Angle mort

Voir loin devant

Les moyens dont nous disposons aujourd'hui pour saisir le présent - et prédire l'avenir - sont un million de fois plus efficaces que ceux que possédait John Naisbitt.C'est dans un kiosque à journaux, à la fin des années 1960, que John Naisbitt a vécu l'Épiphanie. Il a découvert qu'à travers les grands titres des journaux locaux bourgeonnaient les mouvements sociaux, économiques et politiques qui allaient prochainement chambouler l'Amérique. Wow.

Peu après son illumination, Naisbitt quittait un gros job de cadre chez IBM et lançait sa boîte de consultation. Quelques années plus tard, son équipe et lui épluchaient quotidiennement des centaines de journaux locaux, à la recherche d'indices sur les tendances à venir. Car, selon la théorie de Naisbitt, les grandes tendances démarrent dans les petites villes, au niveau local, avant d'atteindre le niveau national.

Durant les années 1970, Naisbitt a ainsi prévu le déclin du nucléaire bien avant l'incident de Three Mile Island. Et il a deviné avant tout le monde que les pluies acides deviendraient un enjeu majeur. Il a aussi prévu l'échec des guichets automatiques… mais ça, on en parle moins.

En 1982, Naisbitt devenait le king des futurologues en publiant Megatrends, un livre dans lequel il présentait "10 directions qui transformeront nos vies". Parmi celles-ci: l'émergence de la société de l'information, la mondialisation et la mise en réseau de la population. On le constate aujourd'hui, nombre de ses prédictions sont tombées pile-poil.

Megatrends s'est vendu à 9 millions d'exemplaires dans 58 pays et s'est retrouvé en première position de la liste des best-sellers du New York Times.

Pour John Naisbitt, le moyen le plus efficace de prédire l'avenir est de bien comprendre le présent. En d'autres mots, pour voir loin devant, il faut avoir les deux pieds plantés dans l'ici et le maintenant. Retenez-le.

Je doute fort qu'on puisse, de nos jours, suivre les pas de John Naisbitt et trouver l'aiguille du futur dans la botte de foin des journaux locaux. On le sait, les quotidiens tombent comme des mouches. Ce qui est intéressant, par contre, c'est qu'ils disparaissent d'abord dans les petites villes… Combien de temps avant que la tendance frappe les grands quotidiens nationaux?

C'est un autre dossier.

Ce que je veux surtout dire, c'est que les moyens dont nous disposons aujourd'hui pour saisir le présent – et prédire l'avenir – sont un million de fois plus efficaces que ceux que possédait John Naisbitt.

Aujourd'hui, le "présent" se blogue, se "twitterise", s'exprime sur Facebook, sur Flickr, sur YouTube…

Et quelle entreprise est la mieux placée pour saisir les tendances futures dans ce "présent" en ligne? Eh oui: Google. Le gentil géant.

Un exemple. En novembre dernier, la prestigieuse revue Nature publiait les résultats d'une recherche menée par Google et les Centers for Disease Control and Prevention. Avec l'outil Google Flu Trends, ils ont démontré qu'il était possible de prévoir une vague d'influenza jusqu'à deux semaines avant les systèmes de surveillance utilisés présentement.

Comment? Parce qu'avant de se rendre chez le médecin, celui qui a la tête lourde et le nez congestionné risque de faire une petite recherche sur Google pour savoir s'il souffre de la grippe ou pas. S'ils sont deux millions à faire cette recherche dans l'État de New York, on peut conclure sans trop se gourer que la grippe court dans le coin.

Du coup, les autorités sanitaires peuvent réagir plus vite, demander à la population de se laver les mains pour éviter la propagation, se préparer à une pandémie, etc.

L'influenza touche chaque année des dizaines de millions de gens dans le monde. Et entre 250 000 et 500 000 en mourront. Il n'est donc pas tout à fait inutile de savoir, le plus tôt possible, où frappe la grippe. Histoire d'agir là où ça fait mal.

Cela dit, c'est une banale histoire de grippe, mais elle nous fait prendre conscience d'une chose: en analysant le "présent" (les requêtes des internautes), Google a réussi à voir un peu plus loin devant. Quand on y pense, c'est toute une percée.

On peut se demander quel genre d'avenir Google pourra lire, bientôt, dans les millions de traces que nous laissons sur le Web. Je l'ignore, mais je suis absolument convaincu que Google Flu Trends n'est qu'un flocon sur la pointe d'un iceberg aussi fascinant qu'inquiétant.

En cette ère de l'information (prévue par John Naisbitt voilà 27 ans), Google est au courant de tout ce que nous cherchons. Cette entreprise sait ce qui nous intéresse, ce qui nous inquiète et ce que nous mourons d'envie de savoir… Avez-vous imaginé quel genre de boule de cristal elle a entre les mains?

Google Flu Trends

www.google.org/flutrends/

Le site de John Naisbitt

www.naisbitt.com/

Une récente entrevue de John Naisbitt: