Angle mort

Un automne de coups sûrs

Télé: une rentrée sans points mais avec des coups sûrs.

Rassurez-vous, il n'est pas question de baseball dans cette chronique. Un peu, peut-être, de façon métaphorique. Sans plus.

Dans quelques semaines, l'été sera déjà un souvenir. Allez-y, pleurez. Dans la pluie, on n'y verra que du feu…

Bref, l'automne rappliquera et, avec lui, la traditionnelle rentrée télévisuelle. Une rentrée qui, du côté des chaînes généralistes, provoque chez moi un niveau modéré d'excitation de poils des jambes.

Il y aura du bon, certes. Mais rien qui décoiffe. Rien de particulièrement original. Rien de révolutionnaire comme Le cour a ses raisons, Minuit, le soir ou Les Bougon.

Ce sera un automne de coups sûrs (le voici, mon lien avec le baseball, doublé d'une référence à un film à l'affiche en ce moment).

Au baseball, le coup sûr est un coup qui permet au frappeur d'atteindre la première base. En télé, je dirais qu'il s'agit d'une émission susceptible d'attirer sans grand risque un nombre convenable de téléspectateurs.

À la SRC, trois nouvelles séries dramatiques débarquent. Un trio McComique.

Il y a d'abord La grosse vie, sitcom dans laquelle Normand Brathwaite joue son propre rôle dans un monde inventé. Concept déjà un peu beaucoup vu.

Il y a aussi Roxy, mettant en vedette l'humoriste Cathy Gauthier qui incarne une fille de l'Abitibi qui débarque dans la "grand' ville". Variations sur le thème des difficultés d'adaptation à la vie urbaine. On devrait s'en tirer avec quelques gags sur les péteux de broue du Plateau. Ah, ah, ah.

Troisième nouveauté à Radio-Canada: Les Parent. Sketches de trente secondes à deux minutes, avec Anne Dorval et le frisé qui couchait avec Dominique Michel dans Le déclin de l'empire américain. On nous promet Un gars/Une fille, format familial.

Et c'est tout ce qu'il y aura de neuf du côté des séries dramatiques à la société d'État. Peut-on parler ici d'émissions à indice élevé d'audace?

Je crains que non.

Heureusement que les retours (Sophie Paquin, C.A., Les étoiles filantes) sauvent la mise.

TVA propose quant à lui un grand total de zéro (0) nouvelle série dramatique. On se garde les nouveautés pour l'hiver 2009.

Nonobstant, la télé de Quebecor gagnera encore sans surprise la guerre aux cotes d'écoute avec sa collection d'attrape-public d'une efficacité redoutable: Occupation double, Le banquier, Dieu merci!, Les auditions de Star Académie. À ce bouquet se jouxtera cet automne La cour des grands, nouvelle émission dans laquelle Gregory Charles découvre de jeunes talents musicaux.

Quant à TQS, on mettra à l'antenne les séries qui étaient sensées être diffusées l'hiver dernier, soit Bob Gratton, Grande fille et 450, chemin du Golf. Bof.

Notre télévision est-elle en panne d'audace? La question vaut la peine d'être posée autrement: notre télé a-t-elle les moyens d'être audacieuse?

Même le plus cruche des investisseurs sait que dans un contexte d'incertitude économique, mieux vaut acheter des placements garantis.

C'est un peu ce que semblent faire les directeurs des programmes des chaînes généralistes, eux qui évoluent dans un univers incertain.

Les temps sont durs pour les généralistes. Les chaînes spécialisées grappillent désormais 39 % de l'auditoire global, comparativement à 17,8 % il y a 10 ans (BBM). La marge de profits des généralistes est passée à 7 % en 2006, selon le CRTC, alors que celle des spécialisées était de 23 % la même année. On sait que les chaînes spécialisées mettent relativement peu d'argent à l'écran tout en percevant, en plus des revenus publicitaires, les lucratifs "revenus d'abonnement". Dans le contexte télévisuel actuel -fabriqué de toutes pièces par le CRTC -, les chaînes généralistes sont clairement perdantes.

En 2007, Radio-Canada a même vu fondre ses revenus de 9 %, alors que TQS n'est plus que l'ombre de lui-même (déjà qu'il n'était pas grand-chose). Seul TVA, grâce à la convergence de Quebecor, semble s'en sortir.

Du coup, puisqu'elles sont dépendantes des revenus publicitaires qui représentent 76 % de leurs revenus, les généralistes ont de moins en moins le goût de tout risquer avec des productions originales qui pourraient piquer du nez (ou passer à l'histoire). Elles préfèrent jouer safe. Et une comédie en soirée, ça marche toujours.

Plus les automnes se suivent, plus ils se ressemblent. Hélas, moins ils surprennent.

À terme, j'ai peur que nos grands réseaux finissent par connaître le sort des radios commerciales; que pour maintenir leurs parts de marché, ils finissent par ne diffuser que de l'humour et des succès en cannes…

On s'en reparle l'automne prochain.