L'autre jour, quelqu'un que je connais à peine me harangue en ces termes nébuleux: "On est passé proche hier, hein?" Étonnement soudain. "Mais de quoi, diable, cause ce quidam?" De suite, mon hamster cérébral se met à trottiner en quête d'une réponse.
Réfléchissons. À en juger par l'usage du "on" inclusif, mon interlocuteur faisait visiblement référence à un événement dont nous avions tous deux été témoins. Événement qui, si je me fie au reste de sa déclaration, aurait pu tourner d'une autre façon. Le "hein?", quant à lui, m'invitait à me prononcer sur le sujet.
Lequel? Toujours aucune idée. Je me suis donc abandonné aux hypothèses. Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean venait-elle d'enterrer l'idée de déclencher de nouvelles élections fédérales? Une comète avait-elle rasé d'entrer en collision avec la Terre? Sylvain Cossette s'était-il interdit d'enregistrer un troisième disque d'imitations de tounes des années 70? De quoi étions-nous passés proche, hein?
Eh bien, voilà: Untel me parlait du Canadien, qui avait failli remporter la victoire la veille contre une équipe dont j'ai oublié le nom.
Au Québec, on peut vite se sentir hors jeu si on ne s'intéresse pas au hockey plus qu'il ne le faut. C'est mon cas.
Il y a longtemps, me semble-t-il, que la population n'a pas vénéré la rondelle avec autant de ferveur.
Un gars du Réseau des Sports (RDS) me racontait la semaine dernière que l'engouement pour le hockey est tel qu'aujourd'hui, tout le monde s'embrase pour les joueurs du troisième trio du Tricolore. Je ne connais rien là-dedans, mais il paraît que ça signifie quelque chose, que c'est parce que l'équipe est meilleure qu'avant. Et selon lui, c'est depuis que le Canadien reprend du poil de la bête que les fidèles reviennent au bercail. "On" n'a toujours pas gagné la coupe Stanley depuis 16 ans, mais il est désormais permis d'espérer. Il suffit de garder la foi.
RDS, qui diffuse les matchs du Canadien, profite de cette re-sacralisation du hockey. Si on en croit la firme BBM, selon les périodes de sondage et les régions, la chaîne spécialisée est tantôt la troisième chaîne la plus regardée au Québec, tantôt la quatrième (tout juste derrière TQS). Du jamais vu.
Montréal est hockey, les médias aussi. Selon l'État de la nouvelle 2008 d'Influence communication, les deux journalistes de la presse écrite les plus cités à la radio et à la télévision sont François Gagnon et Réjean Tremblay. Deux grandes gueules du hockey. Tenez-vous bien, ils sont plus cités qu'André Pratte, Richard Martineau et Yves Boisvert réunis!
Toujours selon Influence, les dernières séries éliminatoires de la LNH ont été le quatrième événement en importance dans les médias québécois en 2008, derrière la crise financière mondiale. C'est fou.
Certains suggèrent même que le Canadien est devenu une religion au Québec. Cette proposition, en apparence farfelue, fait l'objet d'un livre et d'un cours à la faculté de théologie de l'Université de Montréal. C'est du sérieux.
Il y a en effet des liens à faire entre le culte et le Canadien. Ne parle-t-on pas de "Jesus Price", du "démon blond", de la Sainte-Flanelle?
Et puis, le degré d'intensité avec lequel certains amateurs adorent leur club dépasse de loin le simple plaisir ordinaire de voir une équipe gagner une rencontre sportive. Cela se rapproche plus de l'expérience mystique. Un exemple: malgré un mur insonorisé, j'entends très distinctement mon voisin exulter de bonheur lorsque le Canadien marque un but. Il le fait avec une euphorie presque violente. Je le sens possédé. À mon sens, peu d'événements de la vie provoquent ce genre de réaction, sauf les miracles.
Maintenant, si le Canadien est une religion, de quelle religion s'agit-il? Quelles valeurs véhicule-t-elle? Quels sont ses enseignements?
C'est ici que je débarque.
Lorsque je vois des fidèles aller à ces messes carburant aux annonces de bière; des célébrations qui s'interrompent de temps en temps pour donner à des millionnaires l'occasion de se tapocher dessus pendant que les brebis scandent un sanctifiant "Tue-lé, hostie!"… à mon avis, le hockey n'est peut-être pas la meilleure façon de combler un vide spirituel.
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- Après avoir sévi sur le Web, les fous du Sportnographe ont désormais leur émission à la Première Chaîne de Radio-Canada (95,1 FM), les vendredis à 19 h.
- Toute une soirée de hockey, le dimanche 18 janvier, 19h30, sur ARTV.
L’attitude des amateurs de hockey a bien souvent des allures de fanatisme religieux et nationaliste.
Ce n’est déplorable que pour ceux qui ne sont pas dans le coup : les fanatiques sont heureux, et certains d’avoir raison. Aucune autre équipe n’égale la leur; le meilleur joueur fait partie de leur équipe fétiche. Voir jouer l’une et l’autre les exaltent. La victoire les euphorise ; la défaite les rend souvent violents. Exaltation ou violence sont deux états de quasi-inconscience. Pendant qu’on est au hockey, on pense hockey, on parle hockey, on mange hockey, on est habillé hockey. C’est tout le contraire de la présence à soi : ça relaxe… Rien à dire contre ça.
Sur un autre point : les joueurs de hockey ne sont pas des adultes qui se tapochent pour une rondelle. Il faut les voir s’entraîner sur la patinoire et en dehors pour se rendre compte à quel point ses hommes sont de véritables athlètes. Les sacrifices qu’ils s’imposent n’ont d’égal que la discipline à laquelle ils doivent s’astreindre. Ce sont des héros du stade et on les admire aussi pour cela. Ils affichent jour après jour leur désir de dépassement. C’est aussi cela, à mon avis, que les amateurs de hockey vont goûter dans les arénas.
Si les partisans en font des dieux, c’est qu’ils n’en n’ont pas d’autres. S’ils recherchent l’euphorie du stade, c’est que leur vie manque de passion. Ça, c’est inquiétant.
Mis il n’y a pas que les fous des arénas à s’imaginer que tout le monde pense comme eux. Ça ne vous est jamais arrivé, au lendemain, d’une élection de vous faire dire par quelqu’un que vous ne connaissez ni d’Ève ni d’Adam : On les a battus, hein!
Parlez-moi d'une convergence. Le jour même où sort ma chronique sur les liens entre le Canadien et
Bleu, blanc, rouge…
C’est pas les couleurs de l’ADQ ? On voit ce que Ça a donne comme résultat.
Quand j’etudiais a Jonquiere en communications et médias, j’ai connu une fille qui brûlait des lampions en face du poster de Mario Dumont.
Tout comme le génie en herbes avait son poster de Robert Bourassa.
Un jour, Bourassa se fait sortir du Québec par René Levesque.
Le plus jeune premier ministre va se ressourcer en étudiant l’économie en Belgique.
Ensuite il revient et reprend le pouvoir.
Admirable ?
Non.
Car si Bourassa avait étudié la constitution de la Belgique, il aurait vu l’avenir du Canada – une autre monarchie constitutionnelle dysfonctionnelle – et aurait pu donner un pays au Québec en 1995 au lieu d’engendrer de faux espoirs de changements et le rapport a l’air autonomiste…
Je comprends votre questionnement même je suis un vieil amateur de hockey… qui a « décroché » depuis longtemps!
La seule explication à donner est toutefois « classique »: le sport est un immense « défouloir collectif » comme la religion représentait jadis cette même « consolation suprême »! Je sais c’est « cliché », mais pour certains qui n’ont d’autres façons de se « réjouir », le hockey c’est le Nirvana! Petites vies, jobs plates, endettés, %&$* de politiciens, « humoristes gras durs » en crise (!?!), « guerres de chapelles » pendant qu’on crève ailleurs… rien de bien jojo pour ceux qui dans la vie n’ont guère d’autres horizons que leur tivi, leur bière et « Kovalev a-tu scoré? »
Moi, je compare plutôt le sport professionnel à l’art populaire. Il s’agit d’un simple divertissement qui devient plus gros, plus important. Quelle est la différence entre aduler Vincent Lecavalier ou Céline Dion? Pensez au charisme d’un Kurt Cobain ou d’un John Lennon et de leur influence sur beaucoup de personnes. C’est pas mal plus fou que tout ce qu’ont pu provoquer Wayne Gretzky, Michael Jordan ou Dan Marino… Ou bien alors, expliquez moi la différence entre une émeute au Centre Bell après une victoire du CH contre Boston en série, une émeute au Forum après la suspension de Maurice Richard, une émeute au Stade Olympique après le passage de Metallica et Guns N’ Roses ou une émeute au Altamont Speedway pendant un concert des Stones.
De mon côté, je m’intéresse au sport et à l’art «populaire». J’essaie d’écouter de la musique de tous les genres, de regarder des films de toutes les époques et de m’intéresser à plusieurs sports. D’un côté, l’art exulte la créativité, l’émotion, le talent brut et le travail acharné et de l’autre, le sport exulte la créativité, l’émotion, le talent brut et le travail acharné… Bref, les artiste qui méprisent le sport me font autant rire que les sportifs qui méprisent l’art.
Personnellement, j’ai arrêté de triper sur le hockey quand Wayne Gretzky a été échangé au Kings de Los Angeles.
Puis, c’est revenu avec l’homme qui a fait l’impensable : Jacques Demers. Faire croire à une équipe soudée qu’elle pouvait battre les meilleures en 1993.
Ensuite, c’est reparti dans les pinottes de Ronald Corey.
Mais je suis redevenu partisan lorsque Bob Gainey et Guy Carbonneau et Kirk Muller sont revenus au bercail.
Trois capitaines légendaires. Trois VRAIS. Trois raisons de « croire » que le 100e anniversaire du CH va donner un bon spectacle sur la glace.
En espérant que ça inspire les politiciens du Québec à l’Assemblée Nationale… parce que j’ai regardé Télé-Québec et la séance des questions orales hier… et ça volait pas haut dans le Québec de Jean Charest qui attend son petit butin d’Ottawa, une patinoire fermée en plein hiver économique…
» Bleu, blanc, rouge… C’est pas les couleurs de l’ADQ ? »
Non, de la France, des USA …
Moi non plus, j’écoute pas vraiment le hockey ! J’aimais les Nordiques « dans l’temps ». Le bleu et blanc …
» Maintenant, si le Canadien est une religion, de quelle religion s’agit-il? Quelles valeurs véhicule-t-elle? Quels sont ses enseignements? C’est ici que je débarque. »
Moi aussi, je débarque. L’Amateur du Canadien serait Religieux ?!? Heu … moi qui pensais que le « religieux » on n’aimait pas ça icitte depuis la Révolution tranquille ?!? Religieux comment au juste anyway ?!?
L’Amateur du Canadien, il est religieux parce qu’il n’est plus CATHOLIQUE. L’Amateur d’Humour Québécois, il est aussi religieux parce que DÉPOLITISÉ. Long shot ok ! mais tout de même à méditer !
C’est comment le monde, lorsqu’on le voit d’en haut, et que quelqu’un que l’on connait à peine nous harangue en des termes nébuleux?