Angle mort

À propos de nous

Tout va bien pour l'homo quebecus quebecensis*, cet animal placide, généralement heureux dans sa vie comme dans son couple, pour qui le plaisir passe avant le travail.

Il aime l'argent et, malgré la crise économique, sa situation est stable. Voilà probablement pourquoi il ne craint pas de perdre son emploi et ne surveille pas plus qu'auparavant le prix des aliments au supermarché.

Par ailleurs, l'homo quebecensis n'est pas vert. N'en déplaise au Protocole de Kyoto, il privilégie le développement économique à la protection de l'environnement. D'ailleurs, son comportement en fait foi: il ne multiplie pas les efforts pour réduire sa consommation d'énergie, le gaspillage d'eau ou l'utilisation de son auto, pas plus qu'il ne perd son temps à trier ses matières recyclables.

Vous reconnaissez-vous dans cette description? Si oui, vous correspondez au portrait type du Québécois moyen, selon l'enquête Léger Marketing Découvrez le vrai visage du Québec menée pour le compte d'Hebdos Québec – l'association qui représente la presse hebdomadaire québécoise.

De Thurso à Causapscal, 30 000 répondants de tous âges ont donné leur avis sur 20 grands enjeux allant de l'euthanasie à l'environnement. C'est, prétend Hebdos Québec, le "plus important sondage jamais réalisé auprès des Québécois".

Si les résultats moyens de cette image haute définition sont assez prévisibles, c'est en regardant les chiffres à l'échelle locale que l'on constate d'importants contrastes entre les gens de différentes régions.

Par exemple, à Chibougamau, la majorité de la population (66 %, selon le sondage) est en faveur de la peine de mort, alors que la vaste majorité (77 %) des résidants du Plateau-Mont-Royal est contre l'idée.

Et si vous voulez travailler au noir, il vaut mieux déménager à Baie-Saint-Paul ou en Beauce. Là-bas, 52 % des gens ont déclaré avoir déjà payé quelqu'un "en dessous de la table". En revanche, oubliez le quartier Saint-Henri, seulement 23 % des gens paient au noir.

Qu'en est-il du bonheur? À Gaspé, 95 % des gens se disent heureux. À l'autre extrémité du spectre du bonheur, on retrouve… la clique du Plateau! En effet, 75 % des résidants du Plateau-Mont-Royal se disent heureux. Est-ce qu'on aurait ici une preuve qu'une alimentation riche en poisson, excellente source d'Oméga-3, a un effet positif sur le moral?

Restons sur le Plateau, si vous le voulez bien, et jasons d'environnement. Seulement 7 % des sondés du Plateau font l'effort d'acheter moins de produits jetables, alors que le tiers des gens de Mont-Laurier intègrent le critère "durable" dans leurs achats.

Et qui sont les rois du tri des matières recyclables? Les Amossois (mieux connus sous le nom moins drôle d'"habitants d'Amos"). Là-bas, 53 % des gens trient le contenu de leur bac vert contre 26 % sur le Plateau.

Pour ce qui est du gaspillage d'énergie, seulement le tiers des Montréalais disent faire des efforts pour réduire leur consommation d'énergie, alors qu'à Bécancour et à Nicolet, 47 % de la population modère ses kilowatts. J'imagine que la vue des cheminées de la centrale thermique de Bécancour fait mieux son travail de sensibilisation que les pubs de l'Agence de l'efficacité énergétique du Québec. Simple supposition.

Le plus ironique dans tout ça, c'est que dans plusieurs arrondissements de Montréal, et en particulier sur le Plateau, là où on ne trie pas beaucoup ses matières recyclables, là où on ne fait pas d'efforts pour réduire sa consommation d'énergie, de produits jetables ou le gaspillage d'eau… c'est là aussi qu'une majorité absolue de répondants (51 %) croient que l'on devrait privilégier la protection de l'environnement plutôt que le développement économique.

Si l'on exclut Montréal, le reste du Québec est plutôt à 65 % en faveur de l'économie et de l'emploi.

Enfin, une chose m'a étonné: 51 % des Québécois sondés s'identifient d'abord au Québec, ensuite à leur ville (32 %)… et loin derrière, au Canada (17 %).

Ce qui me fait dire que, malgré nos contrastes et malgré les disparités régionales en ce qui concerne les grands enjeux actuels, notre amour pour le Québec est toujours assez fort.

Assez fort pour penser que, même si la question nationale semble aujourd'hui plus en suspens que jamais depuis les 30 dernières années, il serait encore possible de faire un pays avec cette population en forme de courtepointe? J'en doute.

Car tout va déjà bien dans la vie de l'homo quebecensis cet animal placide et généralement heureux…

*Merci à Josée Legault pour la leçon de latin!