La vie en société est ainsi faite. Tôt ou tard, le destin placera sur votre route quelqu'un d'insupportable. Une tache. Une teigne. Une plaie.
Si ça se trouve, certains de ces casse-pieds sont peut-être vos amis.
Tenez, j'ai un vague copain dans le genre. Chaque fois que je le rencontre, et pour une raison que je saisis encore mal, il s'entête à me détailler dans le menu la marque et surtout le prix des vêtements qu'il porte, tout en précisant qu'il s'en fout. "Ouais, la chemise Canali… J'ai claqué 300 $. C'est superficiel, mais je m'assume!"
Insupportable.
Ce que je vois, c'est un adulte normalement constitué qui a décidé que son rôle social serait celui du gars-qui-s'habille-cher-et-qui-veut-que-ça-se-sache.
Et je ne vous parle pas des fois où il nous les gonfle en faisant du name-dropping avec les derniers gadgets à la mode qu'il a acquis.
En clair, ce vague copain est un sous-produit irritant de la société de consommation.
Je suis en train de lire ce bouquin de Sven Ortoli (journaliste) et Michel Eltchaninoff (philosophe) intitulé justement Les Insupportables (Seuil).
Les auteurs y vont d'un savoureux recensement des insupportables contemporains. À travers d'amusantes saynètes, ils décortiquent les agaçants tics de 40 caractères impossibles de la vie courante. Parmi ces personnages, vous reconnaîtrez des gens de votre entourage. Garanti.
Un exemple. L'insupportable numéro 20: Le petit inquisiteur. Présentation sommaire: "Gardien de la nouvelle religion écologique" et extrémiste du "biologiquement correct", il n'hésitera pas à vous rabrouer publiquement si jamais il vous prend à commettre un acte répréhensible (environnementalement parlant). "Tu sais, tu es censé rincer tes petits pots de yogourt avant de les mettre au bac de recyclage?"
Insupportable.
Et que dire de l'insupportable numéro 27: L'ami de l'humanité? On l'imagine tout de suite. Il a passé deux semaines à installer une éolienne au Mali avec d'autres Occidentaux en mal d'altruisme intercontinental. Ça lui a fait vachement prendre conscience des inégalités entre les humains et, depuis ce temps, il débute TOUTES ses phrases par "En tout cas, quand j'étais au Mali…"
Insupportable.
Il y a aussi Le parano du monde occidental (insupportable numéro 19) qui croit que l'État et les politiciens ne sont que des marionnettes contrôlées par les gros bonnets du groupe Bilderberg. Et le 11 septembre 2001? Ne le lancez surtout pas là-dessus, car il a TOUS les faits pour prouver que le vol 77 d'American Airlines N'A PAS percuté le Pentagone ce matin-là.
In-sup-por-table.
Le weople (numéro 37) est un "drogué de la notoriété électronique" qui twitte ses états d'âme pseudo-songées 32 fois par jour à ses 816 amis. Matin et soir, cet obsédé google son propre nom pour savoir ce que la blogosphère dit à son sujet. Personne ne peut le sentir dans la vraie vie, mais sur la toile, c'est une star.
En découvrant cette joyeuse brochette de personnages conçus pour tomber sur les rognons, je me suis demandé ce que les insupportables d'aujourd'hui racontaient à propos de notre société.
Au temps de Séraphin, il y avait les commères qui répandaient les secrets du village du perron de l'église jusqu'au bureau de poste. Elles étaient les désagréments d'une société tricotée serrée. De nos jours, alors qu'on ne connaît plus le nom de ses voisins et que les perrons des églises sont désertés, il me semble que les commères sont un peu moins bruyantes.
À chaque époque ses insupportables.
Il faut maintenant se préoccuper de l'environnement? Il y a ces fanatiques écolos qui nous les cassent avec leur credo de Greenpeace appris par cour.
La confiance de la population envers le gouvernement est au plus bas? On trouvera sur Internet des weirdos convaincus que le Grand Capital contrôle nos élus (et que les extraterrestres contrôlent le Grand Capital).
Et si ô malheur on oubliait les terribles inégalités qui règnent entre les peuples, il y aura toujours un jeune coopérant au chandail tricoté par des mères monoparentales et équitables du Guatemala pour nous "sensibiliser" à ces injustices.
Les caricaturistes sont passés maîtres dans l'art d'exagérer pour mieux illustrer. C'est aussi ce que font les insupportables (sauf que, dans leur cas, ce n'est pas intentionnel). Ainsi, pour lire son monde, rien de tel que d'étudier ses éléments les plus hérissants.
La société de consommation nous éloigne des vraies valeurs? Une chance que j'ai un vague copain qui me le rappelle chaque fois qu'il me saoule avec son veston Hugo Boss.
Ah! monsieur Proulx vous êtes insupportable ici! :))))))))))))))
En vous lisant, j’ai reconnu mon épouse (les pots de yogourt) et je crains qu’elle pourrait me reconnaître ici et là… (rires).
Monsieur Poulx, vous m’avez bien fait rire en évoquant cet ami obsédé par le prix de ses vêtements. J’ai d’autant plus ri que j’ai connu l’inverse radical. Il y a une vingtaine d’années, j’avais un collègue, professeur de sociologie, trotskiste impénitent, qui passait son temps à nous harceler en nous faisant savoir à quel point ses vêtements étaient bon marché et n’avaient «rien» coûté. Il était fier de nous annoncer que la totalité de sa tenue vestimentaire, souliers inclus, ne valait que 22.73$ ou 29.03$.
Humoristiquement vôtre!
JSB
Pingback depuis Ah! oui, insupportable? « Renart L’??veill?? / Carnet r??sistant
Dans l’idée d’insupportable, il y a un sujet qui ne supporte pas.
Et si le problème, ce n’était pas les traits de personnalité décrits dans ce livre, mais bien le fait que les auteurs sont des personnes intolérantes de ceux qui pensent et agissent de façon différente d’eux?
Incidemment, vous m’apparaissez plutôt insupportable!
Si on est écolo, ça vous fait ch…, si on a une opinion sur les inégalités entre les sociétés, et qu’on l’exprime, ça vous fait ch…
Alors si je comprends bien, pour que Môssieur trouve quelqu’un agréable de compagnie, il faut se fermer la gueule et jouer le yes man à votre égard…
Les écolos font ch…? Et les gens qui jettent tout n’importe où, qui se plaisent à transformer leur environnement en gigantesque poubelle, est-ce qu’on peut les trouver insupportable, nous?
Je crois que quelqu’un est monté dans les rideaux en lisant le profil de l’écolo ahahaha!!!!
Ce n’est pas d’être écolo qui est insupportable, c’est le fait de l’utiliser pour flasher…
Moi, en ce qui me concerne, je connais quelqu’un qui EST le profil numéro 37. Le genre qui écris qu’elle va au gym sur son statut de Fessebook avant de partir et qu’en revenant, elle écris : (nom) relaxe après une bonne session d’entraînement au Gym du plateau en écoutant du Motorhead!! Rock!
In-Sup-port-able!!!! :)
Bonjour M. Proulx,
Habituellement j’ai du plaisir à lire votre article et encore hier votre article m’a fait rire. Toutefois, je suis déçu par votre manque d’éthique civile. J’ai également de la difficulté à comprendre votre objectif dans cet article.
Tout d’abord, Angle mort, c’est un bon titre pour votre article car vous avez justement frappé beaucoup de gens sur la route à cause de votre angle mort : la subjectivité. Vous commencez votre article en parlant des insupportables, les taches vous dites. Ensuite, vous parlez d’un vague copain en publiant à travers la région une étiquette réductrice de son identité personnelle. On appelle ça un stéréotype, rien de bon pour l’évolution d’une société. Vous pouvez être sûr que je ne voudrais pas être votre vague ami. C’est vraiment violent de réduire quelqu’un à un sous-produit irritant de la société de consommation. Si vous avez faites des études vous êtes assez brillant pour comprendre que les gens comblent des besoins affectifs de différentes façon. Les gens cherchent leur bonheur en explorant les nombreuses facette d’une société.
Les insupportables comme vous dites, c’est eux qui sont souvent blâmés de vivre simplement leur authenticité. La biodiversité s’applique également en sociologie. Les gens ne sont pas des numéros de caractères qu’on publie dans un livre, ils sont uniques. Ce sont les gens différents qui font que vous avez rempli un quart de page à contaminer les citoyens, à nourrir l’intolérance grandissante de la société.
Ensuite, vous donnez la garanti aux lecteurs qu’ils pourront reconnaître les gens dans leur entourage portant un numéro, bravo! Et moi je vous donne la garanti que vous avez votre propre numéro, il est en tête d’affiche : un gros zéro. Zéro comme dans Martineau. Vous êtes c’est gens qui ont la chance d’avoir un vitrine dans un journal et qui alimente les conflits social en y jetant de l’huile d’OGM (organisme génétiquement méchant). Vous avez le beau rôle : vous êtes payé pour commérer sur tout sans objectivité, sans recherche, vous n’avez pas de compte à rendre et les gens qui carburent aux frustrations vous louangent. Wow! Moi aussi je veux avoir ma vitrine et y mettre ma petite photo. Non sans blague, Les zéros sont comme les compagnies pétrolières qui posent des gestes sans penser à l’impact sur l’environnement. Tasses-toi de leur chemin car ils ont une sainte mission à accomplir : livrer la marchandise car il faut que ça roule! Sérieusement, les zéros sont des gens en mal de vivre, rempli de bonnes intentions mais frustrés comme 15 face à leur impuissance de ne pas avoir le contrôle. Je les aime les zéros car ils sont francs et idéalistes. Par contre, je déplore leur manque de civisme et de lucidité.
Vous terminez votre article en écrivant le mot Boss, c’est très intéressant. Il n’y a aucune ouverture, un petit zéro collé tout droit sorti d’une paire de fesses (B majuscule) avec ses deux acolytes : des ss militants. Il y a des gens insupportables car il y a des gens intolérants qui jugent continuellement. Je vous assure qu’il y a du bon en chacun de nous, vous êtes une bonne personne et je vous souhaite d’avoir la joie de vivre en utilisant la tolérance pour faire tomber vos filtres. C’est tellement plus agréable d’être en société quand on s’exerce à voir la beauté en chacun. L’amour c’est une discipline et elle part de la volonté. Reprenez-vous et faites-moi rire encore la semaine prochaine!
Gabriel Gerard
« On trouvera sur Internet des weirdos convaincus que le Grand Capital contrôle nos élus »
Euh?! N’est-ce pas le cas? Êtes vous naïf à ce point?
Les firmes de cotation ça vous dit quelque chose?
Les chambres de commerce?
Les conglomérats médiatiques?
Vous devriez lire ou relire « Le petit cours d’autodéfense intellectuelle » pour vous rafraîchir la pensé critique.
Oh là là, que de quidams ici qui se sentent visés… une preuve selon moi que ce bouquin rigolo frappe peut-être plus dans le mille qu’il n’y paraît…
Perso, je crois que M. Proulx prenait seulement exemple sur cet ouvrage pour un peu d’auto-critique. Vous savez, se regarder dans le miroir de temps en temps, ça fait du bien…
Si j’interprète correctement (corrigez-moi là-dessus M. Proulx), ce billet ne dénonçe pas les différences d’opinions autant que L’ÉTALAGE intempestif et puéril de celles-ci, pour seul et unique but d’épater la galerie, comme le disait M. Laplante avant moi…
Là-dessus, vous me direz probablement que je devrais continuer à livrer mes missives contre l’establishment et le pouvoir établi bien installé dans mon appart dernier cri par le biais de mon Mac ou bien affalé sur un fauteuil avec les copains, tout en sirotant un apéro à n’importe quel bistro branché sur St-Denis…
Oui je plaide coupable d’un p’tit brin de sarcasme. Que voulez-vous, je suis toujours fasciné par l’éternel paradoxe qu’est l’humanus québécus…
Là-dessus, je me prépare à recevoir les tomates !
Il s’agit d’une sainte colère. C’est humain. Mieux vaut péter la coche de l’extérieur que de se détruire par en dedans.
C’est l’une des raisons qui me fait pratiquer la peinture, la sculpture ou la musique.
Par contre, j’ai du mal à comprendre la réaction des gens. Une personne se libère en disant tout haut certaines choses, et puis d’autres lui tapent dessus comme s.il n’a pas le droit de parole.
Mais n’est-ce pas ce que font nos politiciens pendant les campagnes électorales ?
Et puis, après tout, les excuses existent ainsi que le pardon. Je te laisse avec »Peace of heaven » de Giorgia Fumanti.
P.S. Une petite insupportable que bien du monde aime :)
Mes insupportables, j’en nomme deux, qui s’adressent aux jeunes gens.
D’abord, le « Portabilisme », cette maladie des ados, partout, le portable sur l’oreille, qui téléphonent incontinent, à toutes les trente secondes, et à qui donc, je vous le demande? Une vraie démangeaison numérique, cette manie de se brancher sur son cellulaire, comme si le cerveau s’y était tout entier déporté. Hors de lui, le portabiliste n’entend plus rien, ne voit plus rien, qui vit autour. Le prototype achevé du décervelé. Increvable!
Deuxièmement, la littérature de l’intime, « l’intimisme », dont sont affligés la plupart des jeunes romanciers québécois, en particulier dans la littérature universitaire. Une rage, un caprice obstiné de beaux esprits encombrés. À force de vouloir toujours aller plus loin dans ce fisting de leur nombril, tous ces jeunes gens finiront par s’étrangler le coeur. Effrayant!!
Je t’ai trouvé tellement «insupportable» que j’ai écrit un billet sur mon blogue à ce sujet, sachant maintenant que tu es le numéro 37.
D’ailleurs, je t’ai à l’oeil, tu es maintenant sur ma blogoliste. Et je me promets de lire tes livres et si j’aime, d’en faire la promo.
Bref, je vais devenir définitivement «insupportable». Cela va t’inspirer un scénario ou un roman dans le genre J’ai tué ma mère. Cela va s’appeler J’ai tué mes lecteurs.
Blague à part, j’ai réellement écrit un billet sur toi dans mon blogue.
http://abeille344.blogspot.com/2009/06/tomber-sur-les-nerfs-des-autres.html#links
Des insupportables, il y en a dans tous les milieux. Même dans le monde littéraire Monsieur Jean-Claude Bourbonnais. Comme je vous comprends.
Connaissez-vous le livre « Le cadavre bouge encore, Précis de réanimation littéraire » ?
Chloé Delaume nous énumère ces auteurs de non-livres. Puisque nous sommes à l’ère du non-livres pour emprunter l’expression de l’auteure (page128)
La littérature de l’intime est habituellement pratiquée par la gente féminine. C’est la « nombriliste lexomilé » page 132. Le sujet de son oeuvre est elle-même. Elle est son unique sujet. Elle raconte son agonie et ses séances de psychanalyse. Insupportable !
Il y a le « trashogribouilleur », page 131. C’est un mélange entre Éric Lapointe et Denis Vanier. Il est généralement masculin.
Il y a le « scatopoêt », page 131. Il est poète parce qu’il harcèle et menace pour se faire publier dans les revues de poésie avant-gardistes. Il fait dans le sampling et la « saturation textuelle sur papier »
Il y a l' »anti-social-tu-perds-ton-sang-froid », page 132. C’est l’intellectuel des deux derniers. Il vocifère et s’étouffe en rageant sur le Capitalisme ambiant. C’est l’artiste maudit par excellence mais qui écrit à l’aide d’un portable pour atteindre les masses. Insupportable !
Le « jecriedanslanuit », page133, est une forme hybride entre le « nombriliste lexomilé » et l' »anti-social-tu-perds-ton-sang-froid ». Il souffre sans cause aucune. Il s’épanche et écrit sa douleur à l’aide de métaphores lyriques et un vocabulaire précieux. Insupportable
Le jevaismependre, page 133, auteur prônant le genre romanesque, il raconte sa vie misérable et rencontre des gens misérables et lorsque vient le moment de commettre l’irréparable à l’avant-dernière page de son roman, il tombe amoureux de sa voisine ou d’une inconnue qu’il croise dans la rue. Insupportable
Je vous fais grâce du « lyrique éberlué », du « khâgneux adoubé », du Potamurielle et le « Jefaisci », page 134-135. Ils sont tous insupportables.
Mais il en manque un : l’écrivain médiatique que l’on invite sur tous les plateaux de télé et émissions de radio. Il est partout et a une opinion sur tout, même si on ne veut pas l’entendre. Celui-là est insupportable aussi !
Merci M. Labonté pour cette psychanalyse gratuite sur votre site! Tout le fric que je viens d’économiser!
Ceux qui me tappent le plus sur les nerfs sont ceux qui font semblant de ne pas savoir qu’ils sont beaux.