'un flic chinois leur barre la route en foutant sa main dans le kodak.
Du coup, on aura droit à un autre topo sur le contrôle des médias par les autorités chinoises, avec l'image du flic qui fout sa main dans le kodak.
De Pékin, le journaliste de Radio-Canada Michel Cormier soulignait d'ailleurs sur son blogue que le gouvernement chinois est si obsédé par l'idée de protéger l'image du pays qu'il ne lésine pas sur les moyens pour cacher ses oripeaux moins reluisants. Tellement que cela "ne fait que révéler à quel point la dissidence n'est pas permise."
La "menace médiatique", cette puissance qui imposera à travers le monde "libre" l'image d'un pays bourré de flics qui mettent leurs mains devant des caméras, n'est toutefois qu'une partie des humiliations que ces Jeux pourraient infliger à la Chine.
Ajoutez-y les multiples menaces terroristes, le smog qui pourrait compromettre la tenue de certaines compétitions, les prévisibles manifestations d'indépendantistes tibétains, l'absence de certains dirigeants à la cérémonie d'ouverture, et l'on comprend pourquoi le magazine L'actualité a raison de dire que ces Jeux olympiques seront ceux "de tous les dangers".
Or, lorsque les périls qui planent sur des Jeux suscitent plus d'intérêt que les Jeux eux-mêmes, je ne pense pas que ce soit un plus pour l'olympisme.
La Cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, à Radio-Canada, le vendredi 8 août à 7 h 30 (en reprise à 18 h 30).
La chronique Médias fera relâche pour les deux prochaines semaines. De retour le 21 août.
Si vous avez manqué l’émission « La tribune » de la SRC, ce mercredi midi, il faut écouter le début de cette émission sur le site web :
http://www.radio-canada.ca/radio/maisonneuve/30072008/104142.shtml
Robert Ménard, secrétaire général de Reporter Sans Frontières à Paris, y fait un bilan très sévère (et nécessaire) de l’organisation des Jeux par les autorités chinoises.
On y sent la colère et l’indignation face au manque de respect de la Chine envers les droits de l’homme malgré leurs engagements de 2001.
Un beau moment de radio estivale qui est à l’honneur du remplaçant de Pierre Maisonneuve. Je vous dirais bien son nom mais je ne le vois nulle part sur le site… :-S
M. Boudrias, j’ai moi aussi écouté La tribune et entendu la diatribe de Robert Ménard au sujet des droits de l’homme en Chine. Bien que je partage les préoccupations qu’il y a exposées, j’ai encore, comme à chaque fois, ressentis un malaise face à son organisation. À chaque fois, je me demande pourquoi cet organisme financé par la NED (National Endowment for Democraty) ne s’appellerait pas plutôt Activisme Sans Frontière. Je vous rappelle par exemple, que Robert Ménard lui-même avait escaladé la tour Eiffel pour y accrocher une banderole lors du passage de la flamme olympique à Paris. Je me demande si les organisations professionnelles de journalisme approuvent cette façon de faire du journalisme. Si on en juge d’après leur mutisme, on peut être porté à croire que oui.
Enfin, autre question qui me rend cette organisation un peu suspecte, c’est que peu importe le pays où elle intervient, son discours est toujours en droite ligne avec celui de l’administration Bush. Alors je crois qu’il faut garder les yeux ouverts face à toutes ces organisations sans frontières qui cherchent à s’arroger la crédibilité bien établie de Médecins Sans Frontière.
D’après ce que j’en ai vu à l’émission Envoyé Spécial (TV5), Robert Ménard n’a pas lui-même escaladé la Tour Eiffel. Ce sont deux alpinistes professionnels qui l’ont fait. Ménard était plutôt caché dans la cathédrale Notre-Dame pour faire son coup d’éclat au passage de la flamme olympique.
Cela dit, j’ai partage avec vous plusieurs bémols envers Reporters Sans Frontières. Surtout envers Robert Ménard, en fait. Car si la cause est noble, l’organisation et la tête dirigeante est douteuse. Robert Ménard devrait quitter RSF.
D’où le pourquoi, même s’ils m’ont envoyé leur t-shirt au bureau, je ne le porterai pas…
Merci de la précision, M, Proulx. Mais comme vous en convenez, ça ne change rien quant à la prudence que nous devons avoir envers cet organisme. Comme envers tout organisme d’ailleurs. Quand on met beaucoup d’énergie à nous informer, il faut toujours s’interroger dans quel sens on cherche à formater nos esprits. Et dans quel but? Et pour servir les intérêts de qui? Alors restons prudents.
Depuis des décennies que les Jeux Olympiques ont perdues le lustre du sport amateur et de la fraternité universelle. Le dopage a profusion et l’argent a profusion , le clivage entre les pays riches et les pays pauvres on fait de ces Jeux une compétition inégale et artificielle !
Ce qui est maintenant intéressant lors de ces jeux c’est le méméring médiatique , l’hypocrisie des hôtes et cette fausse impression de village global ! La Chine essaiera de cacher son côté sombre mais n’y parviendra pas , le jupon est tellement gigantesque qu’il dépassera toujours !
Il n’y a pas que la Chine qui agit de cette façon devant la visite , souvenons nous de notre illustre maire Drapeau qui a tout fait pour cacher les itinérants et la pauvreté de Montréal lors de l’Expo 67 !!!!!!
En fait, ce qui arrive avec RSF, c’est que le nom de l’organisation évoque en nous cette notion de liberté et d’égalité propres à d’autres organisations aux buts très louables, comme MSF. Par contre, RSF, mis à part le « SF », n’est pas aussi neutre et désintéressée qu’elle le prétend… Je vous suggère d’ailleurs une analyse très pertinente et appuyée sur le sujet : Le dossier Robert Ménard, Pourquoi Reporters sans frontières s’acharne sur Cuba? de Jean-Guy Allard. On se rend bien compte que Ménard sert des intérêts bien précis, et qu’il tait et pointe du doigt ce qui veut bien servir ses dits intérêts. Bref, RSF profite de la candeur de son nom…
Je m’étais farouchement opposé aux Jeux Olympiques à Pékin à cause du conflit avec le Tibet qui est plus qu’un scandale, presqu’un génocide.
Mais comme vous le dites si bien avec les centaines de journalistes qui seront sur les lieux ce sera peut-être une chance pour le monde de connaître la Chine et sa politique envers le Tibet et ses propres citoyens.
En voyant aussi ce que peut faire une prospérité sauvage sans tenir compte du ravage fait à l’environnement, ce que nous avons fait allégrement depuis plusieurs décennies sans nous en soucier véritablement. Mais la Chine avec son milliard d’habitants est sans doute le plus bel exemple de ce que peut engendrer une prospérité irréféchie.
Personnellement j’en ai assez, plus qu’assez, de l’olympisme et de toute la propagande ridicule et gnangnan qui va de pair avec les Jeux Olympiques.
De plus j’en ai assez d’entendre parler des Chinois. Et la politique chinoise au Tibet n’est pas la seule raison de mon écoeurement. Toute société fondée sur la répression et la censure me répugne profondément. En organisant les JO à Pékin, on entérine le régime chinois.
Qu’on me comprenne bien! La Chine est un pays réel et de très grande importance. Il y a, en Chine, une culture millénaire, une grande civilisation ancrée dans un passé dense et touffu. Quand je condamne la Chine, je le fais en m’appuyant sur mes valeurs de libre expression et de démocratie.
Mais je n’y peux rien! Une société qui tient mordicus à maintenir la peine de mort est une société qui me dégoûte. Surtout qu’en Chine on exécute parfois les «condamnés» en leur tirant une balle dans la tête. Et ce sont les familles (ou les amis) qui doivent rembourser à l’État le coût de la fameuse balle. C’est une façon de signifier qu’un «dissident» ou un «criminel», cela n’a aucune valeur.
Alors je dis ZUT à l’olympisme et à la dictature chinoise.
JSB
Sommes-nous vraiment surpris de ce qui se passe en Chine? N’était-ce pas prévisible?
Comme M. Proulx l’effleure dans son billet, le véritable objectif est plus économique que sportif. Un événement olympique, c’est une série de nouveaux stades. C’est du béton, du plastique, de la machinerie lourde, des expertises qui peuvent être fabriqués en Chine mais qui peuvent aussi être commandés partout à travers le monde. Un événement olympique, ça fait bouger l’économie au même titre qu’une belle guerre. Les humains mangent la claque mais les portefeuilles se remplissent.
Et heureusement, on est passé à côté du boycott des épreuves sportives. Le comble, ça aurait été de faire porter l’odieux aux athlètes alors que nos businesspeople auraient continué à s’en mettre plein les poches. Mais à part pouvoir finalement se lancer dans leurs épreuves sportives respectives, les athlètes auront très peu d’attention.
On préfèrera se lamenter sur le manque de médailles alors que les médias se seront foutu des athlètes (les vrais, pas ceux payer 1 million$ pour compter 2 buts par année) pendant 4 ans.
On préfèrera s’offusquer de manipulation génétique alors que les médias se plaignent lorsqu’il n’y a pas un record mondial à la minute (il faudra se rendre à l’évidence: un 100 mètres, ça ne se court pas en moins de 5 secondes, il y aura une fin aux records).
On préfèrera parler aux athlètes des entorses aux droits humains en Chine (alors que ce ne sont pas eux qui ont choisi la Chine comme destination) plutôt que du dépassement de soi (même ceux qui ne sont pas médaillés auront tout donné).
Ce qui est le plus dérangeant avec ces Jeux, c’est l’hypocrisie générale. La Chine bafoue les droits des tibétains depuis des lunes. On a à peine parler de la répression des moines lors de leur manifestation pacifique. On a à peine voulu émettre du bout des lèvres des réticences quant à la façon de gérer les droits humains. Mais quand on en vient aux Jeux Olympiques, on tombe de sa chaise. On ne tombe pas de sa chaise quand chaque petite municipalité du Québec entreprend sa mission-Chine avec les entrepreneurs locaux. On ne tombe pas de sa chaise quand on achète un gugusse fabriqué en Chine au Magasin du Dollard.
Ces Jeux ne seront pas les Jeux des athlètes mais du danger. Mais malheureusement, même dans le passé, les Jeux ne sont jamais ceux des athlètes, M. Proulx. Les Jeux peuvent être les Jeux des millionnaires du hockey qui daignent participer aux Jeux d’hiver. Les Jeux peuvent être les Jeux des conflits linguistiques au sein de l’équipe canadienne. Les Jeux peuvent être les Jeux de la course effrenée à la médaille d’or. Le seul moment où les Jeux ont été ceux des athlètes fût quand une chaine de télé québécoise décernait ses Lys d’Or. Elle relativisait les résultats et comprenait qu’une 10e place en athlétisme est plus impressionnante qu’une médaille de bronze en curling. Elle nous rappelait que le dépassement de soi ne passe pas que par les médailles. Mais le dépassement de soi ne se monnaie pas. Alors qu’une médaille made in China…
Le peuple chinois a donné naissance à de grandes choses. Précurseur dans plusieurs domaines, il a, entre autres, inventé la poudre à canon, dont on rapporte l’apparition en Chine au VIe siècle.
Hier, il a offert au monde un spectacle pyrotechnique à couper le souffle, un ballet de feu et de couleurs qui a ému des millions de (télé)spectateurs.
Et cependant qu’explosaient toutes ces flammes rouges, vertes et bleues dans le ciel noir, cependant que cette grandiose démonstration de beauté souffletait les visages ouverts, je me disais qu’il était bien triste et bien honteux que cette poudre magique ne serve pas seulement à alimenter de merveilleux feux d’artifices…
Les jeux olympiques de Pékin: double célébration cynique.
Célébration générale de la pure volonté de puissance chez les individus et les nations par une pratique athlétique qui est dépourvue de sa véritable humanité. La recherche record des performances lorsqu’elle devient infinie c’est effectivement parce qu’elle passe par la consommation de produits chimiques qui fait de l’athlète un surhomme artificiel mais plus un homme.
Célébration également d’une nouvelle puissance mondiale; la Chine qui semble avoir réussi à marier deux systèmes qui fonctionnent au rouleau compresseur: le totalitarisme politique qui élimine toute dissidence ou marginalité chez l’être humain, le capitalisme sauvage qui sacralise une totale inégalité sociale.
La célébration d’un tel pays en mutation virale en dit long sur les « élites mondiales » qui supervisent notre monde.
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